Impact de l’innovation technologique sur la croissance potentielle
Après une décennie de ralentissement, l’économie japonaise a retrouvé les chemins d’une croissance solide et stable. Si l’ensemble des réformes structurelles poursuivies au cours des années 1990 est souvent évoqué pour justifier cette évolution, l’innovation technologique reste l’un des facteurs les plus susceptibles d’expliquer cette dynamique retrouvée. L’essentiel de la croissance actuelle du Japon provient du progrès technique, en particulier de la R & D et de l’intensification du commerce technologique, lequel a été en grande partie soutenu par la politique du gouvernement japonais en la matière.
L’innovation technologique
L’innovation technologique aurait contribué à hauteur de 80 % à la croissance potentielle en 2004, devenant ainsi le principal moteur de l’économie japonaise.
Si l’investissement dans le savoir et les hautes technologies est aujourd’hui l’un des principaux objectifs des économies avancées, il demeure d’autant plus difficile d’évaluer son réel impact sur l’économie que le progrès technique est une grandeur non mesurable en tant que telle.
Dès 1950, Solow a proposé de résoudre ce problème en isolant la partie de la croissance qui ne peut être expliquée ni par le capital, ni par le travail. Ce résidu de croissance, plus précisément appelé Productivité totale des facteurs (TFP), permet d’appréhender le progrès technique, qui en est la composante essentielle.
Appliqué au Japon, ce modèle indique qu’après avoir connu un niveau très élevé dans les années 1980, la productivité totale des facteurs a subi une forte diminution au cours de la décennie suivante.
Depuis 2002, le progrès technique a retrouvé sa dynamique passée, puisqu’il a contribué à 80 % de la croissance japonaise en 2004, ainsi que le montre le graphique ci-dessous.
La Productivité totale des facteurs nous permet d’évaluer l’ampleur du progrès technique.
Caractérisée sur la période récente par une contribution négative du travail - vieillissement de la population – et une part décroissante du capital, la croissance potentielle japonaise est aujourd’hui soutenue par la hausse du « progrès technique ».
Une comparaison internationale nous montre l’importance prise par le progrès technique pour un certain nombre d’économies avancées. Les États-Unis et le Japon semblent mener cette marche vers l’innovation tandis qu’un certain ralentissement est observé dans les pays européens.
Le Japon et les États-Unis sont les principaux pays à avoir connu une hausse sensible de la productivité totale des facteurs.
L’analyse économétrique de la productivité totale des facteurs met en évidence un impact positif et significatif de facteurs tels que les équipements IT ou les dépôts de brevet, mais moindre que celui de la R & D et du commerce technologique.
Les déterminants de la productivité totale des facteurs restent difficilement identifiables. Plusieurs hypothèses peuvent cependant être envisagées pour expliquer cette évolution.
• Investissement en R & D
Le Japon a fourni un effort important depuis 1994 dans la recherche et le développement. Il occupe aujourd’hui la troisième place mondiale en termes de R & D, derrière la Suède et la Finlande.
• Équipements en technologies de l’information et des télécommunications
Bien qu’ayant connu un léger ralentissement au début de la décennie 1990, les investissements en capital de type technologie de l’information ont fortement augmenté ces dernières années.
• Commerce technologique
Le commerce technologique est en constante augmentation depuis 1993, reflétant la mutation de l’économie japonaise en puissance technologique de pointe.
L’importante part du commerce technologique reflète l’essor du secteur technologique, plus innovant et productif, et comprend une composante héritée du positionnement stratégique vis-à-vis du reste du monde et en particulier de la Chine en tant que puissance innovatrice.
En 2003, la dépense R & D aurait contribué de 0,4 point et le commerce technologique de 0,5 point à une productivité totale des facteurs de 1,3 point.
Le système de l’innovation au Japon
La politique des autorités japonaises en matière d’innovation a montré son efficacité d’un point de vue économique.
Promulguée à la fin de l’année 1995, la loi Science & Technology Basic Law reconnaissait l’importance du rôle que devaient prendre les sciences et technologies dans le développement de l’économie et de la société japonaises.
Les trois plans quinquennaux élaborés à la suite de cette loi ont mis en place de nombreuses réformes.
Nous avons évalué l’efficacité de certaines d’entre elles, dont la hausse du financement R & D, l’intensification des échanges entre le privé et les universités, l’éducation et la coopération internationale en matière de recherche.
• Financement de la R & D
Le renforcement des dépenses dans le domaine de la recherche et du développement, principalement affectées aux sciences de la vie, aux technologies de l’information, à l’environnement et aux nanotechnologies, a été l’une des premières recommandations faites par le Council for Science & Technology Policy.
La forte contribution du secteur privé – qui en réalise 70 %, principalement orienté vers la recherche appliquée et le développement – s’avère décisive puisqu’elle aurait intensifié à la fois les dépôts de brevets et la productivité totale des facteurs. Les secteurs de l’électronique et des télécommunications, ainsi que l’ingénierie mécanique et aéronautique se révèlent être les principaux secteurs ayant contribué à cette hausse.
Le système japonais s’avère notamment efficace dans le monde de l’industrie et des produits de haute technologie.
• Coopération entre le secteur privé et les universités
Constatant un manque de diffusion des savoirs du milieu universitaire vers le privé, des politiques d’intensification des échanges entre les deux secteurs ont été mises en place dans le but d’engager des recherches conjointement entre le monde académique et le monde de l’entreprise, ainsi que d’inciter les jeunes étudiants à commercialiser leurs découvertes.
Les échanges entre secteur privé et universités ont connu une sensible accélération au cours des années 1990, impliquant un nombre croissant d’entreprises.
Cette intensification a notamment consisté en de multiples incitations à créer des start-ups, en la création de pôles de recherche conjoints ou encore en la commercialisation des découvertes effectuées en université. Elle s’est révélée essentielle dans l’augmentation des dépôts de brevet, et dans une moindre mesure pour la productivité totale des facteurs.
• Éducation
En matière d’éducation, les trois plans quinquennaux S & T Basic Plan, après avoir fortement renforcé les infrastructures dans les universités, ont affirmé la nécessité de former de jeunes chercheurs moins spécialisés mais ayant une solide culture R & D, une forte mobilité, ainsi que de bonnes capacités de management.
Les programmes de type master ont ainsi connu une forte expansion, au détriment des doctorats qui font l’objet d’une légère désaffection.
Cet essor des programmes masters aurait été déterminant pour les différents domaines de l’innovation, tant pour les dépôts de brevet que pour le « progrès technique », en mettant à la disposition des entreprises un personnel qualifié capable d’intégrer efficacement les innovations au processus de production.
• Coopération internationale dans la recherche
Constatant une fermeture relative du Japon à la recherche internationale, le gouvernement japonais a poursuivi des politiques encourageant la coopération dans la recherche et la pénétration de l’innovation étrangère au Japon.
La coopération dans la publication d’articles de recherche s’est à la fois intensifiée entre institutions et avec l’international.
Cette politique de soutien aurait été également déterminante dans l’évolution du progrès technique au Japon, permettant aux Japonais d’intégrer les découvertes faites à l’étranger et de rattraper un certain retard pour devenir leader dans de nombreux domaines.
Conclusion
Les bonnes performances du Japon en matière de sciences et technologies trouvent leur explication dans un système particulièrement favorable à l’innovation, notamment du point de vue industriel. Les bases du système japonais et la poursuite des réformes sont autant d’indices qui permettent de miser sur un maintien de son efficacité dans le domaine. L’ampleur de l’innovation technologique, devenue principal moteur de l’économie, constitue un atout du Japon pour assurer une croissance saine et durable.
Prestation réalisée sous système de management de la qualité certifié AFAQ ISO 9001 dans le cadre de l’option de fin d’études de l’X en économie faite à la Mission économique du Japon, reproduit avec son autorisation.