L’Institut du Cerveau : en 2023, cap sur l’innovation !
Créé en 2010, l’Institut du Cerveau s’est positionné, en moins de 15 ans, parmi les tout premiers centres mondiaux de recherche scientifique et médicale en neurosciences. Implanté au cœur de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris XIII), l’Institut s’est construit autour d’un concept original, encourageant la collaboration entre médecins, chercheurs, entrepreneurs et étudiants. L’accent est notamment mis sur l’innovation, et, en la matière, 2023 constituera une année pivot, riche en nouveautés. Rencontre avec Alexis Génin, directeur de l’Innovation, qui en livre les enjeux.
L’Institut du Cerveau fait partie des « jeunes » centres de recherche scientifique et médicale. En quoi son modèle est-il différent des autres ?
L’Institut est né de la rencontre entre l’excellence de la recherche académique et le dynamisme du privé. Reconnu d’utilité publique, il s’appuie sur des partenaires publics de premier plan, dont l’Inserm, l’AP-HP, Sorbonne Université et le CNRS, et un ensemble de grands mécènes. Ensemble, ils ont cocréé ce lieu où se retrouvent certains parmi les meilleurs chercheurs du monde, pour explorer et mieux cerner comment le cerveau fonctionne et dysfonctionne, mais aussi pour en tirer les enseignements et les applications.
Aujourd’hui, l’Institut rassemble plus de 700 experts à Paris, qui se consacrent, avec passion, à l’étude du cerveau, à la compréhension de son fonctionnement, et à la lutte contre ses maladies, à travers le développement de nouvelles solutions et thérapies. En complément de son activité de recherche fondamentale et clinique, l’Institut dispose aussi d’un incubateur d’entreprises mobilisées en faveur du développement de solutions innovantes.
Depuis sa création, l’incubateur a vu plus d’une soixantaine d’entreprise entre ses murs qui ont ainsi levé plus de 650 millions d’euros, créé plus de 1 000 emplois et mis 10 produits sur le marché au cours des dernières années.
Dans cet écosystème, quel rôle tient la direction de l’innovation ?
La direction de l’Innovation de l’Institut du Cerveau rassemble 25 personnes : des scientifiques, des ingénieurs, des experts en business développement… Sa mission première est d’accélérer le développement de produits dans le domaine des neurosciences. Pour ce faire, elle détecte les innovations, investit dans leur validation technologique et soutient la création d’entreprises.
Cette démarche s’applique ainsi au développement de médicaments avec des campagnes d’identification et de criblage de petites molécules thérapeutiques, mais aussi au développement de technologies médicales au travers d’un laboratoire de prototypage et grâce à une méthodologie de « living lab » qui nous permet d’échanger de manière itérative avec les malades et les professionnels du soin afin de proposer des solutions qui vont répondre à leur besoin.
« Accélérer le développement de solutions au service des malades. »
Nous disposons également d’une unité de recherche dédiée au développement de nouvelles thérapies cellulaires et géniques pour adresser les maladies neurodégénératives, inflammatoires et neuro-pédiatriques. En matière de recherche clinique, notre enjeu est de s’assurer que les options thérapeutiques proposées aux patients aient un véritable bénéfice. Pour ce faire, nous nous appuyons sur une équipe d’experts de la recherche clinique qui travaillent sur les protocoles de recherche, le recrutement des malades, ainsi que sur le suivi et l’évaluation de leur efficacité.
Enfin, comme précédemment mentionné, l’Institut du Cerveau a son propre incubateur d’entreprises, l’Incubateur et Pépinière d’Entreprises Paris-Salpêtrière, l’iPEPS The Healthtech Hub, qui s’articule autour de trois campus différents dédiés respectivement à la BioTech, à la MedTech et au numérique en santé. Cet outil nous permet de créer et d’accompagner des jeunes entreprises innovantes.
L’ensemble de ces dispositifs et outils servent un seul et même objectif : accélérer le développement de solutions au service des malades. Dans ce cadre, nos principaux indicateurs sont le nombre de start-up et d’emplois créés ainsi que le nombre de solutions validées sur le plan clinique. Et pour ce faire, nous nous appuyons sur le soutien et l’accompagnement d’un réseau d’investisseurs et d’experts industriels.
L’Institut du Cerveau a annoncé pour 2023 une année particulièrement riche en matière d’innovation. À quoi faut-il d’attendre ?
Effectivement, 2023 devrait voir le lancement de plusieurs nouveaux programmes que nous sommes particulièrement fiers de porter. En premier lieu, nous lançons un programme de création d’unités d’innovation, qui se concentreront sur le développement de produits de santé en capitalisant sur le travail collaboratif d’ingénieurs et de chercheurs. Ces unités prendront la forme de groupes de recherche financés par l’Institut. L’objectif est de créer une entité par an. La première unité d’innovation a déjà été créée, et s’intéresse aux thérapies cellulaires et géniques.
En parallèle, nous mettons en place l’initiative NeurAL (Neuroscience Acceleration Launchpad), un programme qui va investir dans des projets de développement de thérapies médicamenteuses ou technologiques. Dans ce cadre, nous contribuons au « dérisquage » de projets développés sur tout le territoire national. Nous allons sélectionner des projets qui ont besoin d’accompagnement et de fonds pour réaliser leur preuve de concept. Pendant 12 à 18 mois, nous rassemblons autour de ces porteurs de projets des ressources financières et intellectuelles avec l’intervention de mentors issus de l’industrie, de coachs et d’investisseurs pour créer de la valeur afin de permettre au projet (ou à la start-up) de franchir un cap dans son développement.
Au-delà, l’Institut du Cerveau a accompagné au fil des années de nombreuses success-story. Pouvez-vous nous en citer quelques-unes ?
Oui, tout à fait, et nous ne pouvons que nous féliciter de ces succès. À titre d’exemple, citons la société Bio Serenity, une entreprise qui a vu le jour à l’Institut du Cerveau et qui est depuis devenue un leader du télé-diagnostic et du télé-suivi dans le domaine de l’épilepsie.
BrainVectis est quant à elle une société créée par une de nos chercheuses, Nathalie Cartier, qui développe une thérapie génique pour différentes pathologies neurodégénératives, dont la maladie de Huntington, et qui a été acquise par le groupe AskBio. Autres exemples, celui de Carthera, créée par le neurochirurgien Alexandre Carpentier et qui utilise les ultrasons pour faciliter l’absorption des médicaments par le cerveau, ou encore celui d’Ad Scientiam, qui développe des outils digitaux pour optimiser le suivi à domicile de patients atteints de la sclérose en plaques. Healthy Mind développe quant à elle des interfaces permettant de connecter la lecture de signaux cérébraux et la réalité virtuelle afin de mieux gérer l’anxiété, et myBrain Technologies élabore des solutions d’interface avec le cerveau au service d’une meilleure gestion du stress.
Nous développons aussi de nombreux projets en interne. Parmi ceux-ci, on peut citer les laboratoires communs que nous créons autour de différents sujets avec certaines de nos start-up. Le premier laboratoire commun a notamment travaillé à la mise au point des jeux vidéo sérieux (serious games) permettant de réduire de 50 % les chutes chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Ce produit est aujourd’hui proposé à la vente par une entreprise suisse. Actuellement, dans le cadre d’un laboratoire avec le groupe Humans Matter, nous travaillons sur le projet Stroke Care qui propose aux patients ayant subi un accident vasculaire cérébral ou un trauma cérébral, des interfaces digitales pour réapprendre la lecture, les mouvements du quotidien à domicile…
En parallèle, vous soutenez aussi l’innovation et l’entrepreneuriat chez les étudiants…
En effet, l’équipe de l’Open Brain School, l’organisme de formation de l’Institut du Cerveau, a mis en place plusieurs outils d’Open Education afin de pouvoir accompagner le plus tôt possible de jeunes chercheurs et ingénieurs qui ont un projet entrepreneurial innovant. L’Institut met à leur disposition des modules de formation classique notamment sur les leviers de l’entrepreneuriat. Au-delà, nous jouons aussi le rôle de « match-maker » en permettant à un jeune ingénieur de trouver un fondateur business, et, réciproquement, de permettre à un fondateur business de trouver le médecin ou l’ingénieur pour déployer son projet. Ce parcours d’accompagnement inclut également un volet financement. Nous avons renforcé cette approche grâce à un soutien de la BPI : le projet Medtech Generator and Accelerator, qui a vocation à promouvoir et faciliter l’entrepreneuriat étudiant avec deux partenaires importants : l’Institut de la Vision et l’IHU Imagine de l’hôpital Necker.
Pour conclure, face à tous les projets, que souhaiter à l’Institut du Cerveau pour 2023 ?
Aujourd’hui, les idées ne manquent pas ! Mais pour les déployer et les mettre en œuvre, il faut encore plus de talents et de compétences ! Au-delà, nous restons confrontés aux enjeux classiques de financement et d’investissement afin de pouvoir proposer au plus vite ces solutions et innovations thérapeutiques aux patients.