Inserm : l’organisme leader de la recherche en santé depuis 60 ans
Didier Samuel, président de l’Inserm depuis le 1er février 2023, revient sur le rôle phare et emblématique de l’Inserm dans le paysage de la recherche en santé en France et à une échelle européenne et mondiale depuis plus de 60 ans.
Alors que l’Inserm fête son 60e anniversaire, quels sont sa place et son poids dans le paysage de la recherche en France ?
L’Inserm est l’organisme national de recherche publique dédié exclusivement à la recherche dans le domaine du biomédical et de la santé. Son action vise principalement à mener et faire évoluer la recherche en santé pour améliorer la santé des patients.
L’Inserm est ainsi le 1er organisme de recherche biomédicale en Europe avec une présence dans tous les domaines de la recherche en santé. Dans ce cadre, nous avons noué des liens avec l’ensemble de notre écosystème : les universités, les autres organismes de recherche, les acteurs du soin, notamment les CHU et les centres de lutte contre le cancer…
L’Inserm regroupe près de 260 unités mixtes de recherche. Chacune d’entre elles a un partenariat avec une université. C’est aussi une quarantaine de centres d’investigation clinique en co-pilotage ou en co-label avec un CHU, la Direction Générale de l’Offre de Soins (dépendant du Ministère de la Santé et de la Prévention), ainsi qu’une quarantaine d’unités mixtes services, qui sont des plateformes, généralement mixtes avec l’université ou d’autres partenaires, comme le CNRS.
L’Inserm regroupe ainsi près de 9 000 chercheurs et techniciens répartis dans nos unités de recherche en propre. Au global, cela représente près de 15 000 chercheurs qui travaillent dans des unités de recherche que nous dirigeons. Le budget annuel de l’Inserm est d’environ 1,2 milliard d’euros.
L’Inserm a également véritablement un pied dans l’innovation, par l’action de sa filiale de transfert de technologie, Inserm Transfert, qui est une entité de droit privée détenue à 100 % par l’Inserm et dont le rôle est de valoriser la recherche académique. Nous portons, par ailleurs, plus de 2 100 familles de brevets. Nous sommes le 2e déposant européen dans le secteur pharmaceutique et le 3e dans le secteur des biotechnologies.
Enfin, l’Inserm a un rôle d’alerte et de veille sanitaire, mais aussi de conseil scientifique sur les maladies infectieuses émergentes auprès de l’État et des décideurs publics au travers de son agence interne, l’ANRS MIE (l’Agence Nationale de Recherches sur le Sida et les Hépatites virales et les Maladies Infectieuses Émergentes).
Qu’est-ce que ce positionnement transdisciplinaire implique ?
Nous avons rôle d’orchestration et d’organisation des unités de recherche en santé sur le territoire avec nos partenaires universitaires. Pour ce faire, nous développons des stratégies nationales de recherche où nous priorisons les grands thèmes de recherche. Dans ce cadre, nous sommes à la fois un opérateur de recherche et, récemment, comme volonté du Président de la république et de nos ministères de tutelle, une agence de programmation nationale sur la recherche en santé. Dans ce cadre, nous intervenons comme pilote ou co-pilote des programmes nationaux de recherche (Programmes et équipements prioritaires de recherche : PEPR) qui ont été mis en place dans le cadre de France 2030. Nous en coordonnons ou copilotons, avec nos partenaires les autres organismes de recherche nationaux, actuellement 8 sur des thématiques différentes et importantes : les maladies infectieuses émergentes, la biothérapie et bioproduction, la nutrition, le microbiote en santé, la santé des femmes autour de l’infertilité et de l’endométriose, le numérique en santé, la psychiatrie. Nous ambitionnons de nous positionner sur deux nouveaux programmes d’envergure : l’identité cellulaire et les organoïdes ou organe sur puce.
L’Inserm est donc au cœur de la recherche en santé, et contribue significativement à sa coordination à une échelle nationale. Ce positionnement historique a été renforcé dans le cadre de la nouvelle mission que l’État nous a récemment confiée. En tant qu’agence de programme, il s’agit pour l’Inserm de coordonner de manière pluri-partenariale la recherche avec l’ensemble de nos partenaires et parties prenantes.
Au cours des dernières années, nous avons aussi assisté à un regain d’intérêt pour la recherche médicale. Qu’avez-vous pu observer à votre niveau ?
La pandémie a été un véritable choc pour la population française. Toute la société a pris conscience de l’impact d’une crise sanitaire qui peut paralyser le monde entier pendant plusieurs mois, et avoir des conséquences humaines, sociétales et économiques majeures.
Ce constat a contribué à replacer la recherche biomédicale, qui avait été délaissée, au cœur des préoccupations. Dans cette continuité, le gouvernement a mené plusieurs actions structurantes comme la Loi de programmation de la recherche de 2020. Grâce à cette loi, notre budget a été augmenté ce qui nous a permis de nouvelles compétences, de revaloriser les salaires, de créer des chaires professorales…
En parallèle, le plan France 2030 a un volet entier dédié à la santé avec la création de l’Agence de l’Innovation en Santé, la mise en place d’un financement spécifique sur la santé, la création des instituts hospitaliers universitaires et des réseaux hospitaliers universitaires, de cinq bioclusters, qui ont vocation à accélérer la valorisation de la recherche académique et la transposition de la recherche académique en médicament, en dispositif et, in fine, de rapprocher la sphère publique et privée…
En parallèle, le secteur de la HealthTech se structure et se développe de plus en plus en France. Comment l’Inserm s’inscrit-il dans ce cadre ?
L’Inserm s’inscrit totalement dans cette dynamique. Notre filiale Inserm Transfert a justement été créée il y a déjà une vingtaine d’années pour valoriser et créer de la valeur autour des recherches académiques. Nous déployons ainsi diverses actions afin d’accompagner les chercheurs qui déposent des brevets ou qui créent une start-up pour valoriser leurs travaux. Nous facilitons aussi la mise en relation des start-up ainsi créées avec des investisseurs, pour faire avancer leur projet et, in fine, amener plus vite sur le marché leurs produits, services ou médicaments. À date, nous avons les premiers résultats pour six médicaments que nous avons contribué à mettre sur le marché. Néanmoins, malgré ses efforts pour valoriser la recherche académique, la France accuse toujours un retard considérable à une échelle mondiale, il faut donc poursuivre l’effort d’investissement et de redéploiement à nouveau mené depuis quelques années.
L’Inserm est aussi fortement impliquée dans les pôles universitaires d’innovation qui viennent d’être labellisés par l’État. L’Inserm est ainsi fondateur ou partenaire d’une quinzaine de ces pôles.
Nous sommes aussi un des membres fondateurs du PariSanté Campus qui regroupe les principaux acteurs du monde et de l’écosystème HealthTech numérique. Cette initiative est une illustration concrète du rapprochement entre les entités académiques et industrielles au service du développement et du renforcement de la HealthTech.
Quel regard portez-vous sur la place des nouvelles technologies ? Et dans ce cadre, quelles sont les pistes que vous explorez ?
Depuis quelques années, nous assistons à un développement assez impressionnant, voire exponentiel, des technologies de la santé : la donnée, le numérique, l’intelligence artificielle, les algorithmes, la simulation, avec les jumeaux numériques… Pour accompagner ce mouvement de fond, nous capitalisons sur notre institut thématique scientifique autour de la technologie de la santé. Nous avons, en partenariat avec d’autres organismes nationaux de recherche, un PEPR intitulé numérique en santé, un PEPR sur les organoides et un troisième sur les biothérapies, des domaines à l’interface entre la recherche médicale pure et les nouvelles technologies de développement d’anticorps et de bioproduits.
Dans la continuité de la pandémie, nous avons également assisté à la création de synergies nouvelles entre les chercheurs en santé, d’une part, et les ingénieurs, les mathématiciens, les bio-généticiens, les experts de l’IA, les physiciens… afin d’explorer ce que les sciences peuvent apporter à la recherche en santé et aux sciences du vivant de manière générale. Aujourd’hui, il y a ainsi de plus en plus de passerelles entre ces domaines au service du monde de la recherche en santé et, in fine, des patients.
À l’Inserm, c’est une dynamique que nous encourageons et que nous souhaitons renforcer afin de développer des applications cliniques à forte valeur ajoutée. Dans cette logique, nous avons notamment lancé le programme d’impulsion, intitulé procédures chirurgicales et interventionnelles du futur, doté de 1,5 million d’euros, ou encore le programme d’impulsion Neuro Tech, qui est à la croisée des neurosciences et des technologies d’imagerie et d’analyse des signaux cérébraux.
Actuellement, quels sont les principaux enjeux auxquels votre secteur est confronté ?
Alors que nous fêtons notre 60e anniversaire, en cette période de forte effervescence scientifique, académique et technologique, l’Inserm se doit de réaffirmer son rôle de chef de file de la recherche en santé en France, mais aussi de renforcer son action à un niveau international. Dans ce cadre, nous participons activement à la création de l’agence de programmation de la recherche en santé, en collaboration avec nos partenaires. L’idée est de mettre en place de nouveaux programmes de recherche en santé, tout en poursuivant l’ensemble des actions et des initiatives en cours.
Au-delà de la réussite de cette mission nouvelle de programmation, il s’agit aussi de consolider le rôle de nos unités de recherche dans l’écosystème de la recherche française.
L’Inserm est aussi fortement impliquée au service de l’amélioration des conditions de travail des chercheurs et de tous les collaborateurs de notre recherche aussi bien sur le plan organisationnel qu’au travers de la mise en place d’outils et de dispositifs visant à simplifier leur quotidien.
Enfin, notre rôle est aussi de contribuer à renforcer l’intérêt et la confiance du grand public dans la science produite par l’Inserm, mais aussi de les sensibiliser au rôle stratégique de la recherche médicale et en santé afin d’améliorer la santé de nos concitoyens.