Industries nautiques : quarante ans de développement soutenu
Longtemps considérée comme un loisir de nantis, voici bientôt quarante ans que la plaisance s’ouvre à tous, offrant un visage bien loin de l’image des yachtmen du dix-neuvième siècle. Aujourd’hui, les ouvriers achètent plus de bateaux que les chefs d’entreprise, illustrant combien la démocratisation de la plaisance est accomplie. Figurant parmi les tout premiers producteurs de bateaux de plaisance au niveau mondial, l’industrie nautique française est également un important pourvoyeur d’emplois. Un secteur porté par l’innovation, la course et l’ouverture vers les marchés extérieurs.
REPÈRES
Le chiffre d’affaire de la filière nautique française (5 milliards d’euros en 2007) représente 30% de celui généré par l’aéronautique civile française. Plus de 45 000 personnes travaillent dans ce secteur. Au cours des quatre dernières années, les industries nautiques ont créé plus de dix mille emplois – mais elles font mieux que créer des emplois : elles les gardent. En effet, les emplois du nautisme ont montré, depuis trente ans, une croissance régulière, et ce, malgré les différentes crises. Le chiffre d’affaires à l’export atteint désormais 70% (74% pour les voiliers et 61% pour les bateaux à moteur).
L’industrie de la plaisance est devenue en France un secteur très dynamique. Ce phénomène a plusieurs causes : la très forte identité interne à la filière nautique, l’habileté des sociétés à gérer leurs productions entre marchés intérieurs et marchés étrangers et la capacité à commercialiser mondialement des produits innovants.
La France est n° 1 mondial pour la production de voiliers
Cette réussite perdure depuis près de quarante ans et l’on a tendance à oublier combien elle était initialement improbable. Dans les années 1950, les leaders du marché étaient britanniques et hollandais, avec des chantiers renommés issus d’une longue tradition de yachting. Lorsque la construction en plastique apparut au début des années 1960, ils l’adaptèrent aux bateaux traditionnels. Au contraire, les Français adaptèrent les bateaux aux exigences du plastique, comme ils l’avaient déjà fait dix ans plus tôt pour le contreplaqué avec le Vaurien et le Corsaire (entre autres). En 1964, la victoire de Tabarly dans la Transat créa un choc médiatique… et l’on vendit en un an 74% de petits croiseurs en plus. Tabarly continuant sur sa lancée – il fut durant vingt ans le sportif français le plus populaire – la course au grand large devint une spécialité française.
Avec la Route du Rhum et le Vendée Globe, un style unique de course-aventure se développa aux antipodes de la régate autour de bouées. Les chantiers français, profitant de leur leadership en voile, ont également su profiter de leurs acquis techniques et de leur puissance pour développer un secteur motonautique aujourd’hui très prospère. Désormais, la France est n° 1 mondial pour la production de voiliers, de pneumatiques et de matériel de glisse. Elle est n° 4 pour la production de bateaux à moteur.
Une quête permanente de l’innovation
Derrière ce succès se trouve une recherche constante de l’innovation. Il faut reconnaître que le nautisme français a toujours été curieux de solutions nouvelles, qu’il s’agisse de tester le premier bateau à moteur à explosion (1870), de faire courir le premier quillard à bulbe de lest au bout d’un aileron (1885), d’inventer le premier hors-bord (1892) ou de construire les premières coques motonautiques planantes (1906) pour n’en citer que quelques-unes… L’innovation est partie intégrante de la plaisance moderne. En 1972, le record de vitesse sur 500 m à la voile était de 26,3 noeuds, il est de 49,09 noeuds aujourd’hui (et il est français). Le record en 24 heures était alors de 340 milles, il est de 794 milles (1470 km) aujourd’hui (et également français). Depuis les « mâts ailes » en carbone jusqu’aux taquets escamotables de croiseurs, l’innovation propulse depuis toujours les industries nautiques françaises.
L’environnement, préoccupation majeure
Un label et un prix » écologiques »
La Fédération des industries nautiques (FIN) a lancé en 2005 le label Bateau bleu, qui s’applique aux bateaux et équipements respectueux de l’environnement : plus de quatre mille unités labellisées ont, depuis lors, été vendues.
Le Prix du Bateau bleu, pour sa part, est destiné à encourager la recherche et le développement sur différents axes : les économies d’énergie, la gestion de l’eau, la gestion des déchets ou l’écoconception. Ce prix et la dynamique qu’il génère encouragent les fabricants à intégrer le développement durable dès la création des produits. Enfin, la FIN s’est engagée depuis 2002 dans une réflexion sur la question du devenir des bateaux en fin de vie. L’Association APER (Association pour une plaisance écoresponsable) a ainsi été créée en janvier 2009 à Caen la Mer, afin de mettre en place, puis développer une filière organisée de déconstruction des bateaux de plaisance hors d’usage.
La première motivation des plaisanciers- quel que soit leur type de bateau – est d’être plus près de la nature : l’environnement est l’essence même du nautisme. Une étude menée par la Confédération européenne des industries nautiques a démontré qu’en Europe la totalité des activités nautiques générait moins de 1% de la pollution maritime totale et seulement 0,56% de la pollution par hydrocarbures. Les émissions devraient encore diminuer de quelque 70 % avec les moteurs de nouvelle génération déjà sur le marché. Durant les dix dernières années, les méthodes de production ont évolué en profondeur afin de réduire les rejets de produits polluants durant la construction.
Un potentiel de croissance encore élevé
Il se dit que le marché français de la plaisance est proche de la saturation – mais la France compte un bateau pour quarante-quatre habitants contre sept en Finlande. Cette disparité ne vient pas du pouvoir d’achat mais du nombre de places disponibles dans les ports. Ce n’est pas le marché qui est saturé, ce sont les ports.
Ce n’est pas le marché qui est saturé, ce sont les ports
La question du manque de place dans les ports est déterminante pour la croissance du nautisme en France. Pour y répondre, le CODCAP (Comité pour le développement des capacités d’accueil de la plaisance), dont la FIN est l’un des fondateurs, travaille sur des solutions innovantes intégrant ab initio les principes de protection de l’environnement et de la cohabitation avec les autres activités portuaires : requalification des espaces délaissés (anciens ports de pêche, militaires, de commerce) ; exploitation différente des ports existants (ports à sec, gestion dynamique des places de port). Cependant, les études préalables sont lourdes et complexes, rendant la conduite de projets particulièrement difficile. C’est dans cet esprit que le ministre Jean-Louis Borloo a lancé, fin 2008, un appel à projets visant à encourager des projets innovants d’amélioration des capacités d’accueil des ports de plaisance sous l’angle de l’intégration environnementale et du développement durable. Les lauréats se verront aider à hauteur de 30 % du coût total des études qu’ils auront engagées, ce qui devrait permettre de débloquer un certain nombre de freins et permettre à plusieurs projets de voir le jour.
Les défis de la mondialisation et de la crise économique
© Zodiac
La production de bateaux dans des pays à main d’oeuvre « bon marché » n’est pas vraiment un fait nouveau dans le nautisme : dès les années 1960, il y eut une offre de chantiers d’Europe de l’Est et de Hongkong. Ceux-ci construisaient des bateaux à bas prix, mais qui n’étaient pas ce que le marché attendait, tant en termes de produits que de commercialisation. Les choses ne sont pas différentes aujourd’hui : il existe une offre de chantiers polonais, turcs ou chinois… mais la force de la filière nautique française tient justement dans sa capacité à imaginer et à commercialiser les bons produits au bon moment. Hormis la coque, le pont et les aménagements, les chantiers sont devenus surtout des assembleurs : un bateau de plaisance moderne est très équipé, et l’équipement, dont la part dans le coût total va grandissant, est depuis longtemps originaire de tous les horizons. Par ailleurs, en s’enrichissant, les pays émergents voient leur compétitivité diminuer, mais surtout, offrent au nautisme d’immenses débouchés : la classe moyenne en Inde est déjà plus nombreuse que toute la population d’Europe. Bien sûr, ces marchés ne s’ouvriront que lorsqu’ils disposeront de l’équipement portuaire nécessaire. La FIN et ses adhérents s’y impliquent déjà, en étant présents aux salons nautiques de Shanghai et de Bombay notamment, et en développant dans cette direction leur politique d’export.
Il ne saurait être de panorama objectif de la filière et notamment de ses challenges, sans évoquer les conséquences de la crise économique actuelle, d’une ampleur inédite. Si la France semble être l’un des pays où la plaisance résiste le mieux pour l’instant, en dépit d’un probable recul significatif de l’activité, les professionnels ne disposent aujourd’hui d’aucune visibilité. La croissance soutenue de ces dernières années a permis l’assainissement des situations financières. Il convient dès à présent pour les entreprises de se mettre en ordre de marche afin de tirer le meilleur parti de la reprise attendue.
La Fédération des industries nautiques, une organisation aux multiples facettes
Forte de quelque 750 adhérents, la FIN est bien plus qu’une simple organisation professionnelle. Issue en 1964 du Salon nautique de Paris, elle est devenue, depuis, propriétaire du Salon de Cannes et de Maritima, tout en parrainant le Grand Pavois de La Rochelle. Ainsi, elle est à la source même des manifestations commerciales les plus importantes du secteur. Sa vocation est de défendre, représenter et promouvoir les métiers de la filière nautique française, sur le territoire national et à l’étranger. Interlocuteur privilégié des pouvoirs publics au plan national, régional et européen, la FIN assiste et conseille les entreprises dans de nombreux domaines.
À l’autre bout de son spectre d’activités, elle est également devenue un référent technique : ainsi, notamment, c’est un représentant de la FIN qui préside le groupe chargé d’établir au niveau européen les normes de construction de bateaux de plaisance.