Huy Bui (75), un long fleuve pas tranquille

Dossier : AtypiXMagazine N°Huy Bui (75), un long fleuve pas tranquille
Par Huy BUI (75)

Avec ses che­veux poivre et sel, il n’a rien per­du du regard scru­ta­teur ni de l’accent viet­na­mien gut­tu­ral et chan­tant du gamin que la France accueillit jadis.

Huy est né au Viet­nam. Elève brillant, il passe le bac en 1972, à Hué. Or Hué est alors assié­gée par les troupes Viêt-Cong. De Danang, la ville voi­sine au sud, où la famille s’est repliée, Huy revient dans un Hué qua­si désert, trou­blé seule­ment par des explo­sions d’obus, pour y pas­ser les épreuves.

Le lycée amé­ri­cain de Hué l’a pré­pa­ré natu­rel­le­ment aux uni­ver­si­tés amé­ri­caines. Mais son dos­sier traîne. C’est alors qu’un oncle éta­bli à Tou­louse l’incite à venir en France.

Que faire, une fois ins­tal­lé chez l’oncle à Tou­louse ? « Poly­tech­nique ». Car pour le prof de maths de Hué, la France, c’était Poly­tech­nique. Huy s’inscrit à Fer­mat. Il y est accep­té, alors qu’il est encore sans papiers. En fin de maths sup, à force de tra­vail achar­né, et mal­gré le han­di­cap de la langue dont il ne par­lait pas un traître mot en arri­vant, il ter­mine 6ème de la classe.

L’année sui­vante, en 1975, il passe les concours dans les pires cir­cons­tances qui soient : Sai­gon vient de tom­ber le 30 avril, il est sans nou­velles de sa famille et craint le pire. Sans illu­sion sur ses chances, il se fait dès la fin des écrits embau­cher comme ouvrier chez ONIA, la future AZF, pour y gagner quelques sous.

Il garde de cette brève immer­sion dans le monde ouvrier un sou­ve­nir ému. « Les ouvriers m’aimaient bien. Quand on était de l’équipe de nuit, ils me cachaient der­rière les grosses machines pour que je puisse bûcher. ». Il ne leur parle pas du Viet­nam : « Ils n’auraient pas compris. ».

Il intègre l’X. A sa grande sur­prise ! Il y est le pro­to­type de ces élèves asia­tiques encore très rares : fluet, gen­til et dis­cret. Au magnan, le wee­kend, il est du petit reste de ceux qui n’ont ni papa-maman ni copine à Paris.

Que doit-on à l’X ? Pour Huy, d’abord cette fra­ter­ni­té au long cours de jeunes qui ont mis leurs des­tins res­pec­tifs au pot com­mun. Ensuite, une cer­taine exi­gence de véri­té qui se mani­feste à tous les ins­tants de la vie. « Quand sur­vient un pépin, la plu­part des gens tentent de l’esquiver en se disant que d’autres auront à s’en char­ger. L’X nous apprend à l’affronter avec les armes de la raison. ».

Il en sera l’illustration à plu­sieurs reprises dans sa car­rière. Ain­si, au début des années 2000, direc­teur de la qua­li­té de la branche des réseaux mobiles d’Alcatel, il apprend que cer­tains de ses équi­pe­ments déployés en Afrique et en Asie du Sud-est pré­sentent des risques d’explosion très dan­ge­reuse. Ins­truit par ses années de guerre au Viet­nam, il conçoit un dis­po­si­tif de « démi­nage » très simple action­né à dis­tance par un opé­ra­teur caché der­rière un abri de for­tune. L’ensemble de ces équi­pe­ments (plus de 500 au total) ont ain­si été désar­més et rec­ti­fiés sans faire de vague.

Après l’X, Huy, deve­nu entre-temps citoyen fran­çais, est envoyé au ser­vice mili­taire. Il y fera chambre com­mune avec un 78, le futur spa­tio­naute Jean-Fran­çois Cler­voy, dont il est res­té ami.

Ensuite s’ouvre le temps de la car­rière. Pour Péchi­ney, il pilote le pro­jet de concep­tion et de mise en œuvre du sys­tème infor­ma­tique indus­triel et de ges­tion de l’Usine d’Aluminium Dun­kerque, alors en construc­tion. A son pot de départ, son chef de pro­jet Phi­lippe Varin fera de lui un dithy­rambe qui bluffe tous les collègues.

Il conti­nue chez Alca­tel où il res­te­ra plus de 20 ans. Il ne tarde pas à inté­grer rapi­de­ment le vivier des cor­po­rate hauts poten­tiels. En 1999, alors qu’il est res­pon­sable de la R&D, on lui pro­pose une pro­mo­tion en tant que direc­teur qua­li­té de la divi­sion des appli­ca­tions des réseaux de télé­pho­nie fixe. Qui pou­vait alors pré­dire e que le mar­ché de ces réseaux allait, en peu de temps, s’effondrer ?

Huy se recon­ver­tit dans la divi­sion des réseaux mobiles. Les années sui­vantes sont une épreuve. Dans un sec­teur en crise aiguë, cha­cun tente de sau­ver sa peau. Les plans sociaux se suc­cèdent, l’homme est un loup pour l’homme. Huy par­vient néan­moins à res­ter fidèle à l’entreprise et à son éthique polytechnicienne.

Alors que le gong de la retraite vient de son­ner, et qu’il a déci­dé, en accord avec Domi­nique sa Moi­tié, de ne pas jouer les pro­lon­ga­tions, il rac­croche. Mais dans son cœur géné­reux, reste pour ses amis, et tout par­ti­cu­liè­re­ment ses conscrits de la 75, l’amitié fleu­rie jadis et immarcescible.

Commentaire

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MAZOYER Joëllerépondre
24 avril 2023 à 19 h 28 min

Bon­jour, je vou­lais vous poser une ques­tion, car je cherche déses­pé­ré­ment la trace d’une amie ! Faites-vous par­tie de la famille BUI que j’ai connue à Hué ? Cela remonte aux années 5153 ! J’ai connu Jean­nette BUI et son frère. Son père, si mes sou­ve­nirs sont exacts, était Direc­teur de la Banque d’Indochine qui se trou­vait le long de la route qui bor­dait la Rivière des Par­fums. Ils avaient une grande et belle mai­son, où nous avons par­ta­gé des après-midi de jeux et de rires ! Mon père était Direc­teur de l’Ecole Fran­çaise ! J’ai des pho­tos de Jean­nette, de son frère, de sa maman…J’espère vous lire et vous en remer­cie vive­ment par avance !

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