Il faut afficher et défendre une politique industrielle

Dossier : Le Bicentenaire des MinesMagazine N°661 Janvier 2011Par : Compte rendu de la table ronde «Politique industrielle»

Compte rendu de la table ronde « Politique industrielle »

Pro­pos résu­més par la Rédaction

La poli­tique indus­trielle, terme deve­nu tabou pen­dant quelques décen­nies, est de nou­veau pré­sen­table. C’est le constat de Chris­tian Mar­bach (56), ani­ma­teur de cette table ronde. On a le droit d’en par­ler, il faut l’af­fi­cher, la mettre en avant. Et, pour cela, il faut un corps de fonc­tion­naires, utile à la nation, aux admi­nis­tra­tions et aux entreprises.


REPÈRES

La table ronde était illus­trée par un petit film sur « les grandes heures de la poli­tique indus­trielle », réa­li­sé par de jeunes et moins jeunes ingé­nieurs de l’École.
Sul­ly sou­ligne l’im­por­tance des acti­vi­tés de pro­duc­tion. Col­bert les pro­meut, pour le roi sou­vent, pour la patrie tou­jours. Saint-Simon estime que la socié­té tout entière repose sur l’in­dus­trie. Charles de Frey­ci­net annonce la dis­pa­ri­tion presque com­plète du tra­vail manuel. Plus près de nous sont cités Auguste Detœuf, Mau­rice Tho­rez, Louis Armand, ou encore Jean Mon­net, pour qui la moder­ni­sa­tion est un état d’esprit.


Faisons rêver les enseignants et les jeunes

Franck Lir­zin (2003) et Ludo­vic Weber (2000) pré­sentent en guise de hors-d’œuvre une petite enquête auprès d’une tren­taine d’in­gé­nieurs du corps. Consta­tant une alter­nance de lais­ser-faire et d’in­ter­ven­tion­nisme, ceux-ci pro­posent, entre autres, de faire de l’Eu­rope un maillon cen­tral de notre poli­tique indus­trielle, de maî­tri­ser l’en­vi­ron­ne­ment légis­la­tif et régle­men­taire dans lequel évo­lue l’in­dus­trie, de sou­te­nir l’en­tre­pre­neu­riat et l’in­no­va­tion, d’a­dap­ter la for­ma­tion et l’enseignement.

L’aube d’une révolution industrielle

Pierre Gat­taz, pré­sident de Radiall, évoque les trente glo­rieuses, les trente piteuses et les dix der­nières années, cala­mi­teuses. » Les entre­prises de taille inter­mé­diaire ont du mal à s’a­dap­ter. En ce qui nous concerne, nous avons trans­fé­ré notre savoir-faire élec­tro­nique fran­çais à l’aé­ro­nau­tique amé­ri­caine en tra­vaillant pour Boeing.

« Il ne faut pas subir la crois­sance mon­diale, mais la faire nous-mêmes dans les pays émer­gents. Mais il faut être fort en France pour l’être ailleurs.

« Nous sommes à l’aube d’une révo­lu­tion indus­trielle. Tenons un dis­cours fran­çais. Retrou­vons une ambi­tion et une fier­té. Fai­sons rêver les pro­fes­seurs, les jeunes et les jeunes ingénieurs. »

Au nom de l’Asso­cia­tion ami­cale des ingé­nieurs des Mines, Fabrice Dam­brine remet l’é­pée tra­di­tion­nelle d’in­gé­nieur géné­ral des Mines à Chris­tine Lagarde, sta­tu­tai­re­ment pré­si­dente du Conseil géné­ral de l’in­dus­trie, de l’éner­gie et des tech­no­lo­gies, en pré­sence de Pas­cal Faure au milieu et de Pierre Cou­veinhes à gauche.

Exiger la réciprocité

Patrick Kron, pré­sident d’Al­stom, estime qu’une grande entre­prise a éga­le­ment besoin de sta­bi­li­té et de visibilité.

SOS Indus­trie
Inter­ve­nant par le tru­che­ment d’un film réa­li­sé par les jeunes, Lio­nel Sto­lé­ru (56) rap­pelle tous les grands pro­grammes lan­cés dans « les années Pom­pi­dou ». Il sou­ligne la chute des emplois indus­triels (15% d’emplois per­dus en France depuis 2001, année d’en­trée de la Chine dans le com­merce inter­na­tio­nal). Pour lui, » il faut mettre à pro­fit le grand emprunt pour se pla­cer mon­dia­le­ment sur les niches encore disponibles. »

« Il faut s’ins­crire dans la concur­rence inter­na­tio­nale ; aller sur le ter­rain des atta­quants, tels que la Chine ; assu­rer la durée de vie, donc les ser­vices. » Il insiste sur la réci­pro­ci­té, pre­nant l’exemple des Japo­nais et des trains (ils pos­sèdent 10% du mar­ché mon­dial, mais 99% de leurs trains sont japonais).

« Nous pas­sons en France pour les rois du pro­tec­tion­nisme, alors qu’en réa­li­té nous sommes les plus ouverts. Soyons ouverts, sans être cré­tins. » Il réclame un lien entre « les domaines où nous sommes cham­pions (le TGV, le nucléaire, l’aé­ro­nau­tique) et le lan­ce­ment de grands pro­grammes natio­naux mobi­li­sant des moyens. »

L’union sacrée pour l’industrie

Ser­vir et s’en servir
Inter­ve­nant éga­le­ment de façon indi­recte, Ber­nard Esam­bert (54) regrette lui aus­si les années Pom­pi­dou. « Nous avons connu une répu­blique des ingé­nieurs, avec un pré­sident qui avait la fibre indus­trielle. Il faut y reve­nir aujourd’­hui avec de grands pro­grammes évi­dents, par exemple, dans les nano­tech­no­lo­gies ou la bio­lo­gie. Nous pou­vons comp­ter sur nos ingé­nieurs qui ont appris à ser­vir et non pas à se ser­vir. Mais nous pou­vons aus­si conseiller à nos poli­tiques de se ser­vir… des ingé­nieurs des Mines. »

Yvon Jacob, pré­sident de la Fédé­ra­tion des indus­tries méca­niques, veut d’a­bord résoudre les pro­blèmes en France.

« Nous avons empê­ché le lais­ser-faire et ins­tal­lé le lais­sez-pas­ser uni­voque. Les pays émer­gés, et non plus émer­gents, dis­posent de faci­li­tés extra­or­di­naires pour vendre chez nous. Nous atten­dons de l’U­nion euro­péenne une révi­sion des condi­tions des échanges inter­na­tio­naux, une orga­ni­sa­tion du mar­ché euro­péen, une révi­sion de la régle­men­ta­tion euro­péenne, au lieu d’ac­ca­bler nos entre­prises de han­di­caps supplémentaires.

« Décré­tons en France une union sacrée pour l’in­dus­trie, par exemple, en réor­ga­ni­sant le mar­ché du tra­vail. Et que nos entre­prises se fassent entendre à Bruxelles, en par­faite coor­di­na­tion avec les pou­voirs publics. »

Champion européen et grands projets

Décré­tons en France une union sacrée pour l’industrie

Nico­las Véron, éco­no­miste, défend l’i­dée du cham­pion euro­péen, tout en pro­mou­vant l’in­no­va­tion. « On crée une ten­sion salu­taire entre natio­na­li­té et com­pé­ti­ti­vi­té. En Alle­magne, rap­pelle-t-il, on regarde où sont fabri­qués les trains.

» Virek Badri­nath, Orange, évoque les débuts flam­boyants du télé­phone mobile au Royaume- Uni, sui­vis de pannes d’in­ves­tis­se­ments et de la concen­tra­tion des pro­ta­go­nistes. » La concur­rence, estime-t-il, c’est un peu court pour défi­nir un axe de développement. »

Vincent Rigal, Solar, est scep­tique sur les grands pro­jets com­mu­nau­taires. Mais il estime que » les créa­teurs n’ont pas assez de com­pé­tence financière. »

Lais­sons conclure Ray­mond Lévy (46), éga­le­ment à l’é­cran : « Les Fran­çais n’aiment pas leur indus­trie, c’est grave. » Mais, » fai­sons confiance aux ingé­nieurs des Mines, eux aus­si sont for­més pour la patrie, les sciences et la gloire. La patrie leur a four­ni les moyens de leurs études et la car­rière la plus brillante pos­sible. Qu’ils s’en souviennent. »

Le sta­tut d’ingénieur
Grande figure des Télé­coms, éga­le­ment évo­quée par film inter­po­sé, Gérard Thé­ry (56) déplore la dis­pa­ri­tion de « mon­sieur » l’in­gé­nieur et la for­ma­tion moderne des enfants, « qu’on emmène au théâtre ou aux champs, mais pas à l’u­sine « . Pour lui, » le rôle d’un corps de l’É­tat est de res­tau­rer le sta­tut d’ingénieur. »

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