Internet et les Entreprises de Distribution : l’apport du géomarketing
L’objectif de cet article est d’analyser les impacts d’Internet pour les entreprises de distribution sur leurs réseaux physiques de points de vente et sur leur marketing opérationnel. Le géomarketing permet d’évaluer ces impacts et de construire les plans d’action appropriés. Le groupe Markov comprend deux sociétés : Captimark – spécialisée dans le développement de systèmes d’information géomarketing à partir de sa plate-forme Captigéo ; Markov Consulting – société de conseil en stratégie, et optimisation des canaux de distribution (physiques et virtuels).
Après des années de réduction des coûts, de réengineering et de restructuration, l’enjeu vital pour les entreprises est désormais leur rapport avec leurs clients, et notamment la manière dont elles distribuent leurs produits et services. Le géomarketing est au carrefour de deux disciplines, le marketing scientifique et les systèmes d’information géographiques. Le géomarketing peut prendre deux formes : une approche un peu superficielle, où l’on colorie des cartes dans un but d’illustration plus que d’explication et de gestion ; cette approche assez répandue aujourd’hui permet de répondre de manière incomplète et ponctuelle à certaines questions de marketing opérationnel local.
L’autre approche est une approche système qui intègre la dimension géographique dans le système d’information de l’entreprise : le système d’information comporte un système d’information marketing (SIM), qui s’appuie quant à lui sur le système d’information géomarketing. Son but est d’assurer la cohérence entre l’analyse stratégique (quelles sont nos activités ?), le marketing stratégique (quels sont et où sont nos marchés ? Quels sont et où sont nos canaux de distribution ?) et le marketing opérationnel (quels sont et où sont nos clients ?). Cette approche système géomarketing intègre bases de données internes à l’entreprise (clients, produits, canaux), bases de données externes (marchés, concurrents) et bases d’objets géographiques (îlots, segments de voies, barrières physiques, cantons, routes…). C’est celle que nous proposons avec la plate-forme Captigéo.
À qui s’adresse une telle approche ? à toutes les entreprises pour qui la distribution et la vente à une clientèle de détail sont la raison d’être : banque, assurance, télécommunications, grande distribution, services (eau, gaz, électricité…), transport et tourisme… et qui se trouvent dans une situation de concurrence ; certains services à caractère monopolistique sont dans une logique de service à l’égard d’usagers et n’ont pas encore le double impératif de conquête de marché et de fidélisation de la clientèle acquise. Elles ne ressentent pas fortement le besoin de mettre en place des systèmes d’information marketing et encore moins géomarketing ; les choses peuvent changer.
Le géomarketing s’applique aux fonctions de marketing stratégique et aux fonctions de marketing opérationnel. Aujourd’hui, Internet va profondément modifier le marketing des entreprises de distribution. Quelle est l’importance de cet impact et de quelle façon le géomarketing permet-il de mesurer et de gérer les évolutions possibles ?
INTÉGRER LA DIMENSION GÉOGRAPHIQUE DANS LE SYSTEME D’INFORMATION MARKETING DE L’ENTREPRISE
A – Les fonctions de marketing stratégique : les agences physiques vont-elles disparaître ?
Pour les entreprises de distribution, mentionnées précédemment, on distinguera la période avant Internet et la période après Internet. La question est d’évaluer, par secteur d’activité, la vitesse de migration des clientèles du canal physique (agences, agents, points de ventes, magasins) au canal virtuel (le tout Internet). Cette vitesse de migration est liée aux préférences qu’auront les clients de consommer tel produit/service sur tel canal de distribution ; cette vitesse dépend des secteurs d’activités, des pays, des régions, et de la capacité des fournisseurs à proposer des combinaisons produits/ canaux attrayantes.
En toute hypothèse, si nous prenons le cas de la banque, nous ne pensons pas que les agences physiques soient amenées à disparaître au profit du tout Internet ; la migration totale peut prendre quelques générations. En revanche, le canal Internet va mordre considérablement sur le canal agence dans les années à venir, en association avec d’autres canaux : les prescripteurs, les plates-formes téléphoniques, les automates, les cartes et services associés. Le Minitel, en avance sur son temps, est condamné à « s’internetiser ». Pour piloter et gérer cette migration majeure, dont l’enjeu informatique nous semble largement supérieur au passage à l’an 2000, l’approche système géomarketing est incontournable avec tout ce qu’elle implique en conseil interne ou externe à l’entreprise.
1 – Avant Internet
Avant Internet, il n’y a pas eu de raz-de-marée ! Mais on a pu observer des canaux alternatifs. La distribution est essentiellement physique : l’agence, le point de vente, le magasin répondent à une attente forte de proximité. Cette attente évolue avec l’apparition de la vente par téléphone, de la vente par correspondance, du Minitel en France ; la vente par téléphone, dernière en date, trouve encore quelques réticences en France ; au Royaume-Uni, l’assurance dommage automobile est vendue, à 25 %, par téléphone.
Reprenons l’exemple de la banque ; les démarches d’Henri Germain, pour implanter les agences de la première banque française de l’époque, étaient très voisines de celles d’aujourd’hui.
L’approche système est différente : aujourd’hui, il faut que le mode de pilotage soit à la fois local et global. Sur le plan national, il faut pouvoir optimiser un réseau physique d’agences en fonction des potentiels du marché (fortement liés à la variable proximité), les préférences des clients et les coûts de distribution. L’objectif est simple : investir dans le réseau physique d’agences en fonction du retour sur investissement. L’enjeu est de pouvoir arbitrer entre tous les projets qui remontent des directions régionales, de marché et de groupe. Pour une grande banque française, la consolidation des projets physiques pouvait atteindre le milliard de francs. L’enveloppe budgétaire était de 350 millions de francs : un outil d’arbitrage s’impose donc ; le géomarketing couplé avec des évaluations de potentiels de marché a permis de définir les critères d’arbitrage au niveau national et de sélectionner les projets avec les meilleurs retours sur investissement prévisionnels en fonction du marché.
Une autre application stratégique du géomarketing est l’analyse d’acquisition/fusion de deux réseaux d’agences bancaires. Une approche système développée autour d’une plate-forme comme Captigéo permet d’avoir une vision globale des deux réseaux et de déterminer localement les synergies ou les redondances. Il est alors possible de conclure si l’acquisition est génératrice de synergies commerciales ou bien de problèmes sociaux.
LA FICHE MARCHÉ, OUTIL DE CONNAISSANCE DU MARCHÉ ET DE LA CONCURRENCE LOCALE
2 – Après Internet
Et Internet vint ! ce nouveau canal n’est pas seulement un effet de mode. Il apporte les ingrédients nécessaires pour construire un commerce à distance, avec les caractéristiques suivantes :
- le consommateur peut voir ou écouter le produit ou service acheté,
- les marchés deviennent mondiaux,
- les coûts de communication sont aujourd’hui très attrayants.
Pour une banque canadienne, la problématique était de planifier et de gérer la combinaison la plus rentable des canaux de distribution et non de passer au tout Internet. Cette banque possède plus de 20 % de part de marché sur les particuliers et les professionnels. Elle déploie 1 500 agences, 3 000 automates pour la plupart hors site, trois plates-formes téléphoniques et Internet pour la banque à domicile.
Le géomarketing est l’outil privilégié pour gérer les migrations de clients d’un couple produit-canal à un autre. L’objectif est d’identifier géographiquement les clients pour lesquels l’attente de proximité est plus ou moins forte pour un couple produit-canal donné. Cette matrice de préférences est suivie d’après le comportement de consommation observé dans le temps et dans l’espace, grâce à un système de marketing de type Datawarehouse (Teradata NCR).
En conclusion, pour les fonctions de marketing stratégique, l’approche système géomarketing est plus importante après Internet qu’avant. La survie de la banque est en jeu. Des expériences similaires pourraient être évoquées pour l’assurance, les agences de voyage, les ventes de livres, de disques compacts, de logiciels…
B – Les fonctions de marketing opérationnel : l’adresse WEB est-elle suffisante ?
1 – Avant Internet
Avant Internet, le marketing opérationnel consistait à fixer des objectifs commerciaux et les plans d’action pour les atteindre avec les moyens budgétisés. Il s’agissait de recourir à des techniques de ciblage et de scoring pour conquérir de nouveaux clients ou fidéliser les clients acquis. Pour les entreprises de distribution, fixation d’objectifs et ciblage peuvent se faire en cohérence avec les démarches de marketing stratégique et en faisant appel au système géomarketing qui comprenait les données de marché, les données internes de résultats sur les différents produits et marchés ; il s’agira d’ajouter les variables permettant de mieux connaître les clients.
Pour une banque importante en France et bientôt pour une compagnie d’assurances leader sur son marché, Markov a mis en place un système de géomarketing permettant aux niveaux national, régional, local de définir les objectifs commerciaux, de bâtir les plans d’actions concrets, de cibler les clients à conquérir et à fidéliser.
La mise en place du système est accompagnée des démarches de conseil en marketing, pilotage et communication en vue d’assurer le succès de l’utilisation des postes de travail aux différents niveaux.
2 – Après Internet
Internet va être un outil puissant de conquête de clientèle. Il faut transformer le client virtuel en client fidèle : non fidélisé, un fonds de commerce de cybernautes est volatil et les entreprises qui se contenteront de ces ventes ponctuelles seront fragiles.
MARKSERV : UN SERVEUR INTERNET/INTRANET
DE DIFFUSION DE DONNÉES GÉOMARKETING
La fidélisation des clients s’appuie sur la capacité à répondre à leurs besoins et attentes dans l’espace (et le cyberespace) mais aussi et surtout dans le temps. Il s’agit donc de connaître au mieux son client pour anticiper ses besoins et ses attentes. Un client (particulier, professionnel) sera toujours physique ; il habite à un endroit, travaille à un autre, a éventuellement une résidence secondaire. Ces adresses physiques le caractérisent de manière plus précise qu’une adresse virtuelle sur le Web ou qu’un « pseudo » anonyme. Il sera toujours nécessaire de comparer une clientèle existante par rapport à un marché existant ; et le marché n’existe que géographiquement localisé (du moins en ce qui concerne les activités licites). Même dans une perspective d’enrichissement des fichiers le concernant, la connaissance du client sera toujours incomplète (et la législation ne favorise pas un tel enrichissement par le croisement de fichiers). La segmentation de marché géographiquement localisée, rapprochée des segmentations clients, restera un facteur d’enrichissement de la connaissance du client.
Il ne suffit pas de se doter des outils de fidélisation, il faut les utiliser à bon escient. Internet (et d’une autre manière les plates-formes téléphoniques) permet d’apporter un premier niveau de réponse aux besoins et attentes des clients, demandes d’information ou achat simple. Pour le conseil, pour les achats de produits et services complexes, Internet passe le relais au réseau de distribution physique. Le site Web de VAG présente les voitures, mais surtout héberge les serveurs de ses concessionnaires et propose aux cybernautes de prendre rendez-vous avec eux. Bien utilisé Internet ne ferme pas les points de vente physiques, mais les remplit. Les systèmes de géomarketing permettent de cibler ces actions commerciales multi-canaux et de les suivre dans le temps et dans l’espace.
En résumé, la problématique n’est plus aujourd’hui d’optimiser des réseaux d’agences mais bien des canaux de distribution ; tout le monde en est conscient ; encore faut-il se doter du système de pilotage approprié.
Pour les entreprises qui sauront piloter ces évolutions de la distribution et faire évoluer les réseaux, Internet va permettre de conquérir de nouveaux marchés et de renforcer les liens entre les réseaux de distribution physique et les clients.