Hydroélectricité et biodiversité


Les centrales hydroélectriques ont des impacts sur la biodiversité. C’est pourquoi on leur applique un cadre normatif contraignant afin de préserver leur environnement et notamment les migrations de poissons tels que le bien connu saumon. Mais elles ont aussi des effets positifs sur la biodiversité, moins connus du public mais appréciés des scientifiques et des défenseurs de la nature. Énergie décarbonée et biodiversité : c’est tout bénéfice.
Dans le cadre de leur activité, les hydroélectriciens sont en permanence amenés à considérer la biodiversité dans et autour de leurs installations, sous différentes formes. Il peut par exemple s’agir du rétablissement de la continuité écologique via l’implantation de dispositifs techniques ou du respect de débits réglementaires, dits réservés, dans les tronçons influencés. La centrale hydroélectrique doit ainsi prendre en compte, pour sa création ou dans sa gestion, le contexte environnemental du site. Les documents de cadrage, réglementaires ou non, utilisés par l’administration pour instruire les demandes sont particulièrement nombreux et précis.
Le cadre normatif
Il s’agit principalement de la prise en compte de normes européennes, comme la directive-cadre européenne sur l’eau (DCE) dont la traduction en droit français est particulièrement poussée donc contraignante. Par exemple, les cours d’eau classés (liste 1, liste 2 ou réservoir biologique) au titre de l’article L. 214–17 permettent la protection des poissons migrateurs. Doit également être prise en compte la présence d’espèces particulières protégées ou suivies dans le cadre de plans nationaux d’actions (PNA), telles que le desman, la mulette perlière, la loutre, le saumon, l’esturgeon, l’apron du Rhône… Enfin, chaque projet doit intégrer le mieux possible les autres usages (irrigation, navigation…) et les exigences sociétales locales émanant des riverains, des sociétés de pêche, de chasse, des pratiquants de loisirs nautiques ou des associations d’environnement.
Des mesures adaptées
Donc, lorsque les travaux sont autorisés, de nombreuses mesures sont mises en place pour concilier la production d’électricité renouvelable et la préservation des milieux et des espèces protégées : ces installations peuvent ainsi jouer leur rôle dans la protection et l’enrichissement de la biodiversité aquatique et terrestre. Ces dispositifs sont adaptés au cas par cas aux caractéristiques des sites aménagés, ce qui requiert souvent imagination et innovations. Pour illustrer la relation entre les centrales hydroélectriques et la biodiversité, il est essentiel d’analyser de manière détaillée les mécanismes écologiques, les pratiques de gestion et les types d’habitats affectés.
La restauration des écosystèmes aquatiques
La continuité écologique des rivières est indispensable pour certaines espèces piscicoles migratrices comme les saumons, les anguilles ou les aloses, qui doivent impérativement passer des rivières à la mer (et inversement) pour accomplir leur cycle de vie. Des dispositifs environnementaux existent pour permettre aux poissons de remonter ou descendre les cours d’eau en franchissant les obstacles créés par les barrages (on parle de montaison et dévalaison).
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L’implantation et la conception de ces aménagements requièrent des études nombreuses et complexes, qui permettent de retenir le dispositif le mieux adapté au site et aux espèces de poissons concernés. Parfois, il peut ainsi s’agir d’une rivière de contournement (un bras secondaire artificiel qui relie le cours d’eau entre l’amont et l’aval du barrage) ou d’une rampe à macrorugosités (un plan incliné aménagé de plots et de rugosité en fond) ou de passe à poissons qui permet de ralentir les écoulements d’eau et facilitent la remontée des poissons. Il existe également des turbines ichtyocompatibles, dans lesquelles les poissons peuvent s’introduire en période de fonctionnement sans risque de blessure ou de mortalité. Il en existe déjà deux types reconnus en France (VLH, very low head, et vis hydrodynamique) et d’autres sont en développement.

Les milieux anthropisés et diversité préservée
Les centrales hydroélectriques modifient les écosystèmes où elles sont implantées, mais elles créent également de nouveaux habitats. Ces milieux, bien qu’anthropisés, accueillent une biodiversité qui peut être différente de celle d’origine, mais tout aussi riche. Certains scientifiques (voir Francesco Donati, Laurent Touchart, Pascal Bartout et Quentin Choffel, « Caractérisation biophysique des milieux situés à l’amont des seuils en rivière : l’écotone retenue de seuil », VertigO, la revue électronique en sciences de l’environnement [en ligne], volume 22 numéro 1 | avril 2022, mis en ligne le 20 avril 2022, consulté le 29 juin 2022) qualifient ces milieux « d’écotones », c’est-à-dire des espaces qui se forment au niveau de discontinuités environnementales et qui bénéficient des caractéristiques de différents milieux. Un exemple parlant d’écotone, ce sont les lisières de forêt, qui bénéficient des apports de la forêt et de la prairie qui les borde.
“Les centrales hydroélectriques créent également de nouveaux habitats.”
Les zones humides
Les retenues et zones humides, qui se forment parfois en amont des centrales hydroélectriques grâce à la régulation du niveau de l’eau au barrage, offrent des habitats essentiels pour une grande diversité d’espèces : héron, cincle plongeur, colvert… Ces zones permettent le développement d’une végétation aquatique et semi-aquatique, attirant ainsi une variété d’espèces faunistiques, telles que les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et certains mammifères. Des aménagements spécifiques assurent la protection de ces espèces. Les terrains naturels situés autour des bâtiments et le long des canaux, les zones de prairies semi-naturelles, les zones humides… sont autant de zones favorables à l’expression de la biodiversité et de sites d’accueil pour la faune et la flore, qui peuvent être valorisés par des aménagements spécifiques (plantation de variétés locales, gestion différenciée…).
Les bénéfices concomitants
En plus de tous les aménagements mis en place pour répondre aux demandes réglementaires, les hydroélectriciens mènent parfois des actions volontaires en faveur de la biodiversité ou des usagers du cours d’eau. Certaines centrales sont intégrées à des initiatives locales de conservation et d’écotourisme, provoquant ainsi une attention accrue sur la préservation de la biodiversité. En valorisant des parcours naturels ou en promouvant des activités d’éducation environnementale, ces sites peuvent sensibiliser le public à la biodiversité aquatique et terrestre.
Les projets de recherche scientifique
Les installations hydroélectriques peuvent devenir des sites pilotes pour des projets de recherche écologique sur lesquels les chercheurs évaluent les effets à long terme sur la biodiversité, les dynamiques de population et la résilience des écosystèmes aquatiques. En collaboration avec des universités ou des ONG environnementales, des projets de suivi sont mis en place pour surveiller les populations de poissons, d’amphibiens et d’insectes aquatiques, ainsi que pour tester de nouvelles solutions technologiques afin d’améliorer l’intégration écologique des infrastructures.
Il est en effet possible d’installer dans les passes à bassins une chambre de visionnage pour voir les poissons empruntant la passe. Ces chambres de visionnage sont l’un des rares moyens actuels permettant de réaliser un suivi du nombre de poissons amphihalins effectuant leur migration vers l’amont des cours d’eau. Ces populations de poissons grands migrateurs étant en difficulté ces dernières années, ces chambres de visionnage sont des outils essentiels pour les gestionnaires du cours d’eau en vue de suivre et d’adapter leurs actions.
En complément de l’électricité renouvelable qu’elles produisent, les centrales hydroélectriques, si elles sont correctement conçues et gérées, peuvent donc générer des effets positifs significatifs sur la biodiversité locale. En mettant en œuvre des pratiques durables, telles que le respect des débits écologiques, l’installation de passes à poissons, la création d’habitats propices à la faune locale, etc., elles offrent une solution énergétique renouvelable bas carbone aux impacts environnementaux faibles.