Information et productivité : un nouveau regard
On a coutume de dire que nous sommes entrés dans la société de l’information.
Si cette affirmation apparaît souvent comme un lieu commun, c’est parce que l’on n’y distingue pas l’information opérationnelle utilisée par les entreprises d’un bruit de fond latent, généré par les médias par exemple.
Au commencement était le Verbe.
(Jean, I,1)
D’abord, il y a de l’information.
Tout produit ou service d’un marché existe dans l’entreprise sous forme d’information avant d’exister sous sa forme physique ou finale. Cette assertion s’étend aussi aux processus qui ont permis la mise sur le marché de ce produit ou service. Dans la suite de cet article, nous désignerons par le mot « objet économique », ou simplement « objet », un produit, un service ou un processus.
De cette information, qui existe avant l’objet lui-même, nous dirons qu’elle est primordiale à l’objet, au sens étymologique du terme, pour bien signifier qu’elle apparaît avant lui.
L’information est primordiale
Reconnaître que l’information est primordiale, c’est constater que tout objet économique (au sens indiqué plus haut) est structuré par un ensemble d’informations qui préexistent. Ces informations sont intrinsèques à l’objet. Elles le définissent totalement, et ce d’une façon pérenne, en tout cas évoluant lentement au cours du temps.
Tout objet économique possède donc un ensemble d’informations, primordiales et intrinsèques, qui le définit et le structure totalement.
L’idée vient alors que, si l’on sait révéler (au sens photographique du terme) et décrire cette structure informationnelle sous-jacente de l’objet, il doit être possible de raisonner et de travailler sur celui-ci, même avant qu’il existe réellement.
Pour révéler ces informations, il faut les trouver. Or, elles sont à portée de main. Ces informations sont dans l’entreprise, plus précisément dans des documents. Ces documents peuvent être des notes, des bordereaux, des données sur ordinateur, etc. L’important ici est de remarquer qu’une activité économique d’une certaine ampleur ne peut pas fonctionner si les choses ne sont pas écrites. Notre expérience de consultants nous a permis de qualifier ce point : toute l’information structurante définissant un objet se trouve dans des documents de l’entreprise.
Ceci a une conséquence opératoire forte : il n’y a nul besoin d’interviewer des dizaines de personnes pour trouver cette information. Il suffit de collecter les documents de l’activité étudiée. La redondance des informations sur les différents documents fait que quelques dizaines de documents suffisent à localiser l’information recherchée.
Décrire la structure informationnelle
Une fois que cette information est localisée, il faut la décrire.
Nous posons que l’information structurante doit être présentée sous forme d’agrégats. Ce concept est fort, car il permet de se focaliser sur ce qui est commun, générique, dans l’objet étudié. De plus, nous nous focalisons aussi sur le pourquoi de l’information (son rôle) et non sur le comment de son utilisation. Ce sont ces deux angles d’approche qui permettent d’aboutir à une description intrinsèque et pérenne.
La structure informationnelle intrinsèque de l’objet étudié est décrite alors avec un formalisme précis, qui aboutit à une forme canonique. Cette forme canonique permet de conduire des raisonnements qualitatifs et quantitatifs sur l’information : on peut en effet la mesurer et la comparer à un référentiel.
La mesure de l’information
Les mesures que nous utilisons sont issues de la théorie de l’information du mathématicien Claude Shannon. Elles sont normalisées à l’AFNOR sous la référence Z61-000/16.03. Parmi ces mesures, nous en avons retenu deux : la quantité d’information et la complexité.
Ces mesures ne sont pas d’origines financières ou comptables. Cependant, nous avons observé qu’elles sont corrélées au chiffre d’affaires et au coût d’exploitation de l’activité concernée par l’objet étudié.
Cette constatation, surprenante a priori, n’est qu’une résultante logique du postulat de base de nos travaux : tout est information.
Lorsque l’on dispose à la fois de la forme canonique de la structure informationnelle de l’objet et des mesures de complexité et de quantité d’information, on peut travailler dans au moins deux registres différents.
L’économie et l’information
L’étude qualitative et quantitative permet d’obtenir des diagnostics sur l’objet, des recommandations d’évolution, d’organisation, etc.
Ce qui différencie ces résultats de ceux obtenus par des démarches plus classiques est lié à l’approche utilisée. En effet, l’étude est faite principalement sur documents, sans interviews, et avec une sollicitation minimale des clients. Ceci évite de perturber leur travail et permet de gagner du temps, mais amène aussi deux points originaux.
D’abord, les résultats obtenus sont objectifs, car ils sont issus du « dur », à savoir la matière quotidienne sur laquelle les clients travaillent. Ceci renforce leur légitimité et favorise leur acceptation.
De façon plus fondamentale, cette approche apporte à l’utilisateur un regard nouveau sur son activité, en lui montrant ce que signifie penser l’information avant la matière. Ceci est porteur d’une grande créativité chez les clients, et nous a permis souvent de découvrir en commun des gisements de nouveaux services autour de produits traditionnels ou banalisés.
Les systèmes d’information
Le deuxième registre d’utilisation concerne l’automatisation des systèmes d’information, autrement dit les logiciels.
La révélation de la structure informationnelle sous-jacente et les mesures d’information associées permettent un juste dimensionnement des logiciels servant l’activité étudiée.
En effet, il est alors possible de montrer un système informatique dont l’architecture sera en harmonie avec la structure informationnelle intrinsèque. Il y aura ainsi une économie de fonctions. Les mesures d’information permettront de calculer un ROI (retour sur informatisation) et de n’informatiser que ce qui est utile. De gros projets informatiques pourront ainsi être réduits à ce qui est rentable. Il est fréquent d’obtenir un gain d’un facteur trois (en coûts et en délais) sur les phases d’analyse.
Conclusion
La focalisation sur l’information au cœur de l’activité permet de déceler des gisements de rentabilité. Ces gisements se trouvent dans l’identification et l’élimination de ce qui n’est pas rentable (trop complexe, ou sans valeur ajoutée pour le client), le développement de potentialités latentes, ou un juste dimensionnement des systèmes informatiques. Ils permettent à l’entreprise de gagner en coûts, en délais, en réactivité et en créativité.
C’est un nouveau regard, riche en potentialités, qui est ainsi proposé sur l’activité. Il permettra à l’entreprise de se développer dans cette société de l’information dans laquelle la formidable avancée des technologies de l’information nous a fait entrer.