Hommage à Maurice Allais
C’est surtout après 1995 (Jean Duquesne ayant repris La Jaune et la Rouge) que nos relations se firent fréquentes et libres, souvent liées à des envois d’ouvrages aux fins d’analyse ou de discussion, ce qui n’allait pas parfois sans éclats, mais n’était-il pas de ceux dont on dit familièrement : » Il est comme ça Maurice. »
À le mieux connaître, on découvrait vite chez lui maints lieux de sensibilité, de sa soif de générosité et de reconnaissance ; les traces laissées par l’épreuve familiale précoce de la mort de son père à la guerre, un attachement viscéral à notre pays. Il estimait avoir mis à son service le meilleur de lui-même, des dons naturels exceptionnels, une vie de labeur sans relâche. Ce choix délibéré de carrière (professorat, recherches poursuivies en toute indépendance) était certainement le meilleur, le mieux assorti aux traits de sa personnalité, mais autant il l’a pleinement assumé, à en juger par son impressionnant bilan, autant il comprenait mal que sa quête de reconnaissance ait eu à en souffrir, lui qui, à sa manière, savait se montrer fidèle en amitié, ce dont je crois devoir témoigner avec d’autres camarades.
On ne mesure pas assez combien éprouvantes ont été ses dernières années déjà assombries par la disparition de son épouse. Bienveillante et instruite, elle était pour lui une précieuse collaboratrice (les 40 000 volumes de sa bibliothèque auraient certainement des choses à dire à ce sujet). Notre grand camarade ne dissimulait plus son amertume de se savoir mal aimé, non écouté, tenu à distance, comme si » on avait organisé un cordon sanitaire autour de lui » (La Tribune, 6 février 2010). Acceptons de voir un signe dans la disparition, quelques jours seulement après celle de Maurice Allais, de Benoît Mandelbrot (44), célèbre par sa théorie des fractales, autre « mal aimé » qui dut émigrer aux États-Unis pour s’y faire reconnaître.
Maître et disciple
On entend dire encore souvent : « Il (Maurice Allais) n’a pas su se faire de disciples « , et d’avancer des raisons comme son caractère tranchant (je connais des économistes lui ayant gardé rancune de manquer d’écoute et de considération à leur égard). Il n’en demeure pas moins qu’un « maître », si souvent à contrecourant de la pensée dominante, donne à réfléchir à ses jeunes élèves, légitimement soucieux d’avoir à construire leur propre carrière. Que demander à un disciple ? Sinon, et avant tout, de faire croître ce qu’il a reçu, de relabourer tel ou tel champ, de l’agrandir.
Gérard Debreu, Nobel d’économie, normalien, ancien élève de Maurice Allais, a lui aussi compris que seuls les États-Unis pouvaient lui offrir un terrain favorable.
Bien des signes laissent penser qu’à l’avenir plus nombreux seront ceux qui se réclameront ouvertement de la pensée et des messages que nous laisse Maurice Allais.
Commentaire
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retraité
Merci, cher camarade,de ne pas avoir diminué la mémoire de Maurice Allais en vous abstenant d’évoquer ses « travaux » en pysique.