L'équipe dirigeante de Fontion Labs : De gauche à droite Matthieu Cordier (X15), Jean Vassalo (X15) et Antoine Cordier (X13).

« Il faut distinguer les solutions GenAI des solutions d’IA prédictive » Jean Vassalo (X15), cofondateur de Fonction Labs

Dossier : TrajectoiresMagazine N°799 Novembre 2024
Par Hervé KABLA (X84)

En mars 2024, Jean Vas­sa­lo (X15) a cofon­dé Fonc­tion Labs, dont l’objectif est de per­mettre aux pra­ti­ciens des don­nées de créer grâce à l’intelligence arti­fi­cielle les outils opti­maux pour un éven­tail de pro­jets de don­nées, allant du pro­to­ty­page ini­tial au déploie­ment. Il s’agit de maxi­mi­ser le poten­tiel de l’organisation en exploi­tant ses don­nées aux côtés des outils fon­da­men­taux du prestataire.

Quelle est l’activité de Fonction Labs ?

Fonc­tion Labs est une entre­prise de ser­vices spé­cia­li­sée en intel­li­gence arti­fi­cielle et en solu­tions data. Nous offrons des solu­tions de modé­li­sa­tion et d’ingénierie des don­nées pour résoudre les pro­blèmes com­plexes de nos clients liés à l’automatisation, à l’analyse des don­nées et à l’optimisation. Notre exper­tise en IA couvre des domaines tels que la GenAI (LLMs), la com­pu­ter vision (IA appli­quée aux images et vidéos) et le machine lear­ning. Les outils que nous déve­lop­pons sont faits sur mesure pour répondre aux besoins spé­ci­fiques des entre­prises, notam­ment en matière d’infrastructure data et de confi­den­tia­li­té des don­nées. De plus, nous accom­pa­gnons nos clients dans le déploie­ment et la mise à l’échelle de ces solu­tions, garantis­sant ain­si leur effi­ca­ci­té et leur pérennité.

Quel est le parcours des fondateurs ?

Nous sommes trois ingé­nieurs diplô­més de l’École poly­tech­nique ayant effec­tué notre for­ma­tion d’application à l’étranger (Colum­bia Uni­ver­si­ty, Tech­ni­cal Uni­ver­si­ty of Munich et Impe­rial Col­lege). Nous pos­sé­dons tous une solide expé­rience en intel­li­gence arti­fi­cielle, en pro­gram­ma­tion et en data engi­nee­ring. Antoine Cor­dier (X13) a pré­cé­dem­ment diri­gé une équipe de R & D en IA dans une start-up spé­cia­li­sée en com­pu­ter vision. Mat­thieu Cor­dier (X15) a tra­vaillé chez Ama­deus à Bos­ton, puis chez BCG X à Paris en tant qu’ingénieur en machine lear­ning et data scien­tist. Quant à moi, j’ai effec­tué de nom­breuses mis­sions en tant que consul­tant en machine lear­ning et GenAI dans les sec­teurs de la banque, de l’assurance et de l’industrie.

Comment vous est venue l’idée ?

Nous avons d’abord consta­té un manque de sui­vi et de vision à long terme dans l’accompa­gne­ment des entre­prises sur le mar­ché du conseil en IA. Pour cause, la plu­part des socié­tés de conseil clas­siques n’ont pas une « culture tech ». Cela se reflète notam­ment chez leurs consul­tants juniors qui ne suivent pas tou­jours les bonnes pra­tiques en pro­gram­ma­tion, ren­dant les outils déve­lop­pés dif­fi­ciles à main­te­nir sur le long terme. Un chiffre nous a mar­qués : 8 pro­jets data sur 10 n’aboutissent pas en pro­duc­tion, ils res­tent à l’état de POC ou sont aban­don­nés en rai­son d’une concep­tion non pérenne. C’est pour­quoi nous avons créé Fonc­tion Labs. Notre objec­tif est de nous démar­quer en conce­vant des solu­tions inno­vantes et direc­te­ment opé­ra­tion­nelles, tout en anti­ci­pant les défis à venir dès la phase de déve­lop­pe­ment initial.

Qui sont les concurrents ?

Il existe de nom­breux cabi­nets de conseil concur­rents dans le domaine de l’IA, mais le mar­ché est vaste. Nous ne sommes pas en com­pé­ti­tion directe avec les plus grands cabi­nets, tels que Quan­tum­Black ou BCG X, qui ciblent des seg­ments de mar­ché dif­fé­rents. Notre objec­tif est plu­tôt de riva­li­ser avec les cabi­nets plus petits en met­tant l’accent sur le déploie­ment, la qua­li­té de la pro­gram­ma­tion et la com­plexi­té des pro­blèmes que nous résolvons.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?

Tout d’abord l’acquisition de notre pre­mier client, un fonds large cap amé­ri­cain en pri­vate equi­ty, a été une étape clé pour nous. Par la suite, nous avons réa­li­sé plu­sieurs pro­jets GenAI, notam­ment la créa­tion d’outils uti­li­sant les LLMs pour extraire et syn­thé­ti­ser des don­nées à par­tir de docu­ments tech­niques. Fonc­tion Labs compte aujourd’hui par­mi ses clients une grande com­pa­gnie d’assurances, une socié­té de logis­tique infor­ma­tique et une entre­prise de conseil en stra­té­gie financière.

Toutes les entreprises sont-elles vraiment concernées par l’IA ?

Depuis que ChatGPT est acces­sible, nous consta­tons que tous les sec­teurs l’utilisent comme base de connais­sances. Cepen­dant, l’impact de l’IA sur une entre­prise dépend for­te­ment du sec­teur et de l’activité. Il est impor­tant de dis­tin­guer les solu­tions GenAI des solu­tions plus clas­siques d’IA pré­dic­tive. Les pre­mières sont très en vogue et ont un fort poten­tiel dans l’interaction entre la machine et l’utilisateur, elles concernent donc toutes les entre­prises. En revanche, les solu­tions d’IA pré­dic­tive ont le poten­tiel d’avoir le plus grand impact sur les entre­prises, notam­ment en matière de réduc­tion des coûts et d’optimi­sation. Le nombre d’entreprises concer­nées par ces der­nières est plus limi­té, mais reste vaste. Par exemple, cela touche l’industrie (contrôle qua­li­té, détec­tion d’anomalies sur des pièces indus­trielles, opti­mi­sa­tion de la chaîne de pro­duc­tion), les banques (détec­tion auto­ma­ti­sée de fraude et de blan­chi­ment d’argent, pré­dic­tion de défaut) et les acti­vi­tés com­mer­ciales (ciblage et réten­tion de clients).

Et quel est leur niveau de maturité dans ce domaine ?

Glo­ba­le­ment, je dirais que l’enthousiasme est grand mais le niveau de matu­ri­té reste plu­tôt faible, bien que cela dépende beau­coup des sec­teurs. Les chefs d’entreprise sont très curieux de savoir com­ment exploi­ter les der­nières tech­no­lo­gies en IA, en par­ti­cu­lier les LLMs, mais ne voient pas tou­jours com­ment celles-ci pour­raient s’appliquer à leur busi­ness. Nous réa­li­sons sou­vent des mis­sions de conseil pour les aider à pré­ci­ser leurs besoins et à en tirer le maxi­mum de valeur possible.

Est-ce une question de moyens ou y a‑t-il des freins psychologiques, voire éthiques ?

Il s’agit plu­tôt de freins cultu­rels, car la volon­té d’améliorer les pro­ces­sus par l’IA est lar­ge­ment par­ta­gée. La dif­fi­cul­té réside davan­tage dans l’adoption de cer­taines habi­tudes cultu­relles typiques du monde « tech », ce qui ralen­tit l’adoption, plu­tôt que dans des pré­oc­cu­pa­tions éthiques ou des limi­ta­tions de moyens, bien que ces freins existent également.

Toutes les fonctions sont-elles également concernées, ou n’y a‑t-il pas un effet de mode qui fait qu’on met de l’IA là où cela ne s’impose pas ?

Je dirais que la majo­ri­té des fonc­tions sont concer­nées par l’IA. L’effet de mode peut être un vec­teur d’innovation, mais il arrive par­fois qu’il soit contre-pro­duc­tif lorsque les gens sou­haitent à tout prix uti­li­ser ces tech­no­lo­gies sans véri­table objec­tif. Le risque est alors d’utiliser l’IA comme un gad­get plu­tôt que comme un vec­teur de valeur com­mer­ciale. Cepen­dant, la plu­part des chefs d’entreprise abordent cette ques­tion de manière stra­té­gique et réfléchie.

Dans la course aux infrastructures, les acteurs américains comme OpenAI ont un avantage conséquent : les moyens mis en œuvre. Les entreprises françaises comme Mistral pourront-elles suivre, ou risquerons-nous de voir tout le secteur devenir dépendant de logiciels américains ?

Les entre­prises comme Mis­tral ont leur chance, car elles ont sai­si la bonne occa­sion au bon moment. Les moyens qu’elles mettent en œuvre sont consi­dé­rables et leurs cher­cheurs de très haut niveau, ce qui leur a per­mis de riva­li­ser en termes de per­for­mance avec les modèles d’OpenAI. Une de leurs forces est d’être des acteurs fran­çais, ce qui leur donne un avan­tage sur le mar­ché euro­péen. De nom­breuses entre­prises peuvent être réti­centes à confier leurs don­nées à une entre­prise amé­ri­caine, bien que la poli­tique de confi­den­tia­li­té d’OpenAI soit excel­lente. Cela per­met à Mis­tral de béné­fi­cier d’un avan­tage sur ce mar­ché. La course à la taille et à la puis­sance des modèles est loin d’être terminée.

Poster un commentaire