Honoré d’Estienne d’Orves
Quand on a le panache d’un chevalier, comment acceptet- on le risque d’un destin obscur et sans gloire, d’une vie errante, entre faux papiers, espionnage et clandestinité ?
Quand, depuis la première heure de la défaite de 1940, on éprouve l’occupation nazie comme une oppression, comme un scandale pour lequel on est prêt à affronter la prison, la torture et la mort, par quel mystère surmontet- on son ardeur patriotique jusqu’à se choisir pour ultime confident un aumônier allemand ?
Éclaircir ces paradoxes qui ont nourri la légende d’Honoré d’Estienne d’Orves (X 1921), telle est la belle ambition d’Étienne de Montety (journaliste). Grâce à de nombreuses sources familiales, il brosse le portrait d’un enfant né avec le siècle en 1901, aussi doué pour les études scientifiques que curieux de découvrir le monde après sa sortie de Polytechnique, mais hanté, déjà, par le traumatisme d’une guerre, celle de 14–18, qui façonne le patriotisme d’un adolescent de bonne famille.
Ce mélange détonant permet de comprendre, grâce également à des archives militaires inédites, l’attitude du marin pris dans la nasse d’Alexandrie à l’été 1940 par l’amirauté britannique. Le lieutenant de vaisseau d’Estienne d’Orves gagne Londres en septembre et se rallie au général de Gaulle. S’ouvrent alors trois mois d’une carrière météorique où il devient chef du Deuxième Bureau de la France libre, puis responsable d’un réseau d’espionnage avant d’être arrêté, en janvier 1941, sur dénonciation.
Et, tandis que Vichy s’agite pour le faire libérer, que les Allemands hésitent avant de l’exécuter le 29 août 1941, c’est en prison que d’Estienne d’Orves révèle, dans la foi et la méditation, l’ultime facette de sa personnalité et qu’il devient, pour la mémoire nationale, le héros “ qui croyait au ciel ”.