L’Ifremer : Catalyser toutes les énergies au service des océans et des mers
L’océan représente un enjeu majeur au niveau mondial, car il absorbe plus de 90 % de l’excès de chaleur lié au réchauffement climatique. L’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, travaille notamment sur cette problématique.
Rencontre avec François Houllier (78), le PDG d’Ifremer, qui nous en dit plus.
Présentez-nous l’Ifremer et ses principales missions ?
Créé en 1984, c’est un établissement public à caractère industriel et commercial, qui a pris le relais de l’institut scientifique et technique des pêches maritimes et du centre national d’exploration de l’océan suite à leur fusion. Ifremer couvre l’ensemble des sujets relatifs à l’océan : depuis le littoral jusqu’à la haute mer, de la surface aux grands fonds, de la biodiversité aux ressources minérales ou aux énergies marines, de la physique de l’océan à l’économie de la pêche, de l’observation in situ jusqu’à l’observation spatiale grâce à nos liens avec le CNES.
Nos activités de recherche, d’expertise en appui des politiques publiques, et d’innovation visent trois grands objectifs : protéger et restaurer l’océan ; révéler et valoriser les ressources marines pour le bien-être des sociétés ; concevoir et partager l’océan numérique pour de nouveaux services.
« Le ministère de la Recherche a confié à l’Ifremer
la mission de gérer de grandes infrastructures de recherche au bénéfice
de la communauté scientifique nationale. »
Le ministère de la Recherche a confié à l’Ifremer la mission de gérer de grandes infrastructures de recherche au bénéfice de la communauté scientifique nationale. C’est, par exemple, le cas de la flotte océanographique française, qui rassemble 6 navires hauturiers et semi-hauturiers et 5 navires côtiers et qui est passée sous pavillon l’Ifremer depuis le 1er janvier 2018. Nous opérons ces bateaux, les engins sous-marins qui les accompagnent et les instruments scientifiques qu’ils emportent pour l’ensemble de la communauté scientifique : le CNRS, l’IRD, le réseau des universités marines, le Museum national d’histoire naturelle, le service hydrographique et océanographique de la marine. Les chercheurs publics et privés peuvent donc faire appel à cette importante infrastructure qui bénéficie d’un budget annuel de plus de 70 millions d’euros.
Aujourd’hui, l’Ifremer regroupe environ 1 500 personnes pour un budget de 240 millions d’euros en 2018 et une subvention pour charge des services publics d’environ 170 millions d’euros. Notre implantation principale est à Brest. Nous avons aussi deux autres sites majeurs, sur la façade atlantique à Nantes et sur la façade méditerranéenne près de Montpellier. Et à cela s’ajoute une vingtaine d’autres implantations de façade de Boulogne/Mer à Toulon. L’Ifremer est aussi très présent en Outre-Mer, dans le Pacifique, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans l’Océan Indien, sur l’île de la Réunion, et dans l’Océan Atlantique en Guyane française, ou encore en Martinique.
Actuellement, vous êtes notamment concentrés sur votre projet d’Institut. Quelles en sont les grandes lignes ?
À l’horizon 2030, notre ambition est de nous positionner sur plusieurs thématiques prioritaires : l’exploration de la diversité des ressources des environnements profonds, l’observation spatiale et marine avec un focus sur le changement climatique, la pêche, ou l’halieutique…
S’y ajoutent des sujets transverses qui méritent d’être soulignés. En tant qu’institut de référence en sciences et en technologies marines, nous interagissons avec l’État, par exemple sur la qualité des eaux marines, avec des partenaires économiques et industriels, mais aussi avec le monde associatif. Nous avons aussi vocation à être ouverts sur notre écosystème et à dialoguer avec toutes les parties prenantes en étant un appui aux politiques publiques, mais aussi en développant des recherches participatives aux côtés de la société civile.
L’Ifremer mène historiquement des travaux de recherche en collaboration avec les acteurs du monde de la pêche, de la production de fruits de mer…
« Nous voulons renforcer notre contribution à l’innovation
dans différents domaines tels que les énergies marines renouvelables
ou encore les biotechnologies marines. »
En parallèle, nous voulons renforcer notre contribution à l’innovation dans différents domaines tels que les énergies marines renouvelables ou encore les biotechnologies marines qui sont des sujets pointus sur desquels nous avons développé des savoir-faire particuliers, comme la communication optique sous-marine que nous utilisons pour le pilotage de nos robots dans le cadre de nos travaux de recherche.
Si nous continuons à breveter nos innovations, l’idée est aussi de développer des interactions plus fortes avec le monde socio-économique en incubant des projets, en développant des preuves de concept, en soutenant la création de start-ups, en prenant des participations dans des entreprises… Nous continuons aussi de développer nos infrastructures de recherche.
En plus de la flotte océanographique nous contribuons, par exemple, au réseau Argo de plusieurs milliers de balises qui mesurent la température et la salinité de l’océan dans toutes les mers du monde et tout au long de l’année. Il y a aussi des infrastructures numériques ou dédiées à l’observation des fonds de mers.
Que ce soit au niveau de nos principales missions ou de la recherche, nous devons être exemplaires en termes d’excellence et d’intégrité scientifique, éthique et déontologique. Cela passe aussi par un travail de communication.
Revenons sur le développement de vos relations avec le monde économique. Comment cela se traduit-il ?
Nous avons formalisé notre démarche d’innovation au travers du projet InOcean, dont le but est d’identifier les domaines dans lesquels nous avons la capacité d’avoir une véritable valeur ajoutée en termes de transfert technologique avec des focus sur les segments et les niches qui nous paraissent prometteurs et sur lesquels nous avons des compétences particulières.
Dans nos relations avec les entreprises, nous cherchons à dépasser le modèle basé sur les seuls brevets et licences pour développer des formes de valorisation complémentaires et nouvelles : incubation et création d’entreprises, prise de participation, recherche contractuelle… L’idée est de privilégier des partenariats publics et privés autour d’objets d’intérêts partagés.
Actuellement, comment s’articulent votre stratégie d’innovation et vos recherches scientifiques ?
Nous avons identifié plusieurs axes. Par exemple, l’innovation en biotechnologies s’appuie sur nos recherches sur les microalgues.
Les questions relatives aux interactions climatocéan, à l’acidification des océans, à la conservation de la biodiversité sont parmi nos principales préoccupations. Nous continuons aussi de travailler sur les questions d’halieutique ou de santé des mollusques.
Dans un registre différent et très transversal, nos capacités d’observation et de modélisation, notre savoir-faire en systèmes d’information marins ont vocation à déboucher sur des innovations dans le domaine des données et des services dérivés.
L’Ifremer est aussi membre du cluster maritime français qui regroupe les grands secteurs de l’économie maritime : les acteurs de l’énergie, de la construction navale et du transport maritime, les entreprises et les groupes qui développent des technologies et des innovations autour de l’océan.
Vous avez pour ambition de vous positionner comme un catalyseur pour les sciences et technologies marines françaises. Qu’en est-il ?
Pour se positionner en tant que tel, nous devons pouvoir justifier d’une capacité à interagir avec les différentes parties prenantes comme avec les différents acteurs, publics ou privés, des sciences et technologies marines.
Dans ce cadre, nous collaborons avec diverses écoles et universités, comme l’Université de Bretagne occidentale, l’ENSTA Bretagne, l’ENIB, l’Université et l’École Centrale de Nantes ou encore l’Université de Montpellier. Nous avons aussi des unités mixtes ou des projets communs avec le CNRS, l’IRD, le CNES…
En parallèle, nous cherchons aussi à valoriser notre présence en outre-mer, un point essentiel puisque la France a le second domaine maritime au monde avec plus de 11 millions de km2 .
Pour être ce catalyseur, nous nous positionnons aussi comme un opérateur qui met à disposition ses infrastructures, telles que la flotte océanographique française. Cela demande aussi d’être un chef de file national respectueux des compétences des autres établissements compétents sur la mer et capable d’orienter l’État, les collectivités territoriales, les associations, les diverses parties prenantes ou les entreprises vers les équipes les plus compétentes qu’elles appartiennent à l’Ifremer ou à d’autres établissements.