Humanitaire : une vie proche de la vie en entreprise
J’ai choisi de me mettre au service de la Banque alimentaire de l’Hérault (BA34) pour de multiples raisons :
- retrouver vite une saine gestion du temps avec quelques demi-journées bloquées par des activités chaque semaine ;
- donner de mon temps, et si possible de mes savoir-faire à la société et notamment aux personnes défavorisées (avec sans doute un léger sentiment de culpabilité d’être un privilégié car j’ai bénéficié du système de préretraite de France Télécom) ;
- retrouver un collectif social et de travail, d’autant que mon épouse avait gardé de multiples activités associatives ;
- replonger dans des activités opérationnelles après une fin de carrière en état-major.
Et mes amis qui m’avaient précédé en préretraite ou en retraite m’avaient vanté l’intérêt du bénévolat et l’ambiance à la Banque alimentaire de l’Hérault.
REPÈRES
Les Banques alimentaire1 récoltent des denrées alimentaires offertes ou retirées des circuits commerciaux mais sanitairement parfaites, pour les redistribuer aux personnes démunies par l’intermédiaire d’associations ou d’organismes sociaux.
Pour les 8,6 millions de personnes en France vivant sous le seuil de pauvreté, l’aide alimentaire est devenue un complément nécessaire de revenus, notamment pour une part croissante de retraités, de travailleurs pauvres et de jeunes : 15 % sont des travailleurs à bas salaires et 14 % des retraités aux maigres pensions.
Les personnes seules sont les premières bénéficiaires des aides des BA (44 %), les familles monoparentales viennent ensuite (33 %).
Un engagement très opérationnel
Trois mois après mon départ de France Télécom à l’été 2003, ayant opté pour un engagement associatif, je sortais de mon « entretien de recrutement » avec le président de la BA34 avec la fonction de responsable de l’équipe de tri-distribution des produits frais du jeudi matin.
“ 8,6 millions de personnes en France vivent sous le seuil de pauvreté ”
J’ai donc plongé très vite dans de l’opérationnel pur et dur.
Car le quotidien du tri-distribution, c’est chaque matin, du lundi au samedi, douze mois par an, la récolte auprès de quinze grandes surfaces d’environ quatre tonnes de produits frais (fruits et légumes, viande, laitages et pâtisserie), le tri sévère et la répartition de ces produits entre quinze et vingt CCAS2 ou associations qui viennent en prendre livraison en fin de matinée.
Et cela grâce à une équipe d’une vingtaine de bénévoles chaque matin.
Des responsabilités croissantes
Quelques semaines plus tard, j’étais de plus responsable de toutes les équipes de tri-distribution et j’entrais au bureau et au conseil d’administration de la BA34. Car, si toutes les associations ont des difficultés pour obtenir des ressources humaines, il leur est particulièrement difficile de trouver des bénévoles acceptant des postes de responsabilité.
“ La professionnalisation croissante est inéluctable ”
Élu président en 2006 de la BA34, j’ai vite pris des responsabilités nationales au sein de la Fédération française des banques alimentaires (FFBA) : participation ou pilotage de groupes de travail nationaux sur le système d’information, la refonte des statuts, la politique de distribution, la gestion des salariés.
Car la gestion du réseau des 98 Banques alimentaires et antennes compte de multiples aspects, souvent très proches de ceux d’une entreprise et dans lesquels chacun peut utilement apporter son expérience, notamment de gestion et de management. Naturellement, j’ai été “ happé ” par le conseil d’administration de la FFBA pour deux mandats de trois ans, et par son bureau.
Des problématiques d’entreprise
La vie au quotidien dans une association est très proche de celle d’une entreprise ; on y retrouve les grands classiques et les mêmes petits problèmes :
- la circulation de l’information et la communication avec l’ensemble des bénévoles ;
- la panique lorsque l’unique secrétaire salariée est en congé, car bien évidemment ce sont ces jours-là que s’accumulent incidents et catastrophe ;
- la tendance naturelle à privilégier “ l’urgent ” au détriment de “ l’important ” ;
- la quête difficile des attentes de nos “ clients ” que sont les CCAS et associations partenaires et la difficulté à les convaincre de s’engager dans des démarches qualitatives d’accompagnement des personnes démunies ;
- l’équilibre des responsabilités entre niveau national (la FFBA est elle-même une association) et le niveau local (chaque BA est une association) et le besoin de cohérence de ce réseau.
Mais ces difficultés sont accrues par la faiblesse des ressources et surtout par un fonctionnement avec un état-major composé uniquement de bénévoles qui ne peuvent être présents chaque matin dans les bureaux de la BA, alors que son activité même est de nature logistique, en flux tendu et en temps réel.
Banque alimentaire : Redistribuer à des partenaires.
Des actions qui ont du sens
LE CAS DE L’HÉRAULT
Pour le seul département de l’Hérault, 2 200 tonnes de denrées alimentaires ont été distribuées en 2014, permettant de confectionner environ 4,4 millions de repas au profit de 15 200 personnes.
Cette aide alimentaire représente une valeur marchande de 8 millions d’euros et le coefficient de valeur ajoutée de la BA (rapport entre cette valeur marchande et les aides de fonctionnement reçues de l’État et des collectivités locales) est de 17, grâce au don de marchandises par les industriels, producteurs, grandes et moyennes surfaces et grâce à la solidarité et au dévouement de 210 bénévoles qui représentent 32 équivalents temps plein.
La récupération de denrées a en outre un impact carbone fortement positif : pour l’Hérault le gain est équivalent à la consommation énergétique annuelle d’une ville de 12 000 habitants.
Les BA doivent faire face aux exigences croissantes des pouvoirs publics (gestion des matières, traçabilité des denrées, règles d’hygiène et de sécurité alimentaire, fourniture d’indicateurs), ce qui leur impose de trouver les compétences idoines et surtout de motiver leurs bénévoles.
La professionnalisation croissante est inéluctable, mais elle pose la question de l’équilibre entre bénévoles et salariés.
Et, comme pour beaucoup d’associations, la faiblesse des aides apportées par l’État et les collectivités locales impose la recherche de nouvelles sources de financement : fondation Fonreal créée au niveau national pour les personnes physiques, fonds de dotation comme celui créé par la BA34 pour rassembler vingt entreprises mécènes.
Fidèles à leur devise, Ensemble, aidons l’homme à se restaurer, les BA s’attachent aussi à fournir à leurs partenaires formations et accompagnement et à développer des ateliers cuisine pour apprendre aux personnes démunies à confectionner des repas sains, équilibrés et avec un petit budget et les aider à se “ resociabiliser ”.
Les activités dans une association ne manquent pas, ni en volume, ni en diversité. Mais l’essentiel est la profonde satisfaction au quotidien d’obtenir des résultats concrets et de conduire des actions qui ont du sens.
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1. Voir : http://www.banquealimentaire.org/
2. CCAS : Centre communal d’action sociale.