Haussmann, tel qu’en lui-même enfin. Le bluff et le talent
De toutes les personnalités qui ont œuvré pour modeler le visage de Paris, le préfet de la Seine baron Georges Eugène Haussmann est certainement le plus connu et le plus mal connu. Les sources historiques sont restées longtemps incertaines : les archives du département de la Seine ont brûlé dans le grand incendie de la Commune et les Mémoires du baron préfet, introuvables depuis longtemps en librairie, passaient, non sans de bonnes raisons, pour un plaidoyer pro domo. De plus, la transformation de Paris effectuée entre 1853 et 1870 a donné lieu à des polémiques virulentes de la part des Républicains opposés au régime de Napoléon III qui ont fait appel à la diatribe plus qu’à des critiques argumentées.
Une série de publications récentes rendent aujourd’hui accessibles les textes originaux et font appel à de nouvelles sources d’archives privées et publiques. Elles permettent de mieux apprécier ce qui relève de la volonté de vilipender et de préciser les rôles réels en éclairant la personnalité de l’homme et la nature de ses rapports avec l’Empereur. Parmi celles citées en bibliographie, il faut saluer d’abord la réédition des Mémoires pourvue, grâce à Françoise Choay, d’introduction, de notes et d’index précieux. Mais si les 1 200 pages de la version originale vous semblent un peu longues, Haussmann au crible, de Nicolas Chaudin, vous amusera par l’acuité du style et la précision d’une chasse bien documentée aux nombreux mensonges et omissions des Mémoires. Les bibliographies, sérieuses et classiques, situent l’homme et l’œuvre dans leur contexte. Les spécialistes découvriront aussi avec intérêt la publication par les Cahiers de la Rotonde des travaux préparatoires de la Commission Siméon.
Pour tenter d’esquisser, à l’aide de ces matériaux, un portrait plus vraisemblable de cette personnalité complexe, il convient d’abord de situer l’intervention d’Haussmann dans son contexte. Des références à l’autre grande étape de l’urbanisme parisien, celle confiée à Paul Delouvrier par le général de Gaulle, étape à laquelle j’ai participé, aideront aussi à préciser certains aspects de la question.
Fallait-il transformer Paris ?
Les grands témoins convoqués par les auteurs cités soulignent tous l’urgence et l’impérieuse nécessité d’une transformation totale des structures de la capitale. Maxime du Camp l’argumente de manière particulièrement précise et convaincante. Et l’on trouve dans Balzac, dans Victor Hugo et même dans Zola, qui n’aimait pourtant pas Haussmann, maints témoignages de l’engorgement et du manque d’hygiène d’une ville qui n’avait guère évolué depuis le Moyen Âge.
La royauté s’était contentée d’abattre l’enceinte de Louis XIII, quitte à la remplacer par le » mur murant Paris (qui) rend Paris murmurant « , l’enceinte des fermiers généraux, et d’aménager quelques places royales, actes qui relevaient en fait de simples opérations de promotion immobilière, le talent des architectes en prime. Les grands aménagements de l’âge classique – Invalides, Champ de Mars, jardins des Champs-Élysées – se situent en périphérie et n’ont pas de vocation spécifiquement urbaine. Mais ces aménagements, et la construction des » routes royales » sous Louis XV, vont mettre en place, en dehors de la ville dense et compacte, de grandes structures paysagères qui, plus tard, se transformeront en axes d’urbanisation au point de devenir les modèles de ce qu’il est convenu d’appeler des avenues haussmanniennes. En réalité, Haussmann n’a fait, avec ses percées, que reproduire et systématiser un principe de voirie qui relevait initialement d’une vision paysagère bien plus qu’urbaine.
Ce qui va tout changer, c’est l’essor rapide des chemins de fer dans la décennie de 1840. Dans le réseau en étoile conçu par Legrand, les » embarcadères » parisiens forment une couronne à la limite de l’agglomération continue. Les flux croissants de voyageurs se heurtent, aux portes de ces gares en cul-de-sac, à des lacis de rues étroites. En même temps, une baisse importante des coûts de transport des marchandises stimule la production industrielle et le commerce lointain. Une mutation économique de grande ampleur en résulte qui se heurte, dans le cas de Paris, à la vétusté des structures physiques de la ville.
Les régimes précédents avaient déjà perçu la nécessité d’améliorer les conditions de circulation dans Paris, et entrepris des réalisations partielles : la percée de la rue de Rivoli avait été commencée sous Napoléon Ier, mais s’était heurtée à de fortes difficultés de commercialisation. L’aération du quartier des Halles avait été amorcée par la percée de la rue Rambuteau. Paris n’était pas la seule ville concernée par une stratégie de percées au travers des quartiers anciens. Bien au contraire, de nombreuses villes de province, Rouen ou Avignon par exemple, avaient donné l’exemple en réalisant des programmes de percées bien visibles, encore aujourd’hui, sur les plans de ces villes. L’idée d’un plan d’ensemble de percées était donc non seulement d’actualité pour Paris, mais aussi une méthode d’action déjà éprouvée.
Ces remarques suffisent à situer un premier aspect discutable des Mémoires d’Haussmann. Il veut se présenter comme le chef d’orchestre qui, certes, applique les directives générales données par Napoléon III mais définit et met en œuvre les grands principes d’un nouvel urbanisme de la capitale. Cela l’amène à occulter systématiquement les réflexions et les débats préalables ainsi que les expériences dont il tirera profit. Son orgueil le pousse ainsi à de multiples travestissements de la vérité historique, dont le plus spectaculaire concerne les conditions de sa nomination comme préfet de Paris.
Deux grands coups de bluff
En 1852, Haussmann est préfet de Bordeaux. Il attire l’attention sur lui en organisant avec beaucoup de talent le voyage au cours duquel le prince-président annoncera son intention de modifier le régime par le célèbre discours sur le thème » l’Empire, c’est la Paix « . Peu de temps après, le coup d’État réussi, Napoléon III décide de remplacer le préfet de la Seine, Berger, jugé trop timoré, par un homme d’action qui s’attache à donner toute son ampleur à la transformation de Paris dont l’Empereur veut faire la grande priorité de son règne.
LE PROGRAMME DE NAPOLÉON III
2 août 1853
Dans le projet d’embellissement de la ville de Paris, l’Empereur désire arrêter les règles suivantes :
1. Que toutes les grandes artères aboutissent aux chemins de fer.
2. Que la hauteur des maisons soit toujours égale à la largeur des rues et ne l’excède jamais.
3. Que dans les tracés des grandes rues les architectes fassent autant d’angles qu’il est nécessaire afin de ne point abattre soit les monuments soit les belles maisons, tout en conservant les mêmes largeurs aux rues, et qu’ainsi on ne soit pas esclave d’un tracé exclusivement en ligne droite.
4. Qu’une carte désignant tout l’ensemble des projets d’amélioration soit imprimée et rendue publique.
5. Que ce plan s’étende jusqu’aux fortifications.
6. Que les travaux soient entrepris sur la rive gauche comme sur la rive droite.
7. Que les travaux d’amélioration commencent :
- par la prolongation de la rue de Rivoli jusqu’à la rue du faubourg Saint-Antoine ;
- par la prolongation du boulevard de Strasbourg jusqu’au quai ;
- par le boulevard Malesherbes ;
- sur la rive gauche, par la prolongation de la rue des Écoles jusqu’à la place Sainte-Marguerite d’un côté, et de l’autre jusqu’à l’embarcadère du chemin de fer d’Orléans en traversant le jardin des Plantes.
Persigny, le ministre de l’Intérieur, est chargé de sélectionner les candidats jugés les plus aptes. Il convoque quatre des principaux préfets de l’époque, dont Haussmann, qu’il connaît déjà. En effet, comme le rapportent les mémoires de ce dernier, Persigny l’a fait venir auparavant, le 20 février 1853, pour lui proposer la préfecture de Lyon qu’Haussmann refusera. Comment croire qu’un ambitieux comme lui ne veuille pas du second poste dans la hiérarchie des préfectures de l’époque, si ce n’est pour briguer la première place ?
Pourtant, quatre mois plus tard, si l’on en croit le récit d’Haussmann, ce dernier dîne à la sous-préfecture de Bazas, le 23 juin, lorsqu’une estafette lui apporte une dépêche de Persigny lui annonçant sa nomination à Paris. Haussmann n’en dit mot aux convives et rédige une lettre de refus que l’estafette est chargée d’acheminer au plus vite. Mais le lendemain, de retour à Bordeaux, Haussmann apprend que sa nomination a été publiée et qu’il doit exécuter les ordres de l’Empereur.
Il quitte Bordeaux le 27 et s’installe le lendemain à Paris, dans un hôtel. Il voit Persigny qui » lui explique sommairement sa mission » et notamment l’énorme problème que pose le financement des grands travaux qu’il est en charge de lancer. Haussmann commence ensuite la longue tournée des visites protocolaires indispensables par une rencontre avec Berger à qui il demande de faire porter à son hôtel le compte administratif de la Ville pour 1852 et son budget pour 1853.
Il passe sa soirée à étudier ces documents, et la conclut par un Eurêka ! triomphant, prétendant avoir découvert la solution du problème financier.
Ce premier bluff est énorme. Tous ceux qui ont eu l’occasion, au cours de leur carrière, de passer d’un poste provincial à une responsabilité comparable dans la capitale savent qu’un grand saut intellectuel et professionnel est obligatoire pour prendre pleine connaissance de l’échelle des problèmes parisiens. Aucun des ordres de grandeur valables en province n’est utilisable dans une agglomération multimillionnaire, et il faut des mois pour acquérir les nouveaux repères. Même un grand administrateur comme Haussmann ne saurait échapper au nécessaire apprentissage des caractéristiques propres à une métropole mondiale.
La raison profonde de ce premier bluff tient sans doute au fait que le véritable inventeur de la solution financière est Persigny – ce dernier le revendique expressément dans ses Mémoires – alors qu’Haussmann veut absolument prouver qu’entre Napoléon III et lui personne n’a joué de rôle notable. Il en va de même pour le second bluff, qui prend le caractère d’un mensonge par omission.
Haussmann cite bien dans ses Mémoires la Commission Siméon chargée par l’Empereur d’élaborer le programme détaillé des transformations, mais il n’en parle que pour critiquer son inefficacité et préciser qu’il obtient tout de suite que l’Empereur la supprime.
La publication récente des travaux de l’équipe réunie par Siméon, à l’initiative de la Commission du vieux Paris, permet de rétablir une chronologie plus exacte. En fait, la Commission a été créée après et non avant la nomination d’Haussmann. Sa lettre de mission est datée du 2 août 1853. Elle comporte, en annexe, un programme en dix points (voir encadré de la page précédente) qui précise les directives d’urbanisme émanant de l’Empereur lui-même. On notera avec intérêt qu’elles divergent sur certains points des conceptions d’Haussmann, notamment en ce qui concerne l’obsession du Préfet de ne tracer que des voies strictement rectilignes. La Commission remet le 20 décembre un rapport assez bref, accompagné d’un plan d’ensemble et de nombreuses notes annexes.
Il est donc clair qu’Haussmann a été choisi pour exécuter le programme de transformation et non pour mettre à l’étude ses dispositions urbanistiques et le montage financier. Mais son orgueil lui interdit de se contenter d’un rôle aussi limité. Le brio et le culot qu’il met à repousser dans l’ombre les travaux préparatoires, toujours nécessaires dans une transformation d’une telle ampleur, recoupent tout à fait les traits de caractère si bien décrits dans le portrait d’anthologie que Persigny trace de lui dans ses souvenirs (voir encadré de la page suivante).
Le contexte économique et financier
En ce milieu du XIXe, le débat sur l’économie est ouvert. La révolution du chemin de fer ouvre d’immenses perspectives pour l’industrie et le grand commerce. Elle s’accompagne aussi de bulles financières spéculatives tout à fait comparables à ce que nous vivons aujourd’hui avec la » Net économie « . Faut-il continuer à investir massivement pour développer les réseaux ferrés et adapter les structures des grandes villes aux besoins de cette nouvelle donne économique ?
Prônée par Saint-Simon et ses adeptes, une théorie dite des dépenses productives voit le jour. Traditionnellement, les budgets publics restent, pour l’essentiel, des budgets de fonctionnement qu’il est convenu de gérer » en bon père de famille « , sans recourir à l’emprunt. Les villes n’investissent dans leur équipement que dans la mesure où le budget de fonctionnement dégage des excédents, donc de manière nécessairement marginale. Paris pousse le modèle à l’extrême, et Haussmann pourra montrer que le budget préparé par son prédécesseur sous-estime les recettes et majore délibérément les prévisions de dépenses.
Cette prudence est en phase avec l’attitude dominante d’une bourgeoisie enrichie grâce à la Révolution et à la vente des biens nationaux. L’attitude patrimoniale privilégie les actifs non circulants ; l’idéal, c’est de » vivre des revenus de ses revenus « . Mais la Révolution industrielle en cours et l’essor de la banque moderne font naître un courant opposé, jouant à fond sur l’effet de levier du crédit comme moteur de la croissance.
Ce modèle, incontestablement valable pour l’industrie, peut-il être transposé à l’équipement urbain ? Nous savons depuis peu que la réponse dépend du contexte démographique et économique. En période de forte croissance, les grandes opérations publiques comme les villes nouvelles de Paul Delouvrier ou le quartier de La Défense peuvent s’autofinancer. Mais de telles périodes sont assez rares et assez courtes dans l’histoire des villes. Elles sont séparées par de longues phases de développement modéré, comme celle que nous connaissons depuis la crise de 1973, au cours desquelles l’autofinancement de l’aménagement se révèle impossible à atteindre.
Le débat de 1852 pose donc un vrai problème de fond, qui sera tranché, de par la volonté personnelle de Napoléon III, par la mise en application de la théorie des dépenses productives. En pratique, cela veut dire que les excédents budgétaires camouflés par le préfet Berger serviront, non à payer directement des travaux, mais à garantir les emprunts indispensables pour engager la transformation de Paris à un rythme beaucoup plus rapide.
Dans un premier temps, la réussite est indiscutable. Haussmann obtient du Conseil d’État la possibilité de procéder par expropriation pour libérer des emprises plus larges que celles des voies à ouvrir. La revente ultérieure des parcelles valorisées par la construction du nouveau boulevard dégagera au profit de la ville des plus-values substantielles : l’aménagement paie l’aménagement.
Mais ce démarrage euphorique ne durera pas, et cela pour des raisons politiques qui ne remettent pas en cause la possibilité d’un tel autofinancement. Deux retournements de jurisprudence, aussi choquants l’un que l’autre du point de vue de l’équité, mettront à mal le système imaginé par Persigny. Tout d’abord, le Conseil d’État refusera de continuer à donner son aval aux expropriations par larges bandes, au motif que la déclaration d’utilité publique ne peut s’appliquer qu’aux terrains destinés à être incorporés au domaine public et non à ceux destinés à être revendus (sauf exception de portée marginale).
L’arbitrage est clair : l’action publique doit se limiter aux dépenses, les plus-values tombant dans la poche des heureux propriétaires des parcelles riveraines de la percée.
Le second revirement, moins connu que le premier, est encore plus choquant. En bonne gestionnaire, la Ville expropriait avec quelques années d’avance pour pouvoir libérer les immeubles de leurs occupants au fur et à mesure de l’échéance des baux triennaux, donc en résiliant ces baux sans indemnité selon la pratique de l’époque. Mais la Cour de cassation modifiera la règle en imposant l’indemnisation des locataires à la date de la déclaration d’utilité publique.
Ces deux changements des règles de droit coûteront d’autant plus cher à la Ville que les indemnités d’expropriation sont fixées par des jurys de propriétaires qui se montreront d’une générosité laxiste. La note sera d’autant plus salée que la méthode d’évaluation utilisée par les jurys fera proliférer les spécialistes en comptabilités truquées qui vendront leurs services aux heureux expropriés, comme le dénonce Haussmann.
PORTRAIT D’HAUSSMANN PAR PERSIGNY
C’est Monsieur Haussmann qui me frappa le plus. Mais, chose étrange, c’est peut-être moins les facultés de son intelligence remarquable que les défauts de son caractère qui me séduisirent. […] J’avais devant moi l’un des types les plus extraordinaires de notre temps. Grand, fort, vigoureux, énergique, en même temps que fin, rusé, d’un esprit fertile en ressources cet homme audacieux ne craignait pas de se montrer ouvertement ce qu’il était.
Avec une complaisance visible pour sa personne, il m’exposait les hauts faits de sa carrière administrative, ne me faisant grâce de rien ; il aurait parlé six heures sans s’arrêter, pourvu que ce soit de son sujet favori, lui-même. J’étais, du reste, loin de me plaindre de cette disposition. Elle me révélait toutes les faces de son étrange personnalité. Rien de curieux comme la manière dont il me racontait son coup de collier du 2 décembre, ses démêlés avec le ministre de la Marine, ce pauvre Monsieur Ducos, embarrassé de deux femmes, et surtout ses luttes avec le Conseil municipal de Bordeaux. En me faisant connaître dans le plus grand détail les incidents de sa campagne contre ses redoutables adversaires de la municipalité, les pièges qu’il leur avait tendus, les précautions qu’il avait prises pour les y faire tomber, puis les coups de massue qu’il leur avait appliqués, une fois par terre, l’orgueil du triomphe illuminait son front.
Quant à moi, pendant que cette personnalité absorbante s’étalait devant moi avec une sorte de cynisme brutal, je ne pouvais contenir ma vive satisfaction.
» Pour lutter, me disais-je, contre les idées, les préjugés de toute une école économique, contre ces gens rusés, sceptiques, sortis pour la plupart des coulisses de la Bourse ou de la Basoche, peu scrupuleux sur les moyens, voici l’homme tout trouvé. Là où le gentilhomme de l’esprit le plus élevé, le plus habile, le plus droit, le plus noble, échouerait infailliblement, ce vigoureux athlète, à l’échine robuste, à l’encolure grossière, plein d’audace et d’habileté, capable d’opposer les expédients aux expédients, les embûches aux embûches, réussira certainement. »
Je jouissais d’avance à l’idée de jeter cet animal de race féline à grande taille au milieu des renards et des loups ameutés contre toutes les aspirations généreuses de l’Empire. […] Je lui dis ouvertement sur quel poste et à quelles conditions j’avais l’intention de le proposer à l’Empereur. […] À la vue et à l’odeur de l’appât, sans hésiter il se jeta dessus avec fureur.
(Cité par Françoise Choay dans l’introduction à la réédition des Mémoires d’Haussmann.)
Le préfet fit-il partie des bénéficiaires du système ? Ses adversaires, jamais en retard d’une calomnie à son égard, en feront courir le bruit en l’appuyant sur un supposé aveu bien naïf attribué tantôt à l’épouse, tantôt à la fille du préfet. » C’est curieux, leur fait-on dire, chaque fois que nous achetons un terrain, il est bientôt exproprié ! « . Mais aucune preuve d’un acte d’achat ou d’une indemnité versée n’a été retrouvée. Il est par contre avéré qu’Haussmann a quitté l’Hôtel de Ville non pas enrichi, mais, tout au contraire, ruiné. Par goût du faste, il dépensait dans ses fameuses réceptions plus que les crédits dont il disposait. L’Exposition universelle de 1867 augmenta encore ses dépenses.
À son départ, il dut emprunter un million de francs-or, puis revendre sa propriété de Nice pour apurer ses dettes ; il mènera par la suite un train de vie modeste.
L’étude complète du bilan économique et financier de l’œuvre d’Haussmann reste à faire. La polémique lancée par Jules Ferry lorsqu’il publie Les comptes fantastiques d’Haussmann en 1868 porte sur la procédure plus que sur le fond.
En réalité, Haussmann a entraîné la ville à emprunter indirectement, en émettant des » bons de délégation « , sans attendre l’accord préalable du Parlement, alors juridiquement nécessaire, et qui ne sera accordé qu’après coup. On a connu bien pire en matière d’acrobaties financières.
Le jugement sommaire de gaspillage n’est pas sorti des stéréotypes de la mémoire collective si j’en juge par un article récent du Monde. Le 6 mars 2001, M. Laurent Fléchaire résume ainsi son texte sur les comptes d’Haussmann : » Georges Eugène Haussmann engage en dix-sept ans 2 milliards et demi de francs-or de travaux alors que le budget national n’est que de 2 milliards ! Il perce d’abord les boulevards Saint-Michel et Sébastopol… En tout, neuf kilomètres de voies nouvelles sont ouverts dans Paris. »
L’esprit de polémique n’est décidément pas mort. Le budget de l’État et celui de la ville ont des structures beaucoup trop différentes pour qu’on puisse les comparer utilement. Le chiffre des dépenses est celui, rapporté au centime près, dans les Mémoires, précis et détaillés sur ce point. Mais il est spécieux de le rapporter à la seule voirie alors qu’il comprend aussi le réseau complet d’assainissement, les adductions d’eau, les promenades, parcs et plantations, les cimetières et les nombreux bâtiments publics.
On ne peut juger du bien-fondé des dépenses sans s’interroger sur les recettes de la Ville. Or Haussmann cite à ce propos des chiffres stupéfiants : les recettes municipales ont plus que doublé entre 1852 et 1859 ! Au cours de la décennie 1859–1869, le total des excédents du budget ordinaire de la Ville a dépassé 624 millions de francs-or, soit le quart du coût total des travaux.
Si ces chiffres sont exacts, le recours massif à l’emprunt devient facile à justifier, et la théorie des dépenses productives trouve dans ce bilan une incontestable démonstration d’efficacité.
Cet essor prodigieux des recettes s’explique par le fait que l’octroi constitue alors la principale recette fiscale de la ville. La croissance démographique rapide de la ville, l’enrichissement de la population et l’effet direct des travaux conjuguent leurs effets pour augmenter rapidement la masse des biens de toute nature qui paient l’octroi à leur entrée dans la ville.
On peut y voir un procédé remarquable de récupération indirecte des plus-values de tous ordres induites par les grands travaux. Et merci, au passage, à messieurs les fermiers généraux dont l’enceinte aura permis de contrôler efficacement l’entrée des marchandises !
Un bilan complet suppose aussi que l’on s’interroge sur les effets de long terme de l’œuvre. Paris y a gagné d’abord un incontestable prestige. Les grands souverains de l’époque y ont défilé pour admirer et envier l’ampleur de la transformation. Et si Paris est, aujourd’hui, la ville qui attire le plus de visiteurs au monde, Haussmann et Napoléon III y sont pour quelque chose, car l’image dominante de la capitale est celle qu’ils ont forgée. Par ailleurs, la comparaison avec l’histoire urbanistique de Londres semble bien démontrer l’utilité d’une modernisation radicale opérée au moment opportun pour assurer le fonctionnement technique et économique d’une grande cité mondiale.
Il reste vrai que l’amortissement des emprunts contractés du temps d’Haussmann pèsera durablement sur le budget de la ville. Mais cette contrainte s’estompera avant la fin du siècle, donc dans un délai raisonnable. Lorsque s’ouvrira l’étape suivante des grands travaux, la construction du Métro, la Ville pourra en effet faire céder l’État qui voulait confier aux grandes compagnies de chemin de fer la maîtrise d’ouvrage de liaisons à grand gabarit entre les gares. Elle finira par faire prévaloir son projet de » petit » métro au statut de voie ferrée d’intérêt local. Ce choix lui imposait de prendre en charge la construction des tunnels et des viaducs, dépenses très lourdes qu’elle sera en mesure d’assumer.
Et aujourd’hui, les contribuables parisiens peuvent remercier Haussmann chaque fois qu’ils acquittent leurs taxes d’habitation ou leurs impôts fonciers bien moindres, toutes choses égales par ailleurs, qu’en province. Les 2,5 milliards de francs-or de ses investissements n’ont pas fini de procurer de substantielles économies de fonctionnement.
Mais qui était l’urbaniste ?
La notion d’urbanisme ne se laisse pas enfermer dans une définition simple. Il s’agit d’une pratique complexe faisant appel à des connaissances scientifiques et techniques, mais aussi au talent des maîtres d’œuvre, encadrée par de multiples réglementations. Les décisions à prendre dans ce domaine relèvent clairement d’arbitrages de nature politique, parce qu’elles sont structurellement inéquitables, répartissant des avantages et des inconvénients entre différentes catégories de citoyens et d’usagers de la ville.
Historiquement, la compétence d’urbanisme appartient aux municipalités. La France a fait curieusement exception en nationalisant cette compétence, en 1942, avant de la rendre aux communes par les lois de décentralisation de 1982 et 1983. Il est important de rappeler ce principe général, car il explique l’efficacité et la rapidité stupéfiantes de l’œuvre d’Haussmann : dix-sept ans seulement pour remodeler complètement Paris. Cet exploit exceptionnel a été rendu possible parce que, en tant que préfet de la Seine, Haussmann disposait des pouvoirs exécutifs qui sont aujourd’hui ceux des maires et des présidents de Conseils généraux, avec l’avantage supplémentaire que les assemblées locales étaient nommées par le gouvernement et non élues. Le choix d’un administrateur aguerri et volontariste, tel que le décrit si bien Persigny, était dans un tel contexte la condition nécessaire et suffisante pour réussir l’entreprise voulue par Napoléon III.
Car l’urbanisme de la capitale d’un grand État échappe souvent au schéma général d’une responsabilité municipale. En sus des fonctions exercées par toutes les autres villes, la capitale joue un rôle symbolique essentiel qui doit s’exprimer dans son urbanisme. Versailles ou Brasilia sont ainsi des exemples extrêmes où l’édification de villes nouvelles monumentales traduit un projet politique très précis, royauté absolue ou fédéralisme.
Dans l’histoire de Paris, les interventions directes des chefs d’État sont fréquentes, mais peu d’entre elles se placent sur le terrain de l’urbanisme. La plupart de nos dirigeants ont cherché à attacher leur nom à de grandes réalisations architecturales isolées, palais, musées, opéras, institutions particulières comme les Invalides, dont les magnifiques bâtiments resteront si longtemps isolés dans la plaine de Grenelle. Deux seulement, Napoléon III et le général de Gaulle, ont véritablement cherché à engager des processus globaux de modernisation de l’agglomération parisienne, et ils ont su trouver avec Haussmann et Delouvrier des chefs d’orchestre à la hauteur de l’enjeu.
La régularisation de Paris. Dessin de Louis Bonnier. Le rayon légal était le nom d’un dîner réunissant les architectes-voyers adjoints.
La transformation de Paris voulue par Napoléon III est, au premier chef, un grand projet politique. Il s’agit de démontrer aux yeux des opinions publiques nationale et internationale la supériorité du régime impérial. Ce projet s’appuie bien sûr sur les arguments économiques déjà présentés. On sait aussi que ses longs séjours d’exil à Londres avaient permis au futur empereur d’étudier et d’admirer certaines réalisations dont il s’inspirera, notamment les grands parcs paysagers ouverts au public. Les éléments du programme, tels qu’ils figurent dans la commande passée à la Commission Siméon, ne sont que la déclinaison de ce grand projet politique.
On a beaucoup discuté, et on continuera, sur l’objectif de mettre le pouvoir central à l’abri des émeutes et journées révolutionnaires si fréquentes de 1789 à 1848. Il serait naïf de penser que des hommes d’ordre comme l’Empereur et Haussmann aient perdu de vue un tel objectif. Pourtant, les Mémoires n’en parlent presque pas. Une seule allusion l’évoque, presque un lapsus révélateur ! Haussmann rapporte que, pour pouvoir donner à l’avenue du Prince Eugène (le boulevard Voltaire d’aujourd’hui) un profil en long rectiligne et bien plat comme il les aime, il va falloir abaisser et couvrir le canal Saint-Martin » substituant au moyen de défense que le canal offrait aux émeutiers une nouvelle voie d’accès dans le centre habituel de leurs manifestations » (sic).
Mais de là à prétendre que les percées ont été conçues pour tirer au canon ou faciliter les charges de cavalerie, il y a un pas qu’il faut se garder de franchir. Sans être absente, la préoccupation de maintien de l’ordre reste secondaire par rapport aux objectifs d’organisation générale de l’espace urbain et aux choix esthétiques.
Les Mémoires rapportent de manière vivante les discussions très fréquentes au cours desquelles Haussmann soumet ses projets à l’Empereur. Au-delà d’une déférence assez affectée, Haussmann fait preuve de beaucoup d’entêtement pour faire prévaloir ses points de vue face à un Napoléon III souvent réticent. On sent naître une forme de complicité, de partenariat entre les deux hommes, également passionnés par l’enjeu. Les résultats ne sont pas acquis d’avance. Haussmann aura beaucoup de mal à convaincre l’Empereur que, pour ouvrir le boulevard Henri IV en droite ligne de la colonne de la Bastille vers le dôme du Panthéon, il fallait construire un pont biais sur la Seine. L’empereur refuse longtemps, estimant que l’esthétique des ponts impose une stricte orthogonalité par rapport au fleuve. À l’opposé, le préfet n’obtiendra pas l’accord de Napoléon III pour paver les chaussées. L’empereur, fervent cavalier, veut ménager ses chevaux et impose les revêtements sablés malgré les difficultés d’entretien qu’ils imposent !
Dans ce jeu complexe entre les deux grands acteurs de la transformation de Paris, Haussmann révèle d’éminentes qualités dans le domaine de l’urbanisme. Il obtient l’annexion des territoires compris entre l’enceinte des fermiers généraux et les fortifications, ouvrant ainsi largement le marché foncier pour faire face à la pression démographique. Il prend l’initiative de traiter à fond les problèmes techniques, notamment en matière d’adduction d’eau et d’assainissement. Il programme et réalise les équipements indispensables, mairies d’arrondissement, écoles et lycées, et s’attache à la création des premières structures d’assistance sociale. Il négocie avec le secteur privé pour agir plus vite et stimuler l’investissement en immeubles locatifs.
Il est présent sur tous les fronts et toujours soucieux de déboucher sur des solutions réalistes, même là où on ne l’attendrait pas : en créant la Caisse de la boulangerie, il invente un système de taxe à taux variable tout à fait comparable à la modulation introduite récemment pour les taxes sur les carburants, afin de compenser les hausses du prix du pain en période de disette, mesure d’ordre importante à une époque où l’achat de pain représente la moitié des dépenses de nourriture des ouvriers et où les disettes provoquent encore de graves émeutes. Il donne d’autres preuves d’une réelle sensibilité aux questions sociales.
Dans son action, il doit faire face en permanence à deux séries d’opposants. Les plus virulents sont les Républicains opposés par principe à l’Empire. Dans un régime très policier, il serait trop dangereux de s’attaquer directement à Napoléon III. Mais, puisque la transformation de Paris est un grand projet politique, Haussmann devient ipso facto une cible de choix et une surenchère s’organise vite pour vitupérer l’homme et l’œuvre avec des arguments de mauvaise foi. Les Mémoires sont, de ce point de vue, le plaidoyer en réponse d’Haussmann, entrepris seulement en 1889.
Le texte apporte beaucoup de précisions utiles pour dépasser ces polémiques. Il montre aussi qu’Haussmann doit faire face à une opposition plus larvée, plus discrète, mais plus difficile à combattre, celle des milieux conservateurs ralliés à l’Empire. Réticents par principe au changement, peu convaincus de l’utilité des dépenses productives, ils ne cesseront de chercher à mettre des bâtons dans les roues, comme Persigny l’avait prévu, et contribueront notamment à ces deux renversements de jurisprudence si néfastes.
En janvier 1870, Napoléon III tente l’aventure d’un empire libéral et confie les rênes du gouvernement à Émile Ollivier. Ce dernier décide aussitôt le remplacement du Préfet de la Seine, sans même en aviser l’Empereur, comme premier acte politique de son gouvernement et preuve de l’ouverture libérale. Il affirme ainsi la victoire finale des conservateurs. Quelques mois plus tard, l’Empire s’effondrait.
Modernité d’Haussmann
Haussmann se présente lui-même comme un administrateur avant tout autre rôle. La première partie des Mémoires raconte la longue carrière d’un sous-préfet à l’esprit curieux et ouvert, passionné de science, un vrai précurseur de ce que l’on appelle aujourd’hui le développement local. Dans chaque poste, il prend la mesure des forces et des faiblesses du territoire qui lui est confié, analyse en profondeur les problèmes techniques et économiques et s’attache à mettre en œuvre des politiques de modernisation et de développement.
Il accumule ainsi beaucoup de connaissances qu’il mettra en œuvre à Paris, et repère les talents qu’il appellera auprès de lui pour charpenter l’administration municipale qui sera son outil de travail.
Organisateur-né, il sait stimuler ses collaborateurs et leur rendre les hommages qu’ils méritent, s’attachant à les présenter un par un dans ses Mémoires. Bourreau de travail, cela va de soi, il n’hésite pas à organiser des réunions de travail fort tard, où il arrive en grand uniforme au sortir de quelque soirée officielle. S’adressant à ses ingénieurs, il les plaint avec humour d’avoir affaire à un Préfet » qui sait les mathématiques » et se plonge à fond dans les dossiers techniques pour les vérifier en détail.
Au total, Haussmann préfigure de manière assez étonnante cette génération de hauts fonctionnaires technocrates, au meilleur sens du terme, qui, un siècle plus tard, sauront prendre la mesure de la grande mutation économique de l’après-guerre et conduire le redressement de la France sous les IVe et ve Républiques.
Grâce à ces qualités, Haussmann peut donner toute sa mesure dans le domaine du grand urbanisme, avant même que le nom et la pratique correspondante ne soient clairement définis. Il maîtrise parfaitement la nécessité de travailler en permanence à des échelles très différentes. Sa vision stratégique d’ensemble n’a pas de défaut, mais il s’attache aussi aux plus petits détails d’exécution. Il innove, par exemple, en faisant dessiner puis fabriquer industriellement à faible coût des éléments de mobilier urbain dont de nombreux exemplaires sont toujours en place.
Haussmann impose à tous les constructeurs une discipline esthétique très stricte étroitement contrôlée par le corps des architectes-voyers qu’il recrute. Les projets doivent se combiner pour former des îlots uniformes. On peut discuter ce parti, tout comme son obsession des voies plates, rectilignes et axées sur des monuments. Mais on ne peut pas nier que l’application méthodique de ces règles, poursuivie pendant un siècle par l’administration mise en place par Haussmann, a conféré à l’espace parisien une cohérence et une lisibilité exceptionnelles. Après les tentatives malheureuses des années 1960 sur le front de Seine ou dans les rénovations du XIVe arrondissement pour introduire l’urbanisme de tours et de barres dans Paris, un accord très général s’est reformé pour revenir, dans les aménagements récents comme Bercy ou Seine rive gauche, à des règles d’urbanisme largement inspirées des principes de l’îlot haussmannien.
La forme urbaine voulue par Haussmann respire l’ordre et la beauté, le luxe et le calme ; mais la volupté complémentaire dans le poème de Charles Baudelaire manque à l’appel.
Pour définir cette forme, Haussmann crée la notion de » régularisation » et s’y réfère souvent. Elle traduit bien la mise en scène du triomphe de la bourgeoisie rentière. La figure ci-contre illustre de manière amusante l’idée que s’en faisaient les architectes-voyers. Elle organise aussi une mutation en profondeur de la géographie sociale de la capitale. Elle a remplacé beaucoup de vieux immeubles habités par les classes laborieuses par des constructions neuves aux loyers plus élevés, repoussant le petit peuple vers les quartiers périphériques de l’Est, amorçant une ségrégation sociospatiale qui ne cessera de s’amplifier par la suite. Et parmi les causes multiples de l’apocalypse de la Commune qui va suivre, beaucoup d’historiens citent le sentiment populaire d’avoir été dépossédé des quartiers centraux de la capitale.
Là se trouve sans doute la principale limite d’une œuvre qui reste unique au monde par son ampleur, sa cohérence et sa rapidité d’exécution.
BIBLIOGRAPHIE
► Baron Haussmann, Mémoires, édition établie par Françoise CHOAY, Le Seuil, 2000.
► Haussmann au crible. Nicolas CHAUDUN, éditions des Syrtes, 2000.
► Commission des embellissements de Paris, rapport à l’Empereur Napoléon III, édité et présenté par Pierre CASSELLE, Cahiers de la Rotonde, n° 23, 2000.
► Haussmann le grand, Georges VALANCE, Flammarion, 2000.
► Haussmann, Michel CARMONA, Fayard, 2000.
Haussmann, Delouvrier… même combat ?
Deux grandes étapes de transformation ont joué un rôle essentiel pour modeler le grand Paris d’aujourd’hui. Bien des caractères communs incitent à pousser la comparaison de leurs auteurs : l’ampleur de la vision, l’art de rassembler et de motiver des équipes performantes, la vision prospective, le goût de l’action et la capacité de la mener à bien à très grande échelle. Delouvrier y ajoutait l’absence de bluff et l’art du gant de velours sur la main de fer, notions inconnues d’Haussmann.
Lorsque Delouvrier présenta son plan en 1965, beaucoup de commentateurs s’étonnèrent qu’il prenne comme priorités la création de centres secondaires en banlieue et le lancement des villes nouvelles périphériques, sans prévoir de transformations de la ville-centre. La raison de fond de ces choix tient au fait que la ville » régularisée » par Haussmann avait trouvé un niveau d’équilibre qui n’appelait plus de grands gestes volontaristes.
Peut-on imaginer meilleure justification de l’œuvre d’Haussmann que cet hommage implicite rendu, un siècle plus tard, par Delouvrier ?