HX127 : un nouvel espoir pour la maladie de Huntington
Créée en 2022, HuntX Pharma travaille sur le développement de traitements pour la maladie de Huntington et plus largement les maladies neurodégénératives. Alors que la jeune pousse française a d’ores et déjà un premier candidat-médicament, HX127, Laure Jamot, PhD, cofondatrice et présidente de HuntX Pharma, revient sur la création de l’entreprise, ses recherches et les pistes qu’elle explore. Entretien.
HuntX Pharma est avant tout une aventure entrepreneuriale et humaine. Dites-nous en plus.
Forte d’une double expertise scientifique et business, j’évolue dans le monde de la biotech depuis plus de 22 ans. Au cours de ces années, j’ai toujours eu une réelle appétence pour le développement de médicaments. Dans ce cadre, la maladie de Huntington est l’une des premières pathologies sur laquelle j’ai travaillé. Puis après avoir créé la société, c’est aussi la première indication qui mobilise HuntX Pharma.
Dans cette aventure entrepreneuriale, je suis associée avec un découvreur de technologies qui évolue dans mon entourage scientifique depuis 1995, Frédéric Saudou. Dans le cadre de nos précédentes collaborations, nous avions travaillé sur le développement de médicaments pour la maladie de Huntington. Le programme s’était arrêté au bout de sept ans pour des raisons de chimie d’optimisation, une situation assez décevante au regard du fait qu’il n’existe pas de traitement pour cette maladie mortelle. Même si nous avons ensuite évolué chacun de notre côté, avec Frédéric, nous nous sommes réservé la possibilité de revenir à ce projet si l’opportunité se présentait. Et en 2019, suite au dépôt de brevet de Frédéric et de son université, il m’a recontactée afin de déterminer si ce brevet pouvait faire l’objet d’un développement industriel. À partir de là, nous nous sommes lancés dans le parcours classique de valorisation de la recherche publique : maturation et incubation, dossier pour le concours d’innovation i‑Lab dont nous avons été grand prix en 2022.
En décembre 2022, nous avons créé la société. Frédéric travaille sur la maladie de Huntington depuis plus de 30 ans et capitalise sur une très fine connaissance de l’écosystème. Pour ma part, je fais du développement de médicament pour maladies rares depuis plus de 22 ans. En parallèle, nous bénéficions de l’accompagnement d’une clinicienne de l’AP-HP avec laquelle nous avons commencé de collaborer il y a 25 ans. À ce noyau, qui partage une vision commune, se sont greffées des compétences clé avec qui j’ai eu la chance de travailler au cours de ma carrière professionnelle.
Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur les maladies neurologiques, et plus particulièrement la maladie de Huntington ?
La maladie de Huntington est une maladie neurodégénérative qui apparaît essentiellement à l’âge adulte. Elle touche près de 300 000 personnes dans le monde, dont 100 000 ont déjà déclaré la maladie. Les deux tiers restants sont porteurs de la mutation génétique responsable de la maladie et vont inexorablement développer cette maladie. Il n’existe actuellement aucun traitement qui permet de soigner la maladie, mais des traitements symptomatiques qui ont vocation à accompagner les patients jusqu’à leur décès.
Les malades développent des symptômes moteurs, cognitifs et psychiatriques. Les médicaments ont pour finalité de pallier ces trois types de symptômes. Pour cette maladie très invalidante, incurable et sans traitement, la prise en charge globale des patients à une échelle mondiale représente plus de 15 milliards de dollars par an. En France, pendant toute la durée de la maladie, qui est estimée à 20 ans, les coûts de prise en charge pour un patient s’élève à un million d’euros.
Parmi les maladies neurodégénératives auxquelles nous nous intéressons, la maladie de Huntington est celle que nous connaissons le mieux et sur laquelle nous somme le plus avancés. Frédéric Saudou est à l’origine de la découverte du rôle du gène responsable de la maladie. Il a aussi découvert la cible thérapeutique de HuntX Pharma, une enzyme que nous pouvons inhiber pour restaurer la fonction de la protéine altérée par la mutation dans le gène.
Enfin, la maladie de Huntington est un enjeu majeur de santé publique. Un des défis de la recherche est d’arriver à trouver des solutions thérapeutiques acceptables pour ces maladies neurodégénératives. Notre action et notre ambition sont totalement en ligne avec cette nécessité.
Au-delà, il est important de rappeler le rôle de leader de la France dans la recherche et le développement de médicaments pour traiter les maladies rares. Le 4e Plan National Maladies Rares (PNMR) va être déployé et je participe, comme représentante des startups pharmaceutiques à l’un des groupes de réflexion qui travaillent à son élaboration
Forts de cette expérience et de cette fine connaissance de la maladie de Huntington, vous développez donc un premier candidat-médicament, « HX127 ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il existe essentiellement deux grands axes de recherche autour de cette maladie :
- La neuro-inflammation : une inflammation qui crée des désordres au niveau du cerveau et perturbe son fonctionnement ;
- La toxicité de la forme mutante : la mutation génétique entraîne un gain de fonction toxique et une perte de fonction normale. Par exemple, une mutation qui s’opère au niveau des enzymes va les empêcher de fonctionner correctement. Il s’agit alors de les substituer par une nouvelle enzyme ou des substrats pour qu’elles puissent fonctionner de nouveau.
Notre stratégie est différente : restaurer la fonction normale du gène dont la mutation entraine la maladie de Huntington.
Dans la maladie de Huntington, le gène qui est muté et qui s’appelle la huntingtine, sert à transporter un facteur de survie, le BNDF (Brain-Derived Neurotrophic Factor), entre le cortex et le striatum, deux régions du cerveau. La survie du striatum dépend du BDNF fabriqué au niveau du cortex et transporté jusqu’à lui. Quand cette fonction est altérée, petit à petit, ces deux parties dépérissent.
À partir de cette découverte majeure, la question que nous nous sommes posée est simple : comment restaurer ce transport ? De manière schématique et didactique, le transport axonal, dans le cerveau, peut être comparé à un système ferroviaire à l’intérieur des cellules. Il est donc composé de rails, qui sont appelées les microtubules sur lesquels sont transportées les vésicules contenant le BDNF par des wagons : les complexes moteurs. La huntingtine permet de stabiliser ces complexes moteurs sur les rails. Quand cette dernière est sujette à une mutation, les wagons déraillent et le BDNF n’est donc plus acheminé à bon port. Néanmoins, en inhibant une enzyme particulière appelée APT1, nous sommes en mesure de restaurer l’attachements des vésicules sur les rails malgré la mutation et donc de transporter de nouveau le BDNF.
Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas d’une thérapie génique, car nous rendons de nouveau le gène actif sans toucher à la mutation. C’est là que réside l’originalité de notre démarche. Notre molécule, qui fait l’objet d’un brevet, sera la première molécule à adresser cette cible thérapeutique.
Au-delà de la maladie de Huntington, nous connaissons plus de 50 maladies neurologiques qui sont liées à des mutations dans des gènes impliqués dans ce transport axonal. Nous pensons, au sein de HuntX Pharma, qu’en réactivant le transport via cette inhibition d’enzyme, nous serons capables de soigner ces maladies.
À partir de là, quelles sont les prochaines étapes ?
À l’heure actuelle, nous avons quatre programmes en cours de développement : le développement du médicament HX127 pour la maladie de Huntington et 3 programmes créateurs de valeur pour la société. Dans ce cadre, nous sommes encore en phase pré-clinique. Nous visons le pré-clinique règlementaire en 2025, pour s’assurer de l’innocuité de cette molécule chez l’animal avant de la tester chez des volontaires sains en 2026, ce qu’on appelle une étude clinique de phase I. Une fois cette étape validée, dès 2027, nous pourrons nous engager dans l’étude clinique de phase 2 pour tester l’efficacité de la molécule chez les patients.
Les trois autres programmes visent à obtenir de nouveaux médicaments qui ciblent l’enzyme APT1 pour les autres indications que nous souhaitons cibler. Le second doit démontrer le bénéfice de notre stratégie thérapeutique dans un minimum de deux autres maladies. Et le troisième programme a pour but de développer un biomarqueur pour d’objectiver le niveau de développement de la maladie chez les patients et le niveau de bénéfice obtenu par notre traitement.
Nous voulons faire une première levée de fonds de 750 000 euros en 2024 auprès de Business Angels afin de mener de front l’ensemble de ces projets ambitieux, mais très prometteurs.