Ici-bas roman de Pierre Guerci

Ici-bas

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°766 Juin 2021Par :

Pierre Guerci (2009)

Rédacteur : Robin Touillon (2012)Editeur : Éditions Gallimard, janvier 2021

Le pire com­pli­ment qu’on puisse faire au pre­mier roman de Pierre Guer­ci serait d’applaudir le « témoi­gnage », néces­sai­re­ment « tou­chant », d’un fils voyant len­te­ment mou­rir son père d’une mala­die neu­ro­dé­gé­né­ra­tive. La mode est à de telles effu­sions sen­ti­men­tales et nar­cis­siques, mais Pierre Guer­ci n’est pas à la mode, il appar­tient à la lit­té­ra­ture. Son style déjà l’annonce, riche en voca­bu­laire et en images, quoique sans emphase, au ton à la fois grave et tendre. 

Le conte­nu du roman le confirme, qui raconte une his­toire sin­gu­lière pour ques­tion­ner plus lar­ge­ment notre rap­port à la vieillesse et à la mort : que faire des per­sonnes âgées et impo­tentes, qui semblent des déchets aux yeux de notre socié­té obsé­dée par le ren­de­ment ? Com­ment vivre la perte d’un proche, à l’heure où toutes les recettes du déve­lop­pe­ment per­son­nel nous enjoignent d’aller de l’avant ?

Le nar­ra­teur ne sait pas bien com­ment s’y prendre, mais il sait qu’il doit accom­pa­gner son père. Alors il lui parle, le rap­pelle à sa jeu­nesse, l’emmène chez le coif­feur ou essuie ses défé­ca­tions. Il s’efforce d’être là, tout sim­ple­ment, à ses côtés, mal­adroi­te­ment, inuti­le­ment, mais par amour, parce que la mort n’est pas, ne peut pas être et ne doit pas être sim­ple­ment l’extinction d’une machine bio­lo­gique, parce qu’elle doit demeu­rer la dis­pa­ri­tion tra­gique et déchi­rante d’une per­sonne irremplaçable. 

Au-delà donc du témoi­gnage, Pierre Guer­ci nous raconte le drame, pré­sent et intem­po­rel, de la mort et de l’amour filial.

Poster un commentaire