Internet des objets : Panorama des technologies LPWAN à basse consommation
Les réseaux low power wide area network (LPWAN) forment une partie des réseaux dédiés à l’internet des objets. En raison de leur couverture étendue, les applications associées sont principalement des services aux entreprises ou aux organismes publics. Au moins quatre solutions techniques existent actuellement. Voici le point sur leurs avantages et leurs inconvénients.
La faible consommation des réseaux LPWAN permet d’apporter une connectivité là où ce n’était pas possible pour des raisons d’autonomie en énergie, dans le but d’ajouter des capteurs à des équipements ou dans l’environnement. Le coût relativement faible est une conséquence de la portée des réseaux et de la faible consommation énergétique, mais n’est pas nécessairement un critère de sélection, sauf pour les applications matures comme les compteurs connectés (eau, gaz, électricité). Afin de dresser un panorama des technologies LPWAN, il nous semble pertinent de montrer comment des technologies existantes ont évolué, puis de détailler les technologies plus récentes dédiées au LPWAN, et enfin de discuter des avantages compétitifs et de la complémentarité de ces différentes solutions.
La solution d’un réseau maillé
Dans les réseaux industriels dominent les dérivés du standard Institute of Electrical and Electronics Engineers, IEEE 802.15.4, ou des standards proches utilisant la modulation de fréquence numérique (frequency-shift keying ou FSK). Tous opèrent dans des bandes de fréquences sans licence à 868–915 MHz ou 2,4 GHz. Ces techniques sont simples et relativement bon marché ; elles consomment très peu d’énergie, ce qui permet de les alimenter par piles ou grâce à des cellules photovoltaïques. Pour augmenter la portée de ces standards, la fonctionnalité de réseau maillé (Mesh) a été ajoutée à tous ces protocoles comme le Bluetooth. Dans un réseau maillé, chaque capteur devient un nœud du réseau qui participe à la couverture. Du point de vue énergétique, un réseau maillé est optimal vis-à-vis de l’énergie utilisée pour transmettre l’information. En effet, pour doubler la portée d’une transmission point à point, il est nécessaire de multiplier par 5 ou par 10 l’énergie d’émission alors que, en doublant cette portée grâce à un relai (une transmission, puis une répétition par le relai), la quantité d’énergie fournie doit simplement être multipliée par deux. Le relai doit consommer de l’énergie pour la réception mais, si le protocole est optimisé, la contribution de la réception est négligeable.
Les limites du réseau maillé
Un réseau maillé permet donc en théorie de maintenir une très faible consommation d’énergie. Cependant, cela suppose de mailler le réseau à loisir en ajoutant des nœuds, de l’équilibrer en évitant que certains capteurs ne soient trop sollicités pour les relais, et enfin d’optimiser le débit de chaque lien. L’expérience montre que c’est rarement ce qui est appliqué en pratique. De fait, cela conduit à une certaine complexité des déploiements (on ne peut pas mettre des capteurs partout) et, plus grave, une imprédictibilité des opérations de maintenance (remplacement des piles à des échéances très variables), ainsi que des délais de transmission parfois trop longs. En pratique, également, il n’est pas possible d’avoir des capteurs mobiles ou soumis à de brusques changements de propagation radio (obstruction variable).
La solution du monde cellulaire
Une autre approche de ce marché LPWAN est issue du monde cellulaire. À l’inverse des technologies précédentes, à la faible consommation mais à la portée limitée, les technologies cellulaires profitent d’une portée presque complète sur un territoire, au moins à l’extérieur, au prix d’une consommation relativement élevée. Pour étendre le marché de la technologie LPWAN, il s’agit ainsi de descendre en gamme, en réduisant prix et débits par rapport à la 3G ou à la 4G. Ces dérivés s’appellent NB-IoT (narrow band IoT), pour les débits les plus faibles et la portée la plus grande, et LTE‑M (long-term evolution for machines) pour des débits de l’ordre de 100 kbps. Une simple mise à jour des stations de base permet en général d’offrir ces services, qui profitent donc de l’excellente couverture des réseaux cellulaires déjà déployés. La limite à la couverture vient du fait que les applications IoT sont très minoritaires par rapport à la téléphonie ou à l’internet mobile, et qu’il n’est pas rentable d’étendre le réseau pour les seules applications IoT. Par ailleurs, la consommation des capteurs reste relativement importante en raison de la signalisation réseau, optimisée pour de forts débits, en mobilité, et avec une latence faible.
Lire aussi : IoT : Les réseaux sans fil à bas débit, une technologie de la sobriété
La place des start-up françaises
Les réseaux dédiés à l’IoT basse consommation tels que UNB (ultra narrow band), LoRa (long range), Weightless ou RPMA (random phase multiple access) ont été développés par des start-up. Toutes ont mis en œuvre une réduction des débits (jusqu’à 30 bits par seconde) de façon à augmenter la portée. On peut remarquer que les deux plus importants réseaux – et seuls encore en service – sont d’origine française, avec d’une part Sigfox et sa technique de modulation à bande très étroite (ultra narrow band) et d’autre part Cycleo, utilisant la modulation LoRa qui repose sur l’étalement de spectre. Ces deux entreprises ont figuré au palmarès 2010 du concours OSEO (BPI) d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes. Sigfox a ensuite levé des fonds, notamment auprès de la Caisse des dépôts et consignations, alors que Cycleo a été vendue assez vite (2012) à l’industriel Semtech.
“Les deux plus importants réseaux dédiés à l’IoT basse consommation sont d’origine française.”
Des points communs entre les protocoles
Sur le plan technique, le protocole de communication associé à LoRa (long range) se nomme LoRaWAN et il partage avec le protocole Sigfox des points communs qui correspondent à un réseau dédié à l’IoT. Tout d’abord, des bandes sans licence sont utilisées, de façon à réduire les coûts et à permettre des déploiements de réseaux publics ou de réseaux privés dédiés à une application. La topologie du réseau est également particulière, puisque la réception par tous les points d’accès du réseau est collaborative : au contraire d’un système cellulaire, toutes les stations de base utilisent les mêmes fréquences. Le déploiement du réseau est simplifié : par exemple, l’ajout d’une station de base ne requiert pas de redistribution des fréquences. La couverture est meilleure puisque plusieurs stations de base peuvent communiquer avec un capteur. Le capteur en lui-même n’est pas connecté à une cellule, mais au réseau dans son ensemble ; ainsi, le changement de station de base est transparent et ne nécessite pas de signalisation particulière. Dans le cas de capteurs mobiles et transmettant très peu d’information (logistique, chaîne du froid), le gain de consommation est significatif. Un autre point commun important est que le protocole repose sur un accès aléatoire à la voie montante : le capteur peut transmettre à n’importe quel moment, tant qu’il respecte la réglementation. Ces réseaux collaboratifs ont également un autre avantage : les réseaux de différents opérateurs, publics ou privés, peuvent partager très simplement la couverture. Enfin, nous retiendrons un dernier point commun significatif entre Sigfox et LoRaWAN, qui est que les communications sur la voie descendante sont opportunistes : des fenêtres de réception sont ouvertes par le capteur à la suite de chaque transmission.
Un peu de technique…
La modulation LoRa et le protocole LoRaWAN ont des spécificités qui sont orientées vers la basse consommation du capteur. La modulation LoRa est une modulation de fréquence qui permet des points de fonctionnement très efficaces pour les amplificateurs radiofréquences, car l’amplitude du signal est constante. On obtient ainsi 40 % d’efficacité de conversion, contre 10 % pour les modulations d’amplitude. Cette modulation de fréquence est fondamentale, car l’essentiel de la consommation électrique des capteurs en fonctionnement consiste à émettre des ondes radio. Ensuite, le récepteur de la modulation LoRa est particulièrement simple, offrant la possibilité de recevoir instantanément une transmission, sans synchronisation préalable et sans assistance du réseau (contrairement au GPS, par exemple). Cette propriété est mise à profit par le protocole LoRaWAN, qui permet une latence de seulement 1 seconde depuis le réseau vers le capteur, sans forcer le capteur à être en réception permanente. Des fenêtres de réception très courtes sont programmées, et le capteur poursuit la réception seulement s’il détecte une trame. De plus, le protocole LoRaWAN ne comprend, dans chaque message, que 13 octets de signalisation pour l’adressage et les fonctions de sécurité, et l’intégration d’éléments de plusieurs couches du modèle OSI (open systems interconnection, physique, liaison, réseau, transport et session) permet de réduire la signalisation. Les évolutions de LoRaWAN en cours comprennent des améliorations des interfaces entre les différents serveurs du réseau pour simplifier l’intégration : l’objectif est de parvenir à une activation sécurisée, consistant en une simple lecture de QR code sur le capteur. Une autre évolution en cours est de permettre des communications vers des satellites géostationnaires ou en orbite basse ; plusieurs services commerciaux sont déjà ouverts.
Les avantages du réseau maillé
Sans se risquer à faire des pronostics, il est possible de comparer les avantages concurrentiels de ces différentes technologies et d’étudier leur complémentarité. Du côté des technologies de réseaux maillés, l’avantage est le coût, la faible consommation et un écosystème fort d’un grand nombre d’applications et de capteurs existants. Les fournisseurs de puces offrent des plateformes intégrées en combinant de nombreuses technologies radio et des protocoles. Le marché principal n’est pas le LPWAN, mais il est complémentaire : l’électronique grand public connectée, grâce par exemple au protocole Matter qui ambitionne de rendre tous les équipements domestiques interopérables. La portée de ces technologies et les difficultés opérationnelles des réseaux maillés limitent l’application au marché LPWAN. En complément d’une connectivité cellulaire, il est possible de créer une bulle autour d’un point d’accès mais, là encore, il faut se limiter à des distances faibles et il ne s’agit pas vraiment d’une extension de couverture.
Les avantages du réseau cellulaire
Concernant les réseaux cellulaires, on observe que, malgré un réseau amorti par d’autres applications, les prix des modules et surtout de la connectivité restent un peu plus élevés. Les plus gros succès du NB-IoT sont en Chine, dans un contexte subventionné empreint de fierté technologique nationale. Le mode Cat‑M a un positionnement marché plus simple : plus haut débit, consommation maîtrisée, mobilité… ce qui convient parfaitement quand l’énergie n’est pas complètement contrainte. Les réseaux cellulaires sont déjà présents et les technologies alternatives ne peuvent que se positionner en complément de ces derniers. Quand un réseau LPWAN de type Sigfox, LoRaWAN ou encore Wi-SUN (wireless smart utility network, réseau maillé dédié aux compteurs d’eau ou de gaz) est déployé, les points d’accès utilisent le plus souvent un abonnement cellulaire pour la connexion aux serveurs centraux, notamment quand il s’agit d’un réseau privé qui n’est pas opéré directement par le client final. En effet, une connectivité cellulaire permet d’établir un réseau complètement indépendant de l’infrastructure du client. À l’inverse, étendre la couverture d’un réseau cellulaire est difficile, car les stations de base sont chères. Dans ce cas, l’extension en utilisant des réseaux maillés ou des réseaux privés LPWAN semble évidente.
L’offre Sigfox
L’offre de Sigfox est un exemple de produit de connectivité qui est complet et qui réalise, de plus, une intégration low cost. La promesse est d’avoir un système très simple, avec un seul interlocuteur commercial pour le client final, où qu’il se trouve dans le monde. Cela rend les choses beaucoup plus faciles pour le client, mais la simplicité et l’intégration ont un coût : le système est fermé et les fonctionnalités sont limitées et peu évolutives. Traditionnellement, une intégration low cost se produit toujours une fois que le marché est mature, au risque sinon de gaspiller la volonté de paiement des premiers clients de la technologie et de se tromper sur le contenu de l’intégration, en définissant un produit minimum viable qui rate sa cible.
L’offre Semtech
Semtech a cofondé l’Alliance LoRa, dans le but de définir une plateforme technologique et un écosystème ouvert, et a mené une politique de licence de la technologie LoRa, par exemple auprès de STMicroelectronics. Le protocole a été reconnu comme standard par l’ITU‑T (international telecommunication standardization sector). Il y a peu de facteurs limitants : bandes sans licence, certification rapide et très bon marché des capteurs, fournisseurs multiples pour tous les éléments d’une solution – capteurs, stations de base, serveurs, opérateurs de réseau. Cela favorise l’innovation et a produit un grand écosystème de fournisseurs de capteurs. Quelques applications ont un fort volume, par exemple les compteurs d’eau, gaz, électricité, suivies d’une distribution de nombreuses applications à plus faible volume. Parmi ces applications, certaines vont probablement croître de façon autonome, comme dans le domaine des bâtiments intelligents, et d’autres vont utiliser une combinaison de connectivité comprenant cellulaire et LoRaWAN terrestre ou par satellite : on pense ici aux applications dans le domaine de la logistique, où la couverture doit être excellente, les coûts bas et la consommation d’énergie très faible.
Commentaire
Ajouter un commentaire
Très utile, merci. Je serais intéressé par votre opinion sur la communication en mer (loin des côtes) pour deux raisons : parce que j’ai travaillé dans le secteur pétrolier, et parce que j’ai reçu récemment une question à ce sujet de quelqu’un de l’institut océanographique de Woods Hole près de Boston. A ma connaissance, les liaisons par satellite, du genre InMarSat, sont encore très coûteuses et offrent un débit qui dans certains cas est inutilement élevé (mesures de capteurs IoT de faible volume envoyées toutes les quelques minutes) et dans d’autres cas insuffisant (cas d’un de mes clients qui veut envoyer des fichiers de données de 1 à 2 Go).