L’IA source d’innovations disruptives
Vous êtes le Président du Groupe INOVATIC. Pouvez-vous nous dire en quelques mots quelle est sa spécialité, son ADN ?
Le métier d’INOVATIC est l’extraction des données de documents semi-structurés pour alimenter en Data des logiciels financiers ou comptables, ces documents étant lisibles à l’œil mais non directement assimilables par des ordinateurs. Exemple : liasses fiscales, Comptes de Résultats, bulletins de salaires (CIR)… Notre ADN ? Le chalenge technique, la satisfaction des clients, le travail d’équipe, l’esprit de conquête. Notre devise ? C’était impossible, nous l’avons fait !
Retracez-nous les étapes marquantes de votre parcours professionnel.
Mon parcours professionnel a été dominé par une passion qui s’est poursuivie tout au long des 55 dernières années ! Une passion et une fascination : celle de créer des machines dotées de propriétés normalement attribuées au cerveau, et notamment la lecture automatique, puis la compréhension intelligente des documents les plus divers. Il y a eu un côté Homo Deus dans cette volonté sacrilège de se faire l’égal du Créateur en dotant des machines de pouvoir comparables à ceux de l’esprit humain. Tout a commencé dans une église, rue de la chaise à Paris (7e). En 1963, après mes deux années à Polytechnique, j’avais été affecté pour mon service militaire à la Direction des Recherches et Moyens d’Essais (DRME), organisme récemment créé pour une collaboration Défense-Recherche universitaire-Industrie, sous l’égide d’Hugues de l’Estoile (X51) et de Pierre Aigrain comme Directeur Scientifique.
La DRME avait été provisoirement installée dans des locaux préfabriqués à l’intérieure d’une église désaffectée… J’avais rejoint une équipe pluridisciplinaire qui, sous la direction de Jean-Louis Nicolas (X55), était chargée de la veille technologique concernant une nouvelle discipline : la Bionique.
« Créer des machines dotées de propriétés
normalement attribuées au cerveau. »
L’idée apparue outre-Atlantique était de s’inspirer des mécanismes vivants pour créer des machines intégrant des fonctions de haut niveau. La propriété la plus remarquable des êtres vivants est leur aptitude à se situer dans leur environnement à travers leurs sens et leur capacité cérébrale à reconnaître des formes. Avec l’invention de l’écriture, l’homme change d’échelle en se créant un univers de communication où son cerveau doit reconnaître les formes qu’il a lui-même créées : la reconnaissance des caractères. Avec l’informatisation de nos sociétés, le besoin d’automatiser cette fonction s’imposait, et de fait, les premiers développements de la Bionique ont porté sur la Lecture Automatique des Documents (LAD). Frank Rosenblatt, figure tutélaire de la Bionique, inventa les réseaux de neurones, modèle supposé simuler le fonctionnement du cerveau, et longtemps pré pour la reconnaissance des caractères.
Dès mon passage à la DRME, j’ai émis des réserves concernant les travaux de Rosenblatt, considérant que son modèle de réseaux de neurones était trop simpliste pour expliquer le fonctionnement du cerveau. C’était comme de prétendre que la connaissance des transistors permettait de comprendre le fonctionnement d’un logiciel ! La structure du cerveau me semblait nécessairement plus hiérarchisée et complexe. Par la suite, je n’ai jamais changé d’avis, et me suis rapproché de l’Ecole « structuraliste » du Pr. Jean-Claude Simon (X44), suivant avec assiduité pendant les années 70 son séminaire de Paris 6.
« La structure du cerveau me semblait nécessairement
plus hiérarchisée et complexe. »
Ma technologie de reconnaissance des caractères est restée jusqu’à ce jour conforme à cette approche. En parallèle, Je travaillais chez Schlumberger (pétrole) à l’analyse de courbes géologiques (brevets de corrélation fine entre courbes géologiques… « par reconnaissance des formes »). En 1985, je lance sur le marché le premier logiciel bureautique de lecture automatique de documents (ReadStar), dans une première Société INOVATIC. La seule offre concurrente ne tournait que sur gros ordinateurs (pour l’édition de livres en Braille) et son auteur était un certain… Ray Kurzwell, actuel directeur des recherches de Google !
De 1994 à ce jour, le Groupe INOVATIC n’a cessé de développer des produits de lecture intelligente de documents, ciblés sur les besoins et opportunités du Marché. Ainsi, en 2002, nous lançons une activité où nous avons imposé notre leadership : la lecture automatique des liasses fiscales pour les banques et autres organismes financiers. Les résultats de ces lectures sont formatés selon le standard demandé par les services informatiques des banques, et alimentent automatiquement leur analyse de risques. Avec une croissance moyenne à deux chiffres depuis 2004, et des bénéfices atteignant des niveaux record de 28 % du CA, ce service bureau bilan nous permet de soutenir une politique ambitieuse de recherche et développement, conduisant à des sauts technologiques améliorant nos prestations et nos services.
Aujourd’hui, quel rôle peut jouer l’IA dans l’évolution du monde économique et industriel ?
Celui d’un formidable stimulant pour booster la productivité du monde économique, industriel et administratif, quitte à bousculer quelques vérités bien établies et autres procédés à revisiter. L’IA est le principal moteur de l’automatisation des tâches répétitives et pénibles. C’est aussi la source principale d’Innovations Disruptives qui vont chambouler les organisations et procédés en place.À un instant de l’évolution des techniques, les problèmes posés ont été résolus en prenant en compte les contraintes et croyances du moment, considérées comme vérités premières intégrées sans que nous nous en rendions compte dans l’élaboration des solutions. Il suffit qu’une innovation vienne contredire l’un des termes du raisonnement, remettant en cause ce que nous pensions acquis, pour rendre obsolète ce qui semblait si logique.
Dans votre domaine, avez-vous des exemples à nous donner ?
Dans le cadre du Crédit d’Impôt Recherche (CIR/CII), les entreprises doivent calculer les coûts salariaux des chercheurs en excluant une dizaine de charges patronales potentiellement présentes sur les bulletins de salaires, l’administration refusant de les prendre en charges car elles sont réputées facultatives. Ces calculs doivent être faits par intervention manuelle couteuse pour les entreprises et les vérificateurs du fisc, partant du principe qu’il n’est pas possible d’accéder à ces valeurs par lecture automatique : on sait bien que tout logiciel d’OCR contient toujours un risque résiduel d’erreur, non localisé donc obligeant à tout vérifier… Pour diminuer les temps de saisie, l’administration a autorisé les entreprises à éditer des états récapitulatifs annuels pour chaque chercheur, limitant les reports manuels à un récapitulatif par chercheur.
Innovation Disruptive : en 2019, nous savons en tout automatique lire les Bulletins de salaires, localiser les charges à exclure en dépit des variantes de terminologie, et créer un fichier Excel réalisant tous les calculs et permettant un contrôle visuel. L’argument de temps de calcul réduits ne tient pas face à la solution 0 calculs manuels. Sans compter que l’Inspecteur du fisc doit faire confiance à l’éditeur du récapitulatif, alors qu’un bulletin de salaire a une authenticité mieux garantie.
Notre produit InovaCIR sera disponible sur notre Portail InovaClic pour début 2020… Autre exemple disruptif : l’analyse financière à partir des liasses fiscales. La solution actuelle est de faire saisir tous les comptes annuels et les reproduire dans un fichier informatique standard lisible par un ordinateur, partant du principe qu’il n’était pas possible pour un ordinateur de lire directement et en temps réel un fichier image de liasse fiscale.
Innovation Disruptive : notre technologie de lecture automatique a atteint la capacité de reconnaitre une liasse fiscale « native » en temps réel (sans intervention humaine et garantie sans fautes) ! C’était impossible, nous l’avons fait ! Le fichier naturel d’entrée des données comptables dans les logiciels d’analyse financière devient ainsi la liasse fiscale « native ». Toutes les entreprises l’ont sur leur ordinateur. Cette innovation sera disponible sur notre portail InovaClic pour la fin de l’année, pour réaliser en temps réel des analyses financières adossées à un logiciel expert partenaire ! La liasse fiscale native devient Le fichier d’échange des données comptables entre ordinateurs ! Et en plus, on peut la regarder à l’écran, sous sa forme familière pour tout financier !
Faut-il avoir peur de l’IA ? Sera-t-elle source de chômages ?
Bonne question ! Oui, et il faut veiller à contrer les dérives possibles, qui peuvent avoir des conséquences sociales et sociétales désastreuses. En permettant d’automatiser de nombreuses tâches, l’IA va réduire le nombre d’emplois, mais dans notre monde hyper informatisé, j’ai observé que l’IA est souvent source d’applications abusives aboutissant à une déshumanisation de la société. Ainsi, les applications remplaçant les standardistes par des robots dits intelligents ne font que nous transformer en client-robot ! (voir encadré). Pour éviter de telles dérives, je propose l’idée d’un Humanisme Digital qui ferait d’une pierre deux coups :
- recycler les forces humaines libérées par l’automatisation légitime des tâches pénibles grâce à l’IA, en les réaffectant aux postes d’accueil et de contacts avec les clients (avec formation à l’appui).
Ainsi, on supprime le chômage généré par l’IA tout en corrigeant les excès pervers de l’informatique : L’IA pour réhumaniser l’informatique, éviter le Big Brother du tout digital et redonner à l’homme la maîtrise de son destin.
Quelles sont vos perspectives pour le groupe INOVATIC dans les Années qui viennent ?
Compléter la mise en place de l’équipe de Direction destinée à me succéder en prolongeant l’esprit de mes Recherches et de notre dynamisme partagé, pour leur propre épanouissement et celui du Groupe INOVATIC. À court terme, finaliser les produits actuels, amorcer l’adaptation de nos produits pour les pays voisins et proposer à l’UE un grand projet fédérateur, mais là c’est top secret…
Et pensez-vous parfois à autre chose que l’IA ?
J‘ai des passions personnelles que je cultive depuis de nombreuses années :
- la poésie,
- l’écriture de nouvelles : membre du groupe X‑Mines auteurs, plusieurs fois lauréat de leurs Concours de nouvelles,
- la philosophie est aussi ma passion
- Plus de temps passé avec mon épouse pour les voyages et la culture…
Du mauvais usage de l’IA, dialogue avec un robot :
- « tapez 1 pour avoir le service commercial, 2 pour la maintenance…, sinon dites ce que vous voulez » ;
- « Je veux vous dire mon mécontentement devant la mauvaise qualité de vos produits » ;
- « Je n’ai pas compris votre question, merci de la reformuler ».
- « Vos produits, c’est de la merde *@ grrr » ;
- « Je n’ai pas compris votre question… ».
Parfait pour écarter les critiques qui fâchent !