Inn’Pulse, un défibrillateur de poche pour sauver des vies
En 2023, Guillaume Pétriat (X99) a cofondé Inn’Pulse, qui développe un dispositif de défibrillation miniaturisé se logeant dans une poche, associé à un smartphone, pour que chacun puisse devenir acteur et non plus seulement spectateur lorsqu’il est témoin d’un arrêt cardiaque.
Quelle est l’activité de Inn’Pulse ?
Inn’Pulse a l’ambition de révolutionner la lutte contre les 50 000 arrêts cardiaques qui se produisent chaque année en France, dont 80 % à domicile, car actuellement 5 % seulement des personnes sont sauvées. Nous concevons un minidéfibrillateur de poche, qui équipera les témoins d’arrêt cardiaque et leur permettra d’être immédiatement des sauveteurs.
Quel est le parcours des fondateurs ?
Nous sommes trois cofondateurs : Pierre-Henri Cadet, ingénieur en sciences appliquées retraité, ancien cadre de Boston Scientific et inventeur du concept. Thierry Tibi, cardiologue spécialisé en rythmologie à la Fondation Rothschild de Paris, qui a rencontré Pierre-Henri lorsqu’il travaillait à Cannes. Pour ma part, issu de la promo 1999, j’ai une expérience essentiellement industrielle, dans la construction d’usines de traitement d’eau chez Suez et dans la conception de robots pour l’industrie laitière ; j’ai récemment dirigé les opérations chez Simplon, un réseau d’écoles aux métiers du numérique, pendant trois ans. Je suis par ailleurs secouriste bénévole à la Protection civile Paris Seine depuis quinze ans. J’ai rencontré Pierre-Henri et Thierry à Paris en 2022 et j’ai eu un coup de cœur pour leur projet, qu’ils n’arrivaient pas à faire avancer jusqu’alors. Nous étions parfaitement complémentaires et nos personnalités compatibles ; je me suis donc lancé dans l’entrepreneuriat.
Comment t’est venue l’idée ?
L’idée est venue à mon cofondateur en observant, impuissant, la trop lente intervention des secours auprès d’une jeune femme en arrêt cardiaque dans un théâtre. Ayant commercialisé des défibrillateurs sous-cutanés (donc miniatures… mais très chers) pendant sa carrière, il s’est convaincu que la miniaturisation des défibrillateurs externes était possible et pourrait permettre d’accélérer considérablement leur utilisation dès que nécessaire.
“Accélérer considérablement l’utilisation des défibrillateurs dès que nécessaire.”
Qui sont les concurrents ?
Les principaux fabricants actuels de défibrillateurs externes sur le territoire français sont Philips, Schiller, Zoll, Defibtech et LifeAZ. Avec une mention particulière pour LifeAZ, une start-up normande qui ouvre de manière intéressante le marché des défibrillateurs externes destinés aux particuliers. Nous envisageons notre modèle en complément de celui de ces entreprises, puisque nos défibrillateurs ne remplaceront pas les défibrillateurs externes actuels, plus gros et plus chers que les nôtres. Nous voulons en révolutionner l’usage afin d’accroître le nombre de dispositifs ainsi que le maillage du territoire, pour les rapprocher des futures victimes d’arrêt cardiaque.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Nous avons créé Inn’Pulse début 2023. Depuis lors, nous avons réuni un comité scientifique de grande qualité, composé de cardiologues rythmologues, d’urgentiste et d’un professeur en électronique. Nous avons noué des partenariats avec le CNRS à Nancy, avec l’Inria à Sophia-Antipolis, et nous avons rejoint le programme d’incubation X‑UP Create au Drahi X‑Novation Center sur le plateau de l’X. Nous avons réalisé un premier prototype en février 2024, que nous voulons améliorer dans le cadre de ce dernier partenariat, qui me touche tout particulièrement ! Les prochaines étapes sont ainsi l’amélioration du prototype, avant les tests cliniques et l’obtention du marquage CE. Nous envisageons une première commercialisation début 2027.
Après un parcours dans l’industrie, tu changes complètement de cap. À quoi est-ce dû : crise de la quarantaine ou résurgences de convictions profondes ?
Après une première partie de carrière dans l’industrie, je change effectivement de cap. L’entrepreneuriat libère mon énergie et mon emploi du temps, mais ajoute aussi un stress matériel pour ma famille, que je n’avais pas anticipé ! Je ne regrette absolument pas ce changement, car c’est la suite de mouvements que j’avais lancés depuis plusieurs années, que ce soit par mon bénévolat à la Protection civile ou par ma recherche de davantage d’autonomie et d’apprentissages au fil de mes différents postes. J’ai 45 ans, donc c’est peut-être aussi une réplique d’une crise de la quarantaine inconsciente !
Quelles sont les conséquences directes, à la fois personnelles et professionnelles, induites par un tel changement de cap ?
Ce changement de cap induit, de manière évidente, une autonomie bien plus grande dans son emploi du temps, et aussi dans la gestion de ses priorités, ses prises d’engagement, le choix des orientations stratégiques, même si cette autonomie n’est jamais absolue ! Le nombre de personnes associées de près ou de loin au projet, avec lesquelles je suis en contact direct, est plus important que dans mes missions salariées. D’un point de vue professionnel, c’est donc un chemin moins linéaire que j’emprunte et mon expérience passée est bien plus un soutien qu’un frein. D’un point de vue personnel, c’est un stress additionnel que j’impose à mes proches, mais aussi une énergie et une motivation positives. C’est d’ailleurs un facteur de stabilité important, de bénéficier du soutien de mon épouse et de mes enfants, même si cela impose des « contraintes » supplémentaires en termes de revenu et de disponibilité.
Comment se passe ta collaboration avec les médecins, toi qui n’es pas passé par une formation médicale classique ?
Ma collaboration avec les médecins, dans le cadre de mon projet, est empreinte de respect mutuel pour des compétences qui sont complémentaires. Mon associé Thierry, cardiologue rythmologue, qui m’aide heureusement à répondre aux questions cliniques et anime notre comité scientifique, respecte énormément mon expérience de secouriste ainsi que mes capacités en management de projet. Plus largement, je pense même que mon profil d’ingénieur non-médecin facilite la liberté de mes échanges avec les médecins cardiologues ou urgentistes. En revanche, je suis bien content d’avoir mes associés comme partenaires pour mobiliser ces réseaux de médecins, fondés sur la confiance interpersonnelle.
Quelques sociétés de Healthtech créées par des X sont apparues depuis quelques années (Cardiologs, Medadom) ; comment expliques-tu cet engouement, malgré l’absence de cursus sur des sujets véritablement de santé à l’X ?
L’engouement pour les sujets liés à la santé n’est pas nouveau, j’ai même eu un camarade de promotion qui a suivi des études de médecine après son passage à l’X ! Cela dit, les enjeux business liés au maintien de la vie en bonne santé d’une population plus nombreuse à vivre plus longtemps sont évidemment croissants. Par ailleurs, d’une part nous acceptons moins les états de fait et cherchons à améliorer les états existants qui nous paraissent inacceptables : en particulier sur la souffrance, la mortalité… D’autre part, nous pouvons être conscients de la part croissante de la science physique, mathématique, algorithmique, dans la conception des nouvelles solutions, ce qui nous donne une plus grande légitimité en tant qu’ingénieurs.
Serait-il temps de combler ce manque, et comment ?
Afin de faciliter spécifiquement la création de société de Healthtech par des X à l’avenir, je pense pertinent d’accentuer deux éléments, en plus des modules liés à l’entrepreneuriat qui existent probablement déjà. D’une part l’acculturation aux problématiques liées à la santé, par une proximité plus proche avec les hôpitaux (par exemple le futur hôpital de Saclay), et aux innovations en santé (par exemple via le mouvement de la French Care ou le Digital Medical Hub). D’autre part une meilleure connaissance des contraintes et possibilités spécifiques de l’entrepreneuriat dans la santé, dans le domaine réglementaire (les essais cliniques…) et l’accès au marché (le remboursement…).