Huit X 2014 en Israël, au cœur de la recherche
Pour cette première World Science Conference Israel (WSCI), 400 élèves invités provenant de 71 pays différents, 13 lauréats du prix Nobel et une médaille Fields sont venus présenter leurs domaines de recherche, et un programme chargé de conférences, échanges entre étudiants et découverte d’Israël avait été organisé.
La délégation française comprenait huit élèves de l’X, trois étudiants de l’ENS Ulm et deux de l’université de Strasbourg. Accompagnés d’un cadre militaire de l’École, nous nous sommes donc envolés vers un pays qui, bien qu’il fasse régulièrement parler de lui dans l’actualité, reste globalement mystérieux.
UNE INITIATION ET UNE SOUDURE
Les organisateurs ont formé des groupes d’une dizaine de personnes où les nationalités étaient mélangées et mis en contact ces étudiants plusieurs semaines à l’avance. Leur mission : mettre au point un poster scientifique résumant une innovation récente et proposant de nouvelles pistes de recherche.
Il a fallu faire connaissance avec les autres membres du groupe puis apprendre à travailler ensemble à distance sur un sujet nouveau. Une véritable initiation à la recherche au niveau international.
À la fin du séjour, les meilleurs posters ont été récompensés. Un tel projet a permis de souder les équipes de manière remarquable.
Conférences et dialogues
Les conférences couvraient des domaines variés : physique, biologie, chimie ou encore mathématiques. Entre conférences magistrales et échanges entre prix Nobel à propos du but de la recherche aujourd’hui, les interventions étaient prodigieusement intéressantes.
La WSCI est un moyen de prendre du recul sur les connaissances actuelles, et de faire comprendre aux élèves invités – futurs chercheurs du XXIe siècle – combien il est primordial de dialoguer avec les chercheurs du monde entier afin de partager ses propres travaux, multiplier les points de vue et confronter les opinions pour aboutir à un travail vraiment original.
Des contacts durables
Tout était fait pour que les délégations se mélangent et osent tisser des liens entre étrangers. Mieux qu’un bagage de connaissances, il faut retenir de cet événement des contacts durables précieux établis avec des futurs chercheurs du monde entier.
Une dynamique scientifique et innovatrice
Les 400 participants réunis sur la place de l’Université hébraïque de Jérusalem.
Israël possède un formidable dynamisme scientifique et accorde une importance particulière à l’éducation. Plusieurs scientifiques modernes ont vécu une partie de leur formation ou ont tissé des liens particuliers avec ce pays au cours de leurs travaux.
Ainsi, Albert Einstein a contribué à la fondation de l’Université hébraïque de Jérusalem en 1918 ; c’est pourquoi il a été choisi pour être le « parrain » de cette première édition de la WSCI.
Israël est aussi une terre d’entrepreneurs. Il est édifiant de comptabiliser le nombre de start-ups. Une après-midi était consacrée à la présentation des toutes dernières innovations israéliennes : inutile de préciser qu’elles étaient renversantes.
Un pays complexe en pleine évolution
La WSCI, captivante par son intérêt scientifique, a aussi été l’occasion d’un voyage au cœur de la culture israélienne, loin de tous les clichés, exposant paradoxes et complexité.
Découvrir un fascinant mélange de cultures, d’histoires et de regards dans un cadre exceptionnellement tolérant est un souvenir fort que nous garderons de cette semaine.
La science, un enjeu et une passion religieuse
L’image que nous, Français, avons d’Israël est mitigée. Nous n’en entendons pas souvent parler pour d’autres raisons que la crise palestinienne ; nous avions donc une certaine appréhension. Dans l’avion, un journaliste français étaye notre intuition : les organisateurs souhaitent justement présenter « une autre facette d’Israël », un pays investissant lourdement dans la recherche et dans l’éducation, à l’avant-garde de l’entrepreneuriat.
Mais l’intérêt porté à la science va au-delà d’un calcul politique. Un discours d’Avigdor Liberman (alors ministre) évoque la science comme un enjeu sécuritaire dont dépend la survie même d’Israël. Robert Aumann, prix Nobel d’économie 2005 et haredi (ultra-orthodoxe), mentionne des motivations religieuses dans la passion technologique et scientifique du pays.
Ces niveaux de lecture entrecroisés expliquent comment un pays de quelques millions d’habitants a pu accumuler un tel capital scientifique.
La cohabitation passe par le statu quo
Néanmoins, la multiplication des enjeux politiques, religieux et sécuritaires est omniprésente et force le malaise.
Visite de la Vieille Ville de Jérusalem en petits groupes.
Comme le premier soir où un juif français vient nous remercier de venir en Israël sans céder aux clichés : « Quand vous serez rentrés, montrez-leur, à vos amis, que nous sommes normaux. »
Dans la Vieille Ville de Jérusalem, on sent le poids de l’histoire et du mystique : ici la citadelle de David, là le Golgotha. Plus loin, un groupe de nonnes chemine tandis qu’un homme en djellaba vend le Coran à la criée. Et malgré ce qu’on pourrait penser, tout le monde semble cohabiter pacifiquement grâce à la loi suprême de la ville : le statu quo.
La cité historique est découpée en quatre quartiers (musulman, juif, chrétien et arménien) séparés par deux rues formant le bazar, et partout les règles ont été façonnées par les siècles. Ainsi le Saint-Sépulcre : depuis 1767, un décret divise l’autorité des trois gardiens que sont l’Église orthodoxe grecque, l’Église catholique romaine et l’Église apostolique arménienne.
Depuis, nul projet ne peut se conduire sans l’accord des trois parties, ce qui explique par exemple cette échelle, posée lors de travaux en 1757 et qui attend toujours qu’un accord soit trouvé pour être enlevée.
Sécurité tendue et dynamisme débridé
Pourtant, partout s’impose le contexte sécuritaire tendu. Derrière pèlerins et haredim, les soldats des check-points sont préoccupés – il y a quelques années, des attentats suicides avaient lieu tous les mois, et que dire de l’actuelle « intifada des couteaux ». Dans le quartier musulman, des enfants jouent avec des drapeaux de l’État islamique en guise de cape tandis que les haredim tentent régulièrement de pénétrer sur l’esplanade des Mosquées, qui leur est interdite.
Le mur sud du Temple de Jérusalem lors de la visite de la Vieille Ville.
Mais des tensions ont aussi lieu entre juifs, notamment entre libéraux et haredim. Cet écart s’illustre dans le dynamisme entrepreneurial israélien. Entre l’historique Jérusalem et le « Silicon Wadi » de Tel Aviv, il n’y a qu’une heure de route, mais on est dans un autre univers.
Cafés et boîtes de nuit s’alignent au bord de la plage, trois jeunes informaticiens (barbe, lunettes de soleil et casquette yankee) parlent de leur start-up au café bio au milieu des conférenciers.
Se garder des simplifications
Nous retiendrons de ce voyage la complexité de la société israélienne, à la fois avant-gardiste et farouchement attachée à son histoire, confiante mais se sentant constamment menacée, accueillante et suspicieuse. On oublie trop souvent la place des individus dans les conflits internationaux en simplifiant à outrance les problématiques afin qu’elles nous soient plus accessibles.
Nous avons eu la chance de pouvoir lever ce voile et de découvrir une société protéiforme, échappant à toute réduction.