Impact du digital sur les supply chains : l’exemple de l’industrie pharmaceutique
Le cabinet de conseil en stratégie A.T. KEARNEY assiste les directions générales des grandes entreprises internationales dans leurs problématiques de développement, d’efficacité opérationnelle, de conduite du changement et de transformation digitale. Entretien avec Adrien Tenne (07), Manager et Alexandre Schaer (97), Senior Manager chez A.T. Kearney, qui analysent pour nous l’impact du digital sur les chaînes d’approvisionnement avec l’exemple de l’industrie pharmaceutique pour laquelle l’agilité est désormais un maître mot.
Vous intervenez sur des problématiques de mutations industrielles et technologiques dans de nombreux secteurs : pourquoi ce choix de l’exemple pharmaceutique ?
Nombre des grandes entreprises internationales que nous accompagnons dans leur transformation font en effet face à cette question stratégique : comment ne pas se contenter de « digitaliser » d’anciennes façons de penser leur stratégie, mais bien être capable de repenser en profondeur sa stratégie dans un monde digital où l’agilité permanente est un facteur clé de succès majeur ? L’industrie pharmaceutique est un parfait exemple de ce type de défis sur les-quels notre cabinet intervient au quotidien : de nouvelles thérapies émergent, les modèles de traitement des patients évoluent, la complexité des réseaux s’accroît et l’importance de la responsabilité environnementale grandit : les supply chains pharmaceutiques sont-elles à la hauteur de ces nouveaux enjeux ? Comment pensent-elles le digital pour répondre à ces évolutions et au risque désormais permanent de disruption ?
Les groupes pharmaceutiques se doivent plus que jamais de concentrer toute leur attention sur le patient alors même que les demandes des nombreuses parties prenantes du secteur vont croissantes, soumettant les chaînes d’approvisionnement à des contraintes de plus en plus fortes.
Justement, quels sont les principaux défis auxquels ces entreprises pharmaceutiques font désormais face ?
Quatre challenges très concrets permettent d’illustrer l’importance de l’agilité pour ces groupes :
- Les données de suivi des traitements de chaque patient seront, à l’avenir, traitées de façon continue. Les patients utiliseront des dispositifs intelligents et des implants pour surveiller en permanence leurs prises de médicaments et leurs effets. Pour les chaînes d’approvisionnement, il faudra donc lier au processus de planification et d’exécution des commandes des données en temps réel beaucoup plus granulaires sur la demande, accroissant d’au-tant les contraintes pesant sur l’ensemble du process.
- Les évolutions actuelles de domaines thérapeutiques clés, comme l’oncologie ou la neurologie par exemple, entraînent une fragmentation accrue des relations clients-fournisseurs et complexifient des supply chains que l’ensemble des partenaires doivent désormais pouvoir gérer.
- La diversification des modèles de distribution implique logiquement de nouvelles exigences pour les chaînes d’approvisionnement : parmi les évolutions à l’œuvre, citons le passage d’un modèle de grossiste traditionnel à un modèle de grossiste unique, celui de la relation directe aux pharmacies, à l’hôpital, voire de la livraison directe aux patients. Désormais, les entreprises doivent être capables de gérer ces supply chains multicanales, jusqu’à la livraison au dernier kilomètre.
- Les exigences de service des hôpitaux, des pharmacies et des patients sont de plus en plus fortes et occasionnent des coûts logistiques. Considérons la demande de médicaments composés pour créer des traitements personnalisés : ces nouveaux médicaments devront être intégrés dans la chaîne de valeur. Il en va de même pour les vaccins multidoses, qui nécessitent la gestion de doses fractionnables et accroissent ainsi la complexité des processus d’exécution.
Toutes ces transformations se produisent dans un contexte de pression élevée sur l’ensemble des coûts. La transformation en profondeur est donc un impératif stratégique, sinon catégorique, pour l’industrie pharmaceutique traditionnelle.
Comment les entreprises peuvent-elles alors se transformer rapidement et en quoi consiste le rôle d’A.T. KEARNEY dans ces mutations ?
Pour survivre, s’adapter et prospérer, nous sommes convaincus que les chaînes d’approvisionnement pharmaceutiques doivent aller au-delà de la simple numérisation : elles doivent trouver le courage et l’audace de développer ce que nous appelons une supply chain « pivotante ». Le terme vient très prosaïquement du basket où il décrit le mouvement d’un joueur qui se repositionne pour une passe ou un tir. Si vous appliquez ce mouvement au fonctionne-ment d’un GPS, cela suggère le fait de changer de cap en cours de route, en fonction de l’évolution mesurée en temps réel du trafic, des travaux ou de la météo sur votre parcours.
Lorsque les entreprises pharmaceutiques numérisent et automatisent leurs chaînes d’approvisionnement, elles en améliorent l’efficacité, mais ces investissements ne leur permettent pas à eux seuls de s’adapter assez rapidement ni assez efficacement ; il leur faut établir un nouveau modèle et développer des plateformes qui leur permettront de « pivoter », c’est-à-dire de développer leur capacité à observer rapidement tout changement dans leur environnement et à s’adapter immédiatement en conséquence. Si le digital est un élément fondamental de ce pivot, il doit faire partie d’une stratégie plus globale d’optimisation de l’agilité dans chaque cellule de l’entreprise pour en modifier l’ADN en profondeur. Cela illustre bien l’accompagne-ment stratégique qu’A.T. Kearney peut apporter à ses clients et pourquoi le métier de consultant y demeure plus que jamais passionnant, en particulier pour des ingénieurs.