Prévenir les anomalies cardiaques pour une meilleure prise en charge des patients
Avec sa technologie innovante, inHEART révolutionne la prise en charge des arythmies cardiaques. Aujourd’hui, la start-up ambitionne d’aller encore plus loin en développant des solutions innovantes pour la prévention et le screening de la mort subite et des AVC cardio-emboliques. Le point avec Jean-Marc Peyrat, cofondateur et CTO d’inHEART.
inHEART est née de la mise en commun des expertises des cofondateurs : un cardiologue, un radiologue et deux chercheurs de l’INRIA. Dites-nous en plus.
Au départ, inHEART est le fruit de la collaboration atypique entre un cardiologue, le professeur Pierre Jaïs, et un radiologue, le professeur Hubert Cochet, du CHU de Bordeaux, car il est très rare, dans le monde de la médecine que deux professeurs spécialisés dans des disciplines différentes nouent une collaboration si étroite. Ensemble, ils ont exploré comment l’imagerie pouvait contribuer à mieux comprendre les problèmes d’arythmie cardiaque. À partir de ce projet de recherche fondamentale, ils ont mis en évidence que l’imagerie pouvait être utilisée en amont mais aussi pendant des interventions pratiquées en cas d’arythmie. Il s’agit essentiellement d’interventions dites d’ablation par cathéter dans le cadre desquelles un cathéter est inséré à l’intérieur des vaisseaux pour arriver jusqu’à l’intérieur du cœur et prendre des mesures électriques pour identifier les zones d’activités anormales et, in fine, brûler du tissu cardiaque pour corriger ces problèmes électriques.
Grâce à l’imagerie, il est, en effet, possible d’identifier les zones à cibler sans avoir à mener cette phase exploratoire au début de l’intervention.
Pierre Jaïs et Hubert Cochet ont cherché à transformer ces images de scanner ou d’IRM acquises en coupe 2D en un modèle 3D. Pour ce faire, ils se sont rapprochés de Maxime Sermesant, qui a rejoint ainsi l’équipe fondatrice de médecins, et qui est un chercheur de l’INRIA connu pour son expertise en IA et modélisation d’organes, notamment du cœur. Ensemble, ils ont travaillé sur le développement d’outils pour faciliter l’extraction d’information des images et la représentation en 3D de ces informations afin qu’elles soient plus facilement interprétables par les cardiologues et utilisables pendant l’intervention. À cette époque, je venais de finir ma thèse en imagerie médicale en collaboration avec Siemens sur l’imagerie cardiaque à l’INRIA avec Maxime. Plus tard, après que la technologie ait gagné en maturité, Maxime a repris contact avec moi au début de mon MBA à HEC Paris pour rejoindre l’aventure entrepreneuriale et lancer la startup tous ensemble en 2017.
La technologie avait commencé à être utilisée en interne par le CHU de Bordeaux et d’autres centres dans le monde, notamment en Europe et aux États-Unis, avant la création de la start-up. C’est cet intérêt pour l’utilisation croissante de notre technologie au bénéfice du patient qui a poussé les cofondateurs à créer inHEART afin de rendre cette technologie accessible dans la routine clinique. Aujourd’hui, inHEART emploie une trentaine de personnes. Notre technologie est commercialisée principalement en Europe et aux États-Unis, où elle est utilisée par plus de 140 centres. Nous avons le marquage CE et FDA. À date, plus de 5 000 personnes ont bénéficié de notre technologie.
Enfin, inHEART est un spin-off de l’IHU Liryc à Pessac, l’IHU spécialisé dans les arythmies cardiaques, et qui est, d’ailleurs, un leader sur ce sujet à une échelle internationale.
Vous vous présentez entre autres comme « le Google Maps des interventions cardiaques ». Qu’est-ce que ce positionnement implique ?
Concrètement, nous développons un jumeau numérique, c’est-à-dire une cartographie en 3D du cœur du patient, qui va fournir des informations sur l’anatomie et les anomalies du cœur du patient… Cette copie digitale du cœur va ainsi permettre de guider les instruments du cardiologue vers les cibles préalablement identifiées. C’est, en quelque sorte, le même principe que « Google Maps », nous aidons le chirurgien à identifier les zones d’intérêts et à optimiser leur accès.
En parallèle, au cours des 20 dernières années, l’imagerie cardiaque a considérablement évolué et offre une résolution d’images qui permet d’avoir une meilleure précision de la description des anomalies structurelles du muscle cardiaque qui sont à l’origine d’anomalies électriques. En capitalisant sur les technologies digitales et la puissance de l’IA, au travers du jumeau numérique, nous sommes en mesure d’extraire les informations relatives à ces anomalies structurelles du muscle cardiaque, de les identifier et de les visualiser en 3D de manière simple pour que le cardiologue puisse les interpréter et les utiliser pendant l’intervention.
inHEART a véritablement révolutionné le domaine de l’ablation par cathéter en développant ces nouvelles techniques qui sont depuis utilisées au quotidien par les cardiologues. Aujourd’hui, l’idée est d’aller encore plus loin et d’avoir non plus uniquement un jumeau numérique anatomique du patient grâce à l’imagerie, mais un jumeau numérique électro-anatomique grâce aux électrocardiogrammes et les simulations électrophysiologiques du cœur.
Pourquoi votre approche technologique est-elle particulièrement pertinente ?
Les cofondateurs ont réussi à transformer un acte de diagnostic réalisé pendant une intervention en une étape préopératoire qui va s’appuyer sur notre jumeau numérique du cœur afin de déterminer les zones qui doivent être traitées. Ainsi des interventions qui duraient auparavant 5 heures sont aujourd’hui menées en 2 heures, avec un taux de réussite qui passe de 60 à 75 %.
Notre technologie contribue véritablement à simplifier ces interventions et à en démocratiser l’accès au plus grand nombre de patients, alors qu’il n’y a pas suffisamment de médecins spécialistes pour les traiter en amont avant que leur état de santé ne se dégrade. Ces interventions arrivent donc souvent en bout de parcours de soin après notamment l’implantation d’un défibrillateur. Nous pensons que notre technologie permettra non seulement de mieux identifier les patients à risque et mais aussi de démocratiser des interventions jusque-là complexes. On imagine même que ces interventions maintenant plus efficaces pourront venir plus tôt dans le parcours de soin du patient et peut être avant même l’implantation de défibrillateurs qui finalement ne sont qu’un filet de sécurité et ne traitent pas la cause du problème.
Alors que votre technologie est déjà commercialisée en Europe et aux États-Unis, comment vous projetez-vous ?
Le premier enjeu est d’accélérer notre développement commercial. En parallèle, nous nous inscrivons aussi dans une démarche continue d’amélioration et d’innovation pour faire évoluer notre produit qui se concentre actuellement sur les interventions d’ablation par cathéter. Aujourd’hui, nous complétons d’ores et déjà la dimension anatomique avec le volet électrique pour mieux accompagner le cardiologue sur les procédures d’ablation par cathéter.
Demain, notre objectif est d’intervenir plus tôt dans le parcours de soin du patient. L’idée n’est donc plus seulement d’identifier les anomalies à l’origine des arythmies pour déterminer les zones à opérer, mais de faire de la prévention, pour mieux prendre en charge les patients symptomatiques, et du screening pour identifier les patients asymptomatiques, afin de faire de la détection précoce en analysant, par exemple, toute l’imagerie d’un établissement ou d’un hôpital afin d’identifier les patients qui ont une anomalie structurelle et prévoir ainsi des analyses complémentaires et déterminer si une prise en charge est nécessaire.
En outre, nous avons bien évidemment un enjeu de financement pour accélérer notre développement commercial et lancer les projets de R&D relatifs à ce volet diagnostic et prévention au service d’une meilleure prise en charge du patient. Cette transition de la thérapie vers la prévention est en parfaite cohérence avec la politique de la France en matière de santé. Nous avons ainsi deux projets qui sont financés dans le cadre de France 2030 : le projet MEDITWIN en collaboration avec Dassault Systèmes et l’IHU Liryc pour le développement d’un jumeau numérique du cœur du patient pour la prévention de mort subite et le projet TALENT en collaboration avec l’IHU Liryc, l’INRIA, Cardiologs et Incepto pour travailler sur le screening et la prévention des AVC cardio-emboliques. Ce sont des projets sur 5 ans qui impliquent de la recherche, du développement technologique et de la validation clinique de la technologie en vue d’une mise sur le marché. Enfin, nous avons aussi intégré le programme accélérateur sur la prévention en santé numérique de Bpifrance développé en partenariat avec PariSanté Campus..