Inn’Pulse, un défibrillateur de poche pour sauver des vies

Inn’Pulse, un défibrillateur de poche pour sauver des vies

Dossier : TrajectoiresMagazine N°797 Septembre 2024
Par Hervé KABLA (X84)

En 2023, Guillaume Pétriat (X99) a cofon­dé Inn’Pulse, qui déve­loppe un dis­po­si­tif de défi­bril­la­tion minia­tu­ri­sé se logeant dans une poche, asso­cié à un smart­phone, pour que cha­cun puisse deve­nir acteur et non plus seule­ment spec­ta­teur lorsqu’il est témoin d’un arrêt cardiaque.


https://www.inn-pulse.com/


Quelle est l’activité de Inn’Pulse ?

Inn’Pulse a l’ambition de révo­lu­tion­ner la lutte contre les 50 000 arrêts car­diaques qui se pro­duisent chaque année en France, dont 80 % à domi­cile, car actuel­le­ment 5 % seule­ment des per­sonnes sont sau­vées. Nous conce­vons un mini­dé­fi­bril­la­teur de poche, qui équi­pe­ra les témoins d’arrêt car­diaque et leur per­met­tra d’être immé­dia­te­ment des sauveteurs.

Quel est le parcours des fondateurs ?

Nous sommes trois cofon­da­teurs : Pierre-Hen­ri Cadet, ingé­nieur en sciences appli­quées retrai­té, ancien cadre de Bos­ton Scien­ti­fic et inven­teur du concept. Thier­ry Tibi, car­dio­logue spé­cia­li­sé en ryth­mo­lo­gie à la Fon­da­tion Roth­schild de Paris, qui a ren­con­tré Pierre-Hen­ri lorsqu’il tra­vaillait à Cannes. Pour ma part, issu de la pro­mo 1999, j’ai une expé­rience essen­tiel­le­ment indus­trielle, dans la construc­tion d’usines de trai­te­ment d’eau chez Suez et dans la concep­tion de robots pour l’industrie lai­tière ; j’ai récem­ment diri­gé les opé­ra­tions chez Sim­plon, un réseau d’écoles aux métiers du numé­rique, pen­dant trois ans. Je suis par ailleurs secou­riste béné­vole à la Pro­tec­tion civile Paris Seine depuis quinze ans. J’ai ren­con­tré Pierre-Hen­ri et Thier­ry à Paris en 2022 et j’ai eu un coup de cœur pour leur pro­jet, qu’ils n’arrivaient pas à faire avan­cer jusqu’alors. Nous étions par­fai­te­ment com­plé­men­taires et nos per­son­na­li­tés com­pa­tibles ; je me suis donc lan­cé dans l’entrepreneuriat.

Comment t’est venue l’idée ?

L’idée est venue à mon cofon­da­teur en obser­vant, impuis­sant, la trop lente inter­vention des secours auprès d’une jeune femme en arrêt car­diaque dans un théâtre. Ayant com­mer­cia­li­sé des défi­bril­la­teurs sous-cuta­nés (donc minia­tures… mais très chers) pen­dant sa car­rière, il s’est convain­cu que la miniaturi­sation des défi­bril­la­teurs externes était pos­sible et pour­rait per­mettre d’accélérer considérable­ment leur uti­li­sa­tion dès que nécessaire.

“Accélérer considérablement l’utilisation des défibrillateurs dès que nécessaire.”

Qui sont les concurrents ?

Les prin­ci­paux fabri­cants actuels de défi­brillateurs externes sur le ter­ri­toire fran­çais sont Phi­lips, Schil­ler, Zoll, Defib­tech et LifeAZ. Avec une men­tion par­ti­cu­lière pour LifeAZ, une start-up nor­mande qui ouvre de manière inté­res­sante le mar­ché des défi­bril­la­teurs externes des­ti­nés aux par­ti­cu­liers. Nous envi­sa­geons notre modèle en com­plé­ment de celui de ces entre­prises, puisque nos défi­brillateurs ne rem­pla­ce­ront pas les défi­brillateurs externes actuels, plus gros et plus chers que les nôtres. Nous vou­lons en révo­lu­tion­ner l’usage afin d’accroître le nombre de dis­po­si­tifs ain­si que le maillage du ter­ri­toire, pour les rap­pro­cher des futures vic­times d’arrêt cardiaque.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?

Nous avons créé Inn’Pulse début 2023. Depuis lors, nous avons réuni un comi­té scien­ti­fique de grande qua­li­té, com­po­sé de car­dio­logues ryth­mo­logues, d’urgentiste et d’un pro­fes­seur en élec­tro­nique. Nous avons noué des par­te­na­riats avec le CNRS à Nan­cy, avec l’Inria à Sophia-Anti­po­lis, et nous avons rejoint le pro­gramme d’incubation X‑UP Create au Dra­hi X‑Novation Cen­ter sur le pla­teau de l’X. Nous avons réa­li­sé un pre­mier pro­to­type en février 2024, que nous vou­lons amé­lio­rer dans le cadre de ce der­nier par­te­na­riat, qui me touche tout par­ti­cu­liè­re­ment ! Les pro­chaines étapes sont ain­si l’amélioration du pro­to­type, avant les tests cli­niques et l’obtention du mar­quage CE. Nous envi­sa­geons une pre­mière commer­cialisation début 2027.

Après un parcours dans l’industrie, tu changes complètement de cap. À quoi est-ce dû : crise de la quarantaine ou résurgences de convictions profondes ?

Après une pre­mière par­tie de car­rière dans l’industrie, je change effec­ti­ve­ment de cap. L’entrepreneuriat libère mon éner­gie et mon emploi du temps, mais ajoute aus­si un stress maté­riel pour ma famille, que je n’avais pas anti­ci­pé ! Je ne regrette abso­lu­ment pas ce chan­ge­ment, car c’est la suite de mou­ve­ments que j’avais lan­cés depuis plu­sieurs années, que ce soit par mon béné­vo­lat à la Pro­tec­tion civile ou par ma recherche de davan­tage d’autonomie et d’apprentissages au fil de mes dif­fé­rents postes. J’ai 45 ans, donc c’est peut-être aus­si une réplique d’une crise de la qua­ran­taine inconsciente !

Quelles sont les conséquences directes, à la fois personnelles et professionnelles, induites par un tel changement de cap ?

Ce chan­ge­ment de cap induit, de manière évi­dente, une auto­no­mie bien plus grande dans son emploi du temps, et aus­si dans la ges­tion de ses prio­ri­tés, ses prises d’engage­ment, le choix des orien­ta­tions stra­té­giques, même si cette auto­no­mie n’est jamais abso­lue ! Le nombre de per­sonnes asso­ciées de près ou de loin au pro­jet, avec les­quelles je suis en contact direct, est plus impor­tant que dans mes mis­sions sala­riées. D’un point de vue pro­fes­sion­nel, c’est donc un che­min moins linéaire que j’emprunte et mon expé­rience pas­sée est bien plus un sou­tien qu’un frein. D’un point de vue per­son­nel, c’est un stress addi­tion­nel que j’impose à mes proches, mais aus­si une éner­gie et une moti­va­tion posi­tives. C’est d’ailleurs un fac­teur de sta­bi­li­té impor­tant, de béné­fi­cier du sou­tien de mon épouse et de mes enfants, même si cela impose des « contraintes » sup­plé­men­taires en termes de reve­nu et de disponibilité.

Comment se passe ta collaboration avec les médecins, toi qui n’es pas passé par une formation médicale classique ?

Ma col­la­bo­ra­tion avec les méde­cins, dans le cadre de mon pro­jet, est empreinte de res­pect mutuel pour des com­pé­tences qui sont com­plé­men­taires. Mon asso­cié Thier­ry, car­dio­logue ryth­mo­logue, qui m’aide heu­reuse­­ment à répondre aux ques­tions cli­niques et anime notre comi­té scien­ti­fique, res­pecte énor­mé­ment mon expé­rience de secou­riste ain­si que mes capa­ci­tés en mana­ge­ment de pro­jet. Plus lar­ge­ment, je pense même que mon pro­fil d’ingénieur non-méde­cin faci­lite la liber­té de mes échanges avec les méde­cins car­dio­logues ou urgen­tistes. En revanche, je suis bien content d’avoir mes asso­ciés comme par­te­naires pour mobi­li­ser ces réseaux de méde­cins, fon­dés sur la confiance interpersonnelle.

Quelques sociétés de Healthtech créées par des X sont apparues depuis quelques années (Cardiologs, Medadom) ; comment expliques-tu cet engouement, malgré l’absence de cursus sur des sujets véritablement de santé à l’X ?

L’engouement pour les sujets liés à la san­té n’est pas nou­veau, j’ai même eu un cama­rade de pro­mo­tion qui a sui­vi des études de méde­cine après son pas­sage à l’X ! Cela dit, les enjeux busi­ness liés au main­tien de la vie en bonne san­té d’une popu­la­tion plus nom­breuse à vivre plus long­temps sont évi­dem­ment crois­sants. Par ailleurs, d’une part nous accep­tons moins les états de fait et cher­chons à amé­lio­rer les états exis­tants qui nous paraissent inac­cep­tables : en par­ti­cu­lier sur la souf­france, la mor­ta­li­té… D’autre part, nous pou­vons être conscients de la part crois­sante de la science phy­sique, mathé­ma­tique, algo­rith­mique, dans la concep­tion des nou­velles solu­tions, ce qui nous donne une plus grande légi­ti­mi­té en tant qu’ingénieurs.

Serait-il temps de combler ce manque, et comment ?

Afin de faci­li­ter spé­ci­fi­que­ment la créa­tion de socié­té de Heal­th­tech par des X à l’avenir, je pense per­ti­nent d’accentuer deux élé­ments, en plus des modules liés à l’entrepreneuriat qui existent pro­ba­ble­ment déjà. D’une part l’acculturation aux pro­blé­ma­tiques liées à la san­té, par une proxi­mi­té plus proche avec les hôpi­taux (par exemple le futur hôpi­tal de Saclay), et aux inno­va­tions en san­té (par exemple via le mou­ve­ment de la French Care ou le Digi­tal Medi­cal Hub). D’autre part une meilleure connais­sance des contraintes et pos­si­bi­li­tés spé­ci­fiques de l’entrepreneuriat dans la san­té, dans le domaine régle­men­taire (les essais cli­niques…) et l’accès au mar­ché (le remboursement…).

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