Ingénieure au XXIe siècle, une réalité contrastée
La population masculine reste majoritaire dans les métiers d’ingénieurs, mais l’état d’esprit change. Les entreprises cherchent désormais à rendre leurs équipes mixtes, les études de performances s’accordent pour montrer que la diversité femme-homme est un facteur de performance et de rentabilité et qu’elle favorise l’innovation.
Face à des chiffres qui montrent que la population masculine reste majoritaire dans les métiers d’ingénieurs, il est important de rester mobilisés pour changer cette réalité.
REPÈRES
Il y a aujourd’hui plus d’un siècle que les écoles d’ingénieurs se sont ouvertes aux filles1, tandis que, depuis 1924, les programmes des études secondaires sont identiques pour les filles et les garçons. Dès lors, on pourrait croire qu’il n’est plus utile de se mobiliser pour favoriser la parité parmi les ingénieurs.
Pourtant, les chiffres nous ramènent brutalement à la réalité : seuls 28 % des élèves ingénieurs sont des filles, ce qui ne représente que 3 points de plus qu’il y a 10 ans ; 22 % des ingénieurs sont des ingénieures2.
Ces chiffres cachent de grandes disparités : si les étudiantes sont à parité dans les spécialités de la biologie, de la chimie et de l’agronomie, les ingénieures sont moins de 15 % dans certains secteurs tels que l’informatique, l’électronique, la fabrication d’équipements et de matériel de transport.
Des métiers pour les filles
Le diplôme d’ingénieur permet d’accéder à des métiers variés, dans des secteurs d’activité eux-mêmes très divers, où les femmes réussissent. Les ingénieurs et ingénieures sont massivement satisfaits de leur travail, en particulier de son contenu, de l’autonomie dont ils et elles disposent, de la reconnaissance de leur travail par leurs pairs, des relations interpersonnelles au travail, et enfin de la sécurité de l’emploi.
Le taux de demandeuses d’emploi, hors recherche du premier emploi, n’est que de 3,5 %2, trois fois moins que le taux de chômage des femmes dans l’ensemble de la population3.
DÉPASSER LES STÉRÉOTYPES
Depuis une petite dizaine d’années, l’association Femmes Ingénieurs a pu mesurer la prise de conscience des entreprises, qui cherchent désormais très activement à rendre leurs équipes mixtes et à recruter des ingénieures. Cela contraste avec les stéréotypes qui perdurent chez les lycéennes.
Face à cette situation, la responsabilité de chacun et chacune est engagée. Femmes Ingénieurs, qui réalise déjà une intervention par jour dans les établissements scolaires, a besoin de toujours plus de relais pour qu’aucune jeune fille dans notre pays ne manque la chance de comprendre notre réalité d’ingénieure et de s’y projeter.
Performance et innovation
Toutes les études de performances économiques et financières s’accordent pour montrer que la diversité femme-homme à tous les niveaux de l’entreprise, et en particulier dans les instances dirigeantes, est un facteur de performance et de rentabilité4.
VALORISER LES INGÉNIEURES
Membre de la Fédération des Femmes Administrateurs, l’association Femmes Ingénieurs se mobilise pour valoriser les ingénieures auprès des entreprises, et les aider à mettre leur profil en valeur pour postuler.
Leur formation scientifique et leur expérience de la gestion de projet leur donnent des compétences utiles à l’entreprise et à l’efficacité du conseil d’administration, outre leur aptitude à prendre en compte les enjeux de la responsabilité sociale de l’entreprise et de l’actionnariat.
Dans une étude récente, le groupe Sodexo5 a montré que les équipes managériales situées dans une fourchette comprise entre 40 % et 60 % d’hommes et de femmes obtiennent en moyenne de meilleurs résultats, plus durables et prévisibles.
La diversité femme-homme au sein des équipes favorise également l’innovation. Cet effet a été étudié à diverses reprises par des groupes de travail au sein du Cercle InterElles, réseau de femmes d’entreprises technologiques6.
50 % de la population mondiale est constituée de femmes ; les besoins de ces clientes doivent être compris et pris en compte. Or, les équipes de recherche et développement, souvent masculines, peinent à analyser les composantes de la dimension femme-homme de leur clientèle et à surmonter le biais des stéréotypes dont elles sont porteuses.
L’ingénieur de demain, en charge des innovations de l’avenir, inventeur de nouvelles technologies et de nouveaux métiers, pourrait donc bien être une ingénieure.
Féminiser les conseils d’administration
Des études ont comparé les indicateurs financiers de sociétés ayant des femmes dans leur conseil d’administration à celles qui n’en font pas siéger. Les premières ont de meilleures performances, liées à une démarche globale de bonne gouvernance7.
Par ailleurs, la loi impose l’obligation de respecter un quota de membres de chaque sexe au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance des entreprises8.
Pour toutes ces raisons, choisissons le verre à moitié plein et réjouissons-nous des perspectives d’épanouissement et de développement qui s’offrent aux ingénieures et aux administratrices de demain, et de la complémentarité de la collaboration entre femmes et hommes, dans le respect de chacune et chacun, pour le plus grand bénéfice de nos entreprises, de notre économie et in fine de notre société.
UN ENJEU D’AVENIR
Lors du dernier colloque du Cercle InterElles, Jean-Michel Malbrancq, président et CEO Europe de GE Healthcare, indiquait :
« Nous évoluons dans des environnements très complexes avec des signaux de plus en plus difficiles à capter. Je suis convaincu qu’une équipe diverse est plus apte à saisir des indicateurs de changements importants qu’une équipe issue d’un même moule […]. La mixité est un enjeu d’avenir. »
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1. Parmi les premières, l’Institut de chimie de Toulouse en 1908, l’École supérieure d’électricité en 1919 et l’École polytechnique féminine créée en 1924. Les écoles d’ingénieurs militaires se féminisent les dernières, à la fin du XXe siècle : l’École de l’air en 1978, Saint-Cyr-Coëtquidan en 1983 et l’École navale en 1993.
2. Chiffres issus des enquêtes IESF 2014 et 2015, traitement des statistiques sexuées par Femmes Ingénieurs.
3. 9,8 % pour l’ensemble des femmes françaises (source : Insee 2014).
4. Lire, entre autres, les études annuelles Women Matter de McKinsey.
5. Le groupe a analysé des données recueillies auprès de 50 000 managers Sodexo de 80 pays, des cadres dirigeants aux responsables de site.
6. Voir les actes du colloque 2013 : « Les bénéfices sont multiples. De nos recherches, il ressort que les équipes mixtes sont à la fois plus inventives et plus sûres. Leurs performances globales sont donc meilleures », indique Laurence Thomazeau (Air Liquide).
7. + 42 % de chiffre d’affaires, + 66 % de rentabilité des capitaux investis, + 53 % de rentabilité financière (Catalyst, 2007) // + 4 points de rentabilité financière, endettement plus faible, plus grande confiance du marché (Crédit Suisse, 2012) // + 47% de rentabilité financière, + 55 % de résultat d’exploitation (McKinsey, 2013). Source : IAE de Poitiers Laboratoire CE RE GE.
8. Les sociétés du CAC 40 affichent aujourd’hui en moyenne 20,6 % de femmes dans leur conseil d’administration, pour un ratio de 20 % fixé en 2014. La loi fixe pour objectif un quota de 40 % à l’horizon 2017.