« Il faut distinguer les solutions GenAI des solutions d’IA prédictive » Jean Vassalo (X15), cofondateur de Fonction Labs
En mars 2024, Jean Vassalo (X15) a cofondé Fonction Labs, dont l’objectif est de permettre aux praticiens des données de créer grâce à l’intelligence artificielle les outils optimaux pour un éventail de projets de données, allant du prototypage initial au déploiement. Il s’agit de maximiser le potentiel de l’organisation en exploitant ses données aux côtés des outils fondamentaux du prestataire.
Quelle est l’activité de Fonction Labs ?
Fonction Labs est une entreprise de services spécialisée en intelligence artificielle et en solutions data. Nous offrons des solutions de modélisation et d’ingénierie des données pour résoudre les problèmes complexes de nos clients liés à l’automatisation, à l’analyse des données et à l’optimisation. Notre expertise en IA couvre des domaines tels que la GenAI (LLMs), la computer vision (IA appliquée aux images et vidéos) et le machine learning. Les outils que nous développons sont faits sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises, notamment en matière d’infrastructure data et de confidentialité des données. De plus, nous accompagnons nos clients dans le déploiement et la mise à l’échelle de ces solutions, garantissant ainsi leur efficacité et leur pérennité.
Quel est le parcours des fondateurs ?
Nous sommes trois ingénieurs diplômés de l’École polytechnique ayant effectué notre formation d’application à l’étranger (Columbia University, Technical University of Munich et Imperial College). Nous possédons tous une solide expérience en intelligence artificielle, en programmation et en data engineering. Antoine Cordier (X13) a précédemment dirigé une équipe de R & D en IA dans une start-up spécialisée en computer vision. Matthieu Cordier (X15) a travaillé chez Amadeus à Boston, puis chez BCG X à Paris en tant qu’ingénieur en machine learning et data scientist. Quant à moi, j’ai effectué de nombreuses missions en tant que consultant en machine learning et GenAI dans les secteurs de la banque, de l’assurance et de l’industrie.
Comment vous est venue l’idée ?
Nous avons d’abord constaté un manque de suivi et de vision à long terme dans l’accompagnement des entreprises sur le marché du conseil en IA. Pour cause, la plupart des sociétés de conseil classiques n’ont pas une « culture tech ». Cela se reflète notamment chez leurs consultants juniors qui ne suivent pas toujours les bonnes pratiques en programmation, rendant les outils développés difficiles à maintenir sur le long terme. Un chiffre nous a marqués : 8 projets data sur 10 n’aboutissent pas en production, ils restent à l’état de POC ou sont abandonnés en raison d’une conception non pérenne. C’est pourquoi nous avons créé Fonction Labs. Notre objectif est de nous démarquer en concevant des solutions innovantes et directement opérationnelles, tout en anticipant les défis à venir dès la phase de développement initial.
Qui sont les concurrents ?
Il existe de nombreux cabinets de conseil concurrents dans le domaine de l’IA, mais le marché est vaste. Nous ne sommes pas en compétition directe avec les plus grands cabinets, tels que QuantumBlack ou BCG X, qui ciblent des segments de marché différents. Notre objectif est plutôt de rivaliser avec les cabinets plus petits en mettant l’accent sur le déploiement, la qualité de la programmation et la complexité des problèmes que nous résolvons.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Tout d’abord l’acquisition de notre premier client, un fonds large cap américain en private equity, a été une étape clé pour nous. Par la suite, nous avons réalisé plusieurs projets GenAI, notamment la création d’outils utilisant les LLMs pour extraire et synthétiser des données à partir de documents techniques. Fonction Labs compte aujourd’hui parmi ses clients une grande compagnie d’assurances, une société de logistique informatique et une entreprise de conseil en stratégie financière.
Toutes les entreprises sont-elles vraiment concernées par l’IA ?
Depuis que ChatGPT est accessible, nous constatons que tous les secteurs l’utilisent comme base de connaissances. Cependant, l’impact de l’IA sur une entreprise dépend fortement du secteur et de l’activité. Il est important de distinguer les solutions GenAI des solutions plus classiques d’IA prédictive. Les premières sont très en vogue et ont un fort potentiel dans l’interaction entre la machine et l’utilisateur, elles concernent donc toutes les entreprises. En revanche, les solutions d’IA prédictive ont le potentiel d’avoir le plus grand impact sur les entreprises, notamment en matière de réduction des coûts et d’optimisation. Le nombre d’entreprises concernées par ces dernières est plus limité, mais reste vaste. Par exemple, cela touche l’industrie (contrôle qualité, détection d’anomalies sur des pièces industrielles, optimisation de la chaîne de production), les banques (détection automatisée de fraude et de blanchiment d’argent, prédiction de défaut) et les activités commerciales (ciblage et rétention de clients).
Et quel est leur niveau de maturité dans ce domaine ?
Globalement, je dirais que l’enthousiasme est grand mais le niveau de maturité reste plutôt faible, bien que cela dépende beaucoup des secteurs. Les chefs d’entreprise sont très curieux de savoir comment exploiter les dernières technologies en IA, en particulier les LLMs, mais ne voient pas toujours comment celles-ci pourraient s’appliquer à leur business. Nous réalisons souvent des missions de conseil pour les aider à préciser leurs besoins et à en tirer le maximum de valeur possible.
Est-ce une question de moyens ou y a‑t-il des freins psychologiques, voire éthiques ?
Il s’agit plutôt de freins culturels, car la volonté d’améliorer les processus par l’IA est largement partagée. La difficulté réside davantage dans l’adoption de certaines habitudes culturelles typiques du monde « tech », ce qui ralentit l’adoption, plutôt que dans des préoccupations éthiques ou des limitations de moyens, bien que ces freins existent également.
Toutes les fonctions sont-elles également concernées, ou n’y a‑t-il pas un effet de mode qui fait qu’on met de l’IA là où cela ne s’impose pas ?
Je dirais que la majorité des fonctions sont concernées par l’IA. L’effet de mode peut être un vecteur d’innovation, mais il arrive parfois qu’il soit contre-productif lorsque les gens souhaitent à tout prix utiliser ces technologies sans véritable objectif. Le risque est alors d’utiliser l’IA comme un gadget plutôt que comme un vecteur de valeur commerciale. Cependant, la plupart des chefs d’entreprise abordent cette question de manière stratégique et réfléchie.
Dans la course aux infrastructures, les acteurs américains comme OpenAI ont un avantage conséquent : les moyens mis en œuvre. Les entreprises françaises comme Mistral pourront-elles suivre, ou risquerons-nous de voir tout le secteur devenir dépendant de logiciels américains ?
Les entreprises comme Mistral ont leur chance, car elles ont saisi la bonne occasion au bon moment. Les moyens qu’elles mettent en œuvre sont considérables et leurs chercheurs de très haut niveau, ce qui leur a permis de rivaliser en termes de performance avec les modèles d’OpenAI. Une de leurs forces est d’être des acteurs français, ce qui leur donne un avantage sur le marché européen. De nombreuses entreprises peuvent être réticentes à confier leurs données à une entreprise américaine, bien que la politique de confidentialité d’OpenAI soit excellente. Cela permet à Mistral de bénéficier d’un avantage sur ce marché. La course à la taille et à la puissance des modèles est loin d’être terminée.
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