Idées
Quel ancien élève de l’École des Mines – corpsard ou non –, aujourd’hui manager, ne témoigne pour Claude Riveline une profonde et affectueuse reconnaissance ? On peut le constater à toute remise de décoration à l’un de ses anciens élèves, où le récipiendaire ne manque pas de mentionner son cher professeur parmi les premiers de ceux auxquels il doit d’être ce qu’il est. Mais au-delà de cet enseignement de la gestion, Claude Riveline est aussi un observateur attentif et aigu des comportements des hommes et des sociétés de notre temps. Et la qualité de cette observation, assise sur une culture vaste et éclectique, et nourrie par la rigueur du raisonnement scientifique, le conduit naturellement sur le chemin de la mise en relation et de la conceptualisation. Osons le mot : Riveline est un philosophe et un sociologue, un des plus perspicaces de notre époque.
Mais comme Claude Riveline est aussi un spécialiste de la communication, il sait que l’art d’exprimer brièvement, clairement, et avec brio, une idée, est au moins aussi important que l’idée elle-même. Or, contrairement à la grande majorité des experts, qui ne peuvent communiquer qu’en jargon et à l’intérieur d’un cercle d’initiés, cet art, il le maîtrise, pour notre plus grand plaisir.
Et c’est bien du plaisir que nous procure la lecture de son opuscule Idées, qui réunit ses chroniques succinctes et incisives publiées depuis dix ans dans le Journal de l’École de Paris. À l’opposé de ces collections d’aphorismes précieux et vains destinés à briller dans les salons, que l’on rencontre sous la plume de pédants académistes, les Idées de Riveline – comme on dit les Caractères de La Bruyère ou les Propos d’Alain ou encore ceux de O. L. Barenton – dissimulent leur profondeur sous un style de bon aloi toujours teinté d’humour.
Quelques titres, parmi d’autres : « Les vertus de la confusion », « Je suis, donc je pense », « Tu aimeras ton lointain comme toi-même ». Un exemple de remarque judicieuse (tiré de Qui est « je ») : « Je soutiens qu’au contraire c’est l’observance des rites qui est le moteur essentiel. C’est par là que l’on manifeste son appartenance à la tribu et son adhésion aux idées qu’elle soutient. Les gestes induisent les pensées au moins autant que l’inverse. » Et Riveline d’illustrer son propos par un quatrain de Georges Brassens dans « La foi du charbonnier ».
Un superbe petit livre de chevet, percutant, plaisant, et qui fait du bien.