INRAE, un acteur de la recherche au cœur des transitions et des enjeux de souveraineté
En 2020, la fusion entre l’INRA et Irstea a donné naissance à INRAE, un champion national et européen de la recherche. Acteur interdisciplinaire, son champ d’action couvre l’agriculture, l’alimentation, l’environnement et le développement durable. Philippe Mauguin, son président-directeur général, nous en dit plus.
Né de la fusion entre l’INRA et Irstea, INRAE est un acteur majeur de la recherche et de l’innovation. Quelques mots pour nous présenter l’établissement.
INRAE, l’Institut national de recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, est aujourd’hui le premier acteur européen de la recherche et de l’innovation dans le secteur de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement et le troisième mondial, après nos homologues chinois et américains. INRAE est donc né en 2020 de la fusion entre l’INRA, qui avait des compétences reconnues dans les domaines de l’agronomie, de l’agroalimentaire, mais également sur les sujets environnementaux, et Irstea, qui avait des compétences affirmées dans le domaine de l’eau, du numérique et de la robotique, ainsi que sur un certain nombre de questions environnementales.
Aujourd’hui, INRAE, c’est près de 12 000 collaborateurs, ainsi qu’un budget de plus de 1,1 milliard. Ce nouvel établissement s’appuie sur 14 départements scientifiques qui animent les recherches dans des disciplines très variées comme l’agronomie, l’écologie, la transformation alimentaire, les mathématiques et l’IA, les sciences économiques et sociales, la génétique animale et végétale ou la microbiologie… Placés sous la double tutelle des ministères en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche et de l’agriculture, nous bénéficions d’équipements de pointe au sein de nos laboratoires et de nos plateformes technologiques et d’un très beau dispositif d’unités expérimentales qui prend notamment la forme de fermes pilotes pour tester les innovations issues de nos recherches… Ces infrastructures situées dans nos 18 centres régionaux sont à l’interface avec l’enseignement supérieur, les universités et les grandes écoles, ainsi que nos partenaires socioéconomiques et les collectivités territoriales.
En 2021, vous avez présenté INRAE 2030, votre feuille de route pour relever les défis de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement de demain. Comment s’articule-t-elle ?
Cette feuille de route ambitieuse à 10 ans est le fruit d’une consultation menée auprès de nos collectifs, de nos grands partenaires de recherche en France et dans le monde, et de nos partenaires socioéconomiques. Elle s’articule autour de cinq grandes priorités de recherche :
- Mieux connaître les évolutions du climat et de la biodiversité pour adapter notre agriculture, notre forêt et nos systèmes alimentaires et ainsi mieux maîtriser et limiter les effets des risques naturels ;
- Accélérer et accompagner les transitions agroécologiques et alimentaires, en tenant compte de la compétitivité et des enjeux économiques et sociaux pour les filières ;
- Développer la bioéconomie ou comment l’agriculture et la forêt peuvent contribuer de façon durable à la décarbonation de l’économie ;
- Favoriser une approche de la santé globale qui étudie les interactions entre la santé animale, végétale, humaine et environnementale ;
- Intégrer la révolution du numérique et de l’IA au service des transitions.
À cela s’ajoutent 3 priorités transversales :
- Renforcer l’impact de nos recherches avec plus d’engagements dans l’innovation, la création de start-up et l’appui aux politiques publiques ;
- Renforcer nos partenariats avec les écoles et les universités en France, en Europe et dans le monde afin de les impliquer dans nos recherches, contribuer à former les futures générations de chercheurs, d’ingénieurs, mais aussi afin de pouvoir rivaliser avec les établissements scientifiques et de recherche dans le monde entier ;
- Inscrire INRAE dans une démarche RSE globale et collective.
Cette stratégie se décline de façon opérationnelle dans les programmes stratégiques des départements scientifiques et des centres régionaux, et fait l’objectif d’un reporting annuel auprès de la direction et des pouvoirs publics.
Dans le cadre de France 2030, vous pilotez 6 grands programmes de recherche. Dites-nous en plus.
En effet ! Ces programmes de recherche prioritaires sont en lien direct avec nos grands domaines d’intervention, l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et l’énergie, et s’inscrivent dans une logique partenariale. Par exemple, dans le domaine de l’agriculture, nous co-pilotons avec INRIA un programme prioritaire de recherche autour de l’agroécologie et du numérique visant à capitaliser sur l’IA, le numérique, le deep learning, les réseaux de neurones pour proposer des solutions numériques qui permettront, par exemple, d’utiliser moins de pesticides ou d’antibiotiques, d’optimiser le pilotage des engins agricoles…
Avec l’INSERM, nous avons lancé un programme prioritaire de recherche pour mieux comprendre l’impact de l’alimentation sur le fonctionnement du microbiote et la prévention des maladies. Avec le CNRS, nous travaillons sur un programme qui vise à faire émerger des solutions fondées sur la nature pour protéger la biodiversité dans les secteurs agricole, forestier et même urbains avec les collectivités locales. En collaboration avec l’IFPEN, nous menons des recherches sur la production de biofuels et de biomolécules issues des ressources de la biomasse.
Avec INRAE Transfert, vous vous êtes dotés d’une filiale dédiée au transfert technologique et à la valorisation des recherches et des technologies innovantes au service des industriels. Qu’en est-il ?
INRAE Transfert gère l’ensemble de nos partenariats socioéconomiques. Dans le monde agricole, nous travaillons ainsi avec de nombreux partenaires (instituts techniques, chambres d’agriculture, coopératives…) au service de 400 000 exploitations agricoles en France, mais aussi avec le secteur des semences, de la transformation des produits agricoles, de l’agroalimentaire, de distribution… Pour l’environnement, nous développons des coopérations avec les acteurs du traitement de l’eau, de l’énergie, des déchets. Nous avons aussi des partenariats avec les entreprises des secteurs de la forêt et de l’alimentation. Cela représente plus de 450 partenariats socioéconomiques chaque année. Par exemple, avec Engie, nous venons de renouveler un accord-cadre sur la production de bioénergie à partir de la biomasse agricole.
Nous sommes aussi très attachés à nos relations avec le tissu entrepreneurial. INRAE contribue à créer des start-up et accompagne aussi des start-up externes. Cela représente près de 300 entreprises innovantes opérant dans des domaines très variés : agtech, foodtech, cleantech, biotech… En parallèle, nous développons des études et des recherches en association avec des ONG environnementales. Enfin, INRAE pilote 5 instituts Carnot qui couvrent nos différents domaines de recherche et de transfert : la production agricole, la production de biomasse, l’élevage, l’agroalimentaire, l’eau et l’environnement.
Au travers de ses travaux de recherche, INRAE contribue aussi activement au développement de la souveraineté alimentaire et énergétique. Qu’en est-il ?
L’alimentation est le défi prioritaire de notre planète avec 9 milliards de personnes à nourrir à l’horizon 2050 dans un contexte où le dérèglement climatique plafonne les rendements agricoles. L’enjeu est donc de nourrir plus de monde, en décarbonant l’agriculture, en réduisant l’utilisation des produits phytosanitaires et des engrais, alors que les surfaces agricoles sont en tension sous l’effet de la désertification et de l’urbanisation selon les régions du monde.
Aujourd’hui, au niveau de chaque pays se pose la question de la sécurité et de la souveraineté alimentaires. INRAE est bien évidemment très concerné par cet enjeu ; nous avons la conviction forte que cette souveraineté alimentaire doit être durable, et solidaire entre les grandes régions du monde. Cet objectif ne pourra pas être atteint en maintenant les systèmes de production agricole actuels, mais ils devront évoluer pour faire face au défi climatique et à la raréfaction de la ressource en eau.
“L’alimentation est le défi prioritaire de notre planète avec 9 milliards de personnes à nourrir à l’horizon 2050 dans un contexte où le dérèglement climatique plafonne les rendements agricoles.”
Avec l’ensemble de nos partenaires, instituts techniques agricoles, entreprises, coopératives, agriculteurs, nous devons concevoir aujourd’hui les systèmes de production agricole durables et pérennes des 10 à 20 prochaines années et accompagner la transition agroécologique de nos exploitations. En France, actuellement, nous consommons plus de fruits et de légumes que nous ne produisons. Il en est de même pour les protéines végétales, dont le soja, qui sont utilisées pour l’alimentation du bétail en France et en Europe et pour lesquelles nous sommes actuellement dépendants du Brésil et des États-Unis.
La recherche et l’innovation sont attendues pour aider à optimiser les productions agricoles sur le territoire français et européen, dans le respect des terroirs et afin de dégager des revenus pour l’ensemble des producteurs et répondre aux attentes des consommateurs. À cela s’ajoute l’enjeu de la souveraineté énergétique. Malgré l’accélération du développement des énergies renouvelables et l’apport du nucléaire, une contribution de la biomasse agricole et forestière est attendue à l’horizon 2050 pour compléter le mix énergétique français. Il faudra atteindre cet objectif en veillant à ne pas fragiliser la sécurité alimentaire et l’équilibre de nos forêts.