Il faut sauver le soldat PME
Il est temps de redescendre dans le monde réel auquel est confronté chaque patron de PME. Le diable se cache dans le détail. Ce proverbe devrait inciter nos dirigeants à faire une petite incursion sur terre.
Aider ou pas
Le patron de PME c’est un peu Bonaparte à la tête de ses troupes fonçant à l’assaut du pont d’Arcole. Imaginez ce qu’il serait advenu si le Directoire avait semé le chemin de pièges à loups, ou de collets élastiques retenant au passage les chevilles des fantassins, sous prétexte de vérifier la conformité de leurs chaussures.
Prenons l’exemple du Crédit d’impôt recherche (CIR). Le chef d’entreprise rencontre d’abord les sympathiques fonctionnaires du ministère de la Recherche qui le convainquent d’utiliser cette aide à l’innovation. Il se lance. Trois ans plus tard, il reçoit la visite d’autres fonctionnaires, les inspecteurs du fisc, qui n’ont de cesse de démontrer qu’il n’y avait pas droit. S’ensuit une période de plusieurs mois, voire d’années, où il se retrouve paralysé par le risque de devoir rembourser l’aide reçue. On voudrait assassiner une entreprise qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Quand une PME, prise pour cible par le fisc, obtient gain de cause après un parcours du combattant de plusieurs mois ou années, et qu’elle peut enfin repartir à la conquête de marchés extérieurs, il y a belle lurette que les PME allemandes se sont installées dans la place. Voilà notamment pourquoi, en Allemagne, où l’on n’a pas institué de CIR, les PME sont championnes européennes du dynamisme et de l’innovation.
Les voltigeurs de l’économie
Les PME ressentent aussi le sentiment d’être ignorées dans leur spécificité. Pourtant, par leur mobilité d’action, elles sont les voltigeurs de notre économie. C’est ce qui fait leur force. Leurs petites équipes dynamiques font, avec trois fois moins de moyens, aussi bien, voire mieux, que certaines entreprises (multi) nationales habituées, par nature, à traiter de gros projets. Cela tient au fait qu’une équipe de quelques personnes motivées peut faire l’économie de toute l’infrastructure d’organisation des tâches, de coordination, de communication interne que nécessite un projet impliquant plusieurs dizaines ou centaines d’acteurs.
Un même moule pour tous
Quand on regarde la grille d’analyse imposée aux experts du ministère de la Recherche pour estimer, après coup, l’éligibilité au CIR d’un projet contrôlé, on est frappé par deux choses :
1) C’est la même grille qui est appliquée aux grandes entreprises et aux PME ;
2) On oblige les projets de recherche et développement à se mouler dans le carcan d’une méthodologie unique, ce qui est antinomique à toute activité créatrice. À une époque où l’on a le souci de préserver la diversité biologique, on veut imposer l’uniformisation des approches. Bien souvent, le progrès vient d’individualités qui, se dégageant des tendances classiques, ouvrent de nouvelles voies hors des sentiers battus.
Va-t-on se priver de ces chances, sous prétexte qu’elles ne rentrent pas dans le moule ? À vouloir appliquer aux PME les lourdeurs inhérentes aux grandes entreprises, on les prive de leur atout majeur. Comment un voltigeur pourrait-il encore voltiger si on lui a plombé les ailes ?
Reconnaître une spécificité
Les crises ont ceci de bon qu’elles obligent à se pencher sur les problèmes de fond. Avec la crise actuelle, il devient impératif de revoir tous ces freins qui pénalisent les PME dans leur expansion.
La vocation d’une aide, c’est d’être utilisée
Pour répondre à ce défi, rétablir l’indispensable confiance des PME envers leur administration et libérer leur énergie, voici quelques mesures à suggérer à notre futur Président : introduire explicitement le concept de « présomption d’innocence fiscale » dans le droit administratif, afin de rappeler les inspecteurs des impôts à leur devoir de neutralité face aux entreprises contrôlées ; élaborer une « loi reconnaissant la spécificité des PME » et proposant un calendrier de révision des textes réglementaires afin d’y introduire des versions moins contraignantes adaptées à leur cas. C’est à ce prix que notre pays revitalisera l’énergie de nos PME. Les guerres se perdent à cause des généraux, elles se gagnent grâce aux fantassins. Le temps des discussions feutrées est passé. Les exhortations incantatoires ne suffisent plus. Il y a urgence. Il faut sauver le soldat PME.
Une PME toute simple, celle de Philippe VINCENT : INOVATIC SERVICES
2 Commentaires
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Le CIR devrait être réservé aux PME de moins de 100 salariés
Quand on voit de grands groupes industriels bénéficier du CIR, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un détournement d’une initiative d’intérêt général, au profit de quelques groupes plus ou moins influents…
Protéger le patrimoine intellectuel de la PME
Pour les PME, on parle souvent d’accès la commande des grands donneurs d’ordre et on appelle la puissance publique à légiférer.
Pour notre part, nous rendons hommage à cette puissance qui a rénové les Cahiers des Conditions Administratives Générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI) dont les dispositifs, bien utilisés, permettent dans le cadre d’un marché entre le pouvoir adjudicateur et un titulaire de
– déclarer les sous-traitants du titulaire au pouvoir adjudicateur
– réaliser un paiement direct aux sous-traitants
– protéger la propriété intellectuelle des sous-traitants tout en permettant au pouvoir adjudicateur une jouissance paisible des résultats de la prestation
Les grands groupes privés pourraient s’en inspirer pour rénover leurs conditions générales d’achats.
Mais surtout, il reste un travail considérable de sensibilisation et de formation.
Dans ce sentiment, nous avons mis en ligne un site pédagogique à accès libre et gracieux, intitulé « Gouvernance de la propriété intellectuelle en relation d’affaires » où nous nous invitons.