IA et transition énergétique : l’impact d’une technologie indispensable
L’IA, grande cause technologique actuelle, rencontre une autre grande cause de notre monde, la transition énergétique, pour faire espérer un avenir meilleur. Le cas de l’industriel Air Liquide fournit des exemples de cette coopération fructueuse.
Vagues de canicule, pluies torrentielles et incendies géants en Europe, inondations meurtrières au Pakistan, sécheresse historique aux États-Unis, en Inde et en Chine… L’été 2022 a été marqué par les dérèglements climatiques. Face à l’urgence, le cap est fixé : limiter la hausse de la température mondiale exige de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici 2030. Le défi est immense. L’automne 2022 quant à lui aura été marqué par les tensions sur le marché de l’énergie, consécutives à la guerre en Ukraine ; ainsi, le maître mot des gouvernements européens aura été « sobriété », encourageant la nécessaire accélération de la transition énergétique.
Une conviction : il n’y aura pas de transition énergétique sans technologies. En complément des nouvelles énergies que sont l’hydrogène et le biométhane, et des technologies de capture du CO2, l’intelligence artificielle (IA), dont l’usage par les entreprises s’est récemment accéléré, permet de répondre aux défis de la transition énergétique, sous réserve d’un usage raisonné impliquant by design l’intelligence humaine pour être source de progrès.
Les réponses concrètes de l’IA
Par sa capacité à traiter des informations complexes, l’IA ouvre de nouvelles perspectives à la transition énergétique et à l’optimisation de la consommation des ressources. Une fois correctement entraînée sur une tâche spécifique, elle permet de faire automatiquement de la reconnaissance d’image – par exemple, traiter des images satellitaires pour détecter des fuites de gaz –, de faire des prévisions de demande et production d’énergie, d’optimiser des livraisons, mais aussi de simuler des phénomènes physiques sans passer par des modèles mathématiques plus énergivores.
Contribuer à la transition énergétique est l’un des axes d’Advance, le plan stratégique du groupe Air Liquide. Cette transition repose sur une approche systémique qui nécessite une compréhension de nos écosystèmes, à la fois globale et fine. Pour cette raison, les 3,5 milliards de points de données que nous collectons chaque jour au sein de nos 500 usines et plus de 20 millions de bouteilles de gaz sont un actif clé.
Minimiser l’empreinte carbone
Le management optimal de l’énergie est le premier défi à relever. La minimisation de notre intensité carbone et celle de nos clients passent nécessairement par l’optimisation de nos actifs industriels et, surtout, par notre capacité à prendre rapidement les meilleures décisions. Pour cela, nous nous appuyons sur ces données grâce à l’IA pour améliorer la fiabilité de nos usines, pilotées par des centres à distance, et minimiser la consommation d’énergie. Nous surveillons en temps réel que nos installations de production fonctionnent à des niveaux optimaux en termes d’efficacité énergétique en visant à maximiser leur taux de fiabilité, autre facteur de consommation d’énergie.
“Une IA durable réside avant tout dans l’usage raisonné qui en est fait.”
Autre champ d’action pour réduire l’empreinte carbone de l’entreprise : la logistique. Chaque jour à travers le monde, les camions du groupe Air Liquide parcourent plus d’un million de kilomètres, soit plus de deux fois la distance Terre-Lune, pour livrer ses produits. Créé en 2017, notre programme mondial de numérisation de la chaîne logistique s’appuie sur des techniques d’IA et d’optimisation, et nous permet de réduire le kilométrage parcouru chaque année.
Tout au long de la chaîne d’approvisionnement, nos actifs sont connectés numériquement : sites de production, camions, réservoirs chez nos clients industriels ou dans les hôpitaux. Les données sont analysées, en vue de mieux connaître nos clients et de mieux anticiper leurs besoins pour réduire l’empreinte carbone. Les prédictions des besoins de nos clients nous permettent de déterminer les itinéraires optimaux empruntés par les chauffeurs, afin de planifier les livraisons de produits et d’optimiser les tournées des camions. Ce programme a d’ores et déjà permis d’éviter 20 millions de kilomètres. D’ici 2025, notre ambition est de réduire de 10 % le nombre de kilomètres parcourus.
De nouvelles perspectives pour les systèmes énergétiques complexes grâce à l’IA
La transition énergétique va susciter des changements dans les bassins industriels et urbains, liés à la mise en commun des ressources. L’augmentation des énergies renouvelables dans le mix énergétique s’accompagne de défis importants, tenant par exemple à leur intermittence. L’IA offre des perspectives très intéressantes. Air Liquide a lancé il y a trois ans un programme de recherche ambitieux sur la transition énergétique et l’IA pour appréhender cette complexité, en collaborant notamment avec Mines ParisTech. Les recherches portent par exemple sur la flexibilité des actifs industriels, paramètre important à prendre en compte pour intégrer les énergies renouvelables. Les algorithmes contribuent ainsi à optimiser les plans de production des usines.
Pour un usage raisonné by design de l’IA
Si le numérique et l’IA permettent d’améliorer les analyses et la prise de décision pour accompagner la transition énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre pour protéger la planète, les infrastructures numériques qui les hébergent ont un impact. En France, le numérique est responsable de 2,5 % de l’empreinte carbone, chiffre en forte croissance. Pour éviter la surchauffe, plusieurs leviers existent. Les services de cloud, qui permettent de faire tourner les IA, proposent des politiques de sobriété énergétique toujours plus affirmées.
Les fournisseurs essaient d’être les plus efficients sur le plan énergétique grâce à la mutualisation. Ils proposent de la puissance de calcul qui tendra à l’avenir vers le net zéro. L’informatique quantique constitue aussi une piste. Pour certaines applications, en aidant à raccourcir considérablement la durée de calcul, elle pourrait en effet réduire significativement la consommation énergétique. Même si les bénéfices énergétiques à attendre de cette technologie restent encore difficiles à prévoir avec précision, des travaux sont en cours pour que les ordinateurs quantiques obtiennent à terme cette suprématie énergétique sur leurs homologues classiques.
Mais une IA durable réside avant tout dans l’usage raisonné qui en est fait par les hommes et les femmes. Comment ? En privilégiant les applications qui auront un impact favorable sur l’environnement et en adoptant une approche frugale de l’IA. Cela implique de suivre les bonnes pratiques en matière de codes afin qu’ils ne soient pas trop énergivores et d’explorer les technologies des small data, qui permettent de réutiliser des IA développées avec des jeux de données de grande taille sur des jeux de données plus petits.
Accélérer le changement grâce aux équipes sur le terrain
Les collaborateurs des entreprises sont évidemment les acteurs de cette transition. Pour soutenir les ambitions de son plan Advance et contribuer à la lutte contre le changement climatique, Air Liquide a lancé en 2021 le programme AI Readiness qui ambitionne de former 300 collaborateurs au développement d’algorithmes et à l’IA d’ici 2025. Seul le maillage de l’organisation dans son ensemble par l’acculturation et la formation technique des collaborateurs permettra un déploiement vertueux de l’IA au service de la transition énergétique. Une IA au service de la transition énergétique s’appuiera donc nécessairement sur l’intelligence humaine.
En illustration : Les tournées des camions sont optimisées pour réduire le kilométrage parcouru grâce aux données et à l’IA. © Air Liquide