Intranet, La révolution Internet dans les entreprises

Dossier : InternetMagazine N°524 Avril 1997
Par Jean-Paul FIGER (62)

Same­di 8 février 1997, je suis chez moi. Je com­mence la rédac­tion d’un texte sur l’Intranet pour la revue La Jaune et la Rouge. J’ai pro­mis ce texte pour le 15 février. Je dois impé­ra­ti­ve­ment le ter­mi­ner aujourd’hui car mon emploi du temps pro­fes­sion­nel ne me lais­se­ra pas de répit dans la semaine qui vient. Je sai­sis direc­te­ment sur mon PC “ Intra­net, la révo­lu­tion Inter­net dans les entre­prises… ”. Dès la pre­mière ligne, je bute sur des ques­tions : quelle est la défi­ni­tion de l’Intranet, qu’avons-nous déjà publié à Cap Gemi­ni sur ce sujet, com­ment récu­pé­rer les docu­ments qui se trouvent sur le PC dans mon bureau ?

Mon PC fait par­tie des dizaines de mil­lions d’ordinateurs connec­tés à Inter­net. Les 476 000 ser­veurs publics reliés à Inter­net contiennent 31 mil­lions de pages d’informations. Un clic de sou­ris sur l’outil de recherche Alta­vis­ta me donne le ver­tige. En moins de cinq secondes, ce ser­veur situé en Cali­for­nie m’indique que le mot Intra­net est cité 297 706 fois dans envi­ron 100 000 docu­ments. La liste des 200 docu­ments qui contiennent le plus sou­vent “ Intra­net ” s’affiche. Un simple clic sur le nom et le docu­ment est trans­fé­ré dans mon PC quel que soit l’endroit du monde où il est sto­cké. Un deuxième clic de sou­ris, un mot de passe et j’interroge d’un coup les 21 ser­veurs de connais­sance de Cap Gemi­ni : 128 docu­ments (pré­sen­ta­tions, réfé­rences, études…) traitent le sujet. Dans mon PC, je trouve 92 docu­ments qui citent le mot Intra­net. Je suis ras­su­ré d’avoir toute la mémoire du monde à ma dis­po­si­tion mais l’essentiel reste tout de même à faire pour ne pas inuti­le­ment aug­men­ter l’entropie sur le sujet.

Peu après ma sor­tie de l’X en 1964, avec les deux ou trois cama­rades qui comme moi avaient choi­si le déve­lop­pe­ment du “ soft­ware ” (le mot logi­ciel n’a été inven­té qu’en 1973) nous rêvions d’un ordi­na­teur indi­vi­duel inter­con­nec­té : la prise de cal­cul à côté de la prise de cou­rant. Les nom­breuses ten­ta­tives comme le time sha­ring des années 60, Trans­pac, le mini­tel appor­tèrent de réels suc­cès au niveau des appli­ca­tions pro­fes­sion­nelles mais peu de chan­ge­ments au niveau de la pro­duc­ti­vi­té indi­vi­duelle. Il faut bien recon­naître que la télé­co­pie ou le télé­phone mobile se sont inté­grés dans les habi­tudes de tra­vail plus sim­ple­ment que le cour­rier élec­tro­nique. Les appli­ca­tions infor­ma­tiques étaient carac­té­ri­sées par des coûts de déve­lop­pe­ment et d’exploitation éle­vés, une cer­taine len­teur dans la mise en place ou dans les adap­ta­tions aux chan­ge­ments, un usage com­pli­qué même pour le spé­cia­liste. La très grande varié­té des normes et stan­dards incom­pa­tibles ren­dait toute inter­con­nexion complexe.

La tech­no­lo­gie Inter­net est en train de bou­le­ver­ser le monde des télé­com­mu­ni­ca­tions de la même manière que, depuis vingt ans, l’ordinateur indi­vi­duel trans­forme le pay­sage infor­ma­tique : coûts réduits par des fac­teurs de 10 à 1 000, uti­li­sa­tion de stan­dards de fait mon­diaux, uti­li­sa­teurs indi­vi­duels et entre­prises par­ta­geant les mêmes outils. Les notions de durée et de dis­tance, piliers de la fac­tu­ra­tion des opé­ra­teurs de télé­com­mu­ni­ca­tions, sont abo­lies et rem­pla­cées par le débit. L’interconnexion est mon­diale. Comme pour l’ordinateur indi­vi­duel, la boucle du suc­cès est enclen­chée : l’accroissement du nombre des uti­li­sa­teurs aug­mente l’attrait du mar­ché, incite les entre­prises à inves­tir pour amé­lio­rer les pro­duits ce qui aug­mente la diver­si­té de l’offre, fait bais­ser les prix, donc le nombre d’utilisateurs aug­mente… Le suc­cès d’Internet est inéluctable.

Définition de l’Intranet

Inter­net, Intra­net, Extra­net… Le mot Intra­net a été lan­cé dans le public par l’hebdomadaire Busi­ness Week daté du 26 février 1996 qui titrait sur la cou­ver­ture : INTRANET : la révo­lu­tion Inter­net est arri­vée dans les réseaux internes des entreprises.

L’Intranet est-il le mot à la mode de l’année ou va-t-il dura­ble­ment influen­cer le fonc­tion­ne­ment des entreprises ?

Tout dépend de la défi­ni­tion de l’Intranet. Par­mi les défi­ni­tions pos­sibles, j’ai choisi :

– une défi­ni­tion tech­nique : c’est l’emploi des tech­no­lo­gies Inter­net à l’intérieur de l’entreprise,
– une défi­ni­tion fonc­tion­nelle : c’est le tra­vail en groupes avec les outils bureau­tiques sur le poste de tra­vail : cour­rier élec­tro­nique, agen­da, impri­més élec­tro­niques, télé­con­fé­rences, tra­vail en groupes et “work­flow”.
– une vision : c’est la révo­lu­tion cultu­relle Inter­net à l’intérieur de l’entreprise.

Ces défi­ni­tions ne sont ni exclu­sives ni com­plè­te­ment iden­tiques. Il convient donc d’examiner l’Intranet sous ses divers aspects.

Intranet : l’emploi des technologies Internet à l’intérieur de l’entreprise

Il y a quatre rai­sons prin­ci­pales au suc­cès d’Internet : le pro­to­cole de com­mu­ni­ca­tion TCP/IP, l’adresse mon­diale unique pour les ordi­na­teurs et les docu­ments, des ser­vices de base uni­ver­sels et des coûts de com­mu­ni­ca­tion très faibles.

Dans le pas­sé, les entre­prises déployaient un réseau adap­té à chaque type d’application ou à chaque type d’ordinateur : un réseau pour la mes­sa­ge­rie, un réseau pour les appli­ca­tions internes, un réseau local pour les appli­ca­tions bureau­tiques, un ser­veur Télé­tel pour le grand public.

L’interconnexion de ces réseaux était coû­teuse et se limi­tait à l’indispensable. Pour la pre­mière fois, Inter­net four­nit ce que les ven­deurs de maté­riels et de logi­ciels ont sou­vent pro­mis mais jamais livré : une infra­struc­ture unique, indé­pen­dante des appli­ca­tions qui per­met à tous les uti­li­sa­teurs d’accéder à toutes les appli­ca­tions à l’intérieur et/ou à l’extérieur de l’entreprise. Cette infra­struc­ture unique est peu coû­teuse à ins­tal­ler. La plu­part des com­po­sants comme les ordi­na­teurs indi­vi­duels et les réseaux locaux existent déjà dans les entre­prises. Le logi­ciel TCP/IP est main­te­nant livré gra­tui­te­ment par la majo­ri­té des four­nis­seurs. Le coût d’interconnexion de l’ensemble des machines d’un bâti­ment se réduit à l’achat d’un “ rou­teur ” (autour de 15 000 francs) pour le relier au point le plus proche du réseau interne.

Tous les types de liai­sons sont uti­li­sables pour inter­con­nec­ter les rou­teurs comme une liai­son RNIS com­mu­tée (la moins chère), des liai­sons spé­cia­li­sées (de 64 kbits/s à plu­sieurs méga­bits par seconde) ou même des liai­sons par satel­lite du type VSAT dont les prix sont très concur­ren­tiels pour les grandes dis­tances ou les hauts débits. Pour les entre­prises déjà équi­pées de réseaux, le pas­sage à une infra­struc­ture unique se tra­duit géné­ra­le­ment par une baisse des coûts de télécommunications.

Les uti­li­sa­teurs ont accès à tous les ser­vices internes ou externes à l’entreprise par l’installation d’un logi­ciel unique, le “ brow­ser ”. Il existe des “ brow­sers ” pour tout type de machine (le Navi­ga­teur de Nets­cape ou l’Internet Explo­rer de Micro­soft sont les plus cou­rants). Une fois ce logi­ciel ins­tal­lé, l’utilisateur peut accé­der sim­ple­ment à toutes les appli­ca­tions sur toutes les machines du monde. Cette carac­té­ris­tique a per­mis le déve­lop­pe­ment explo­sif d’Internet.

Dans les entre­prises, la plu­part des appli­ca­tions en réseau récentes ont été écrites sui­vant le modèle du client/serveur. Le logi­ciel de l’application était répar­ti sur le ser­veur et sur les postes clients. Pour chaque nou­velle appli­ca­tion, il était néces­saire d’installer un nou­veau logi­ciel sur les cen­taines ou les mil­liers de postes clients avec les inévi­tables dif­fi­cul­tés liées aux confi­gu­ra­tions dif­fé­rentes et à la dis­per­sion des machines. Il fal­lait ensuite for­mer les uti­li­sa­teurs au nou­veau logi­ciel et en assu­rer le sup­port et la main­te­nance. Sur l’Intranet, le déploie­ment est ins­tan­ta­né dès la mise en ser­vice d’une nou­velle appli­ca­tion sur un ser­veur. Il n’y a pas de nou­veau logi­ciel à déployer sur les postes de tra­vail, ni d’utilisateurs à for­mer. Dans les grandes entre­prises, les éco­no­mies réa­li­sées sur les coûts et les délais peuvent être consi­dé­rables, sou­vent de l’ordre de plu­sieurs fois les coûts de déve­lop­pe­ment de l’application.

L’architecture des applications

Depuis trente ans, l’architecture des sys­tèmes infor­ma­tiques a peu évo­lué. L’ordinateur cen­tral avec ses ter­mi­naux pas­sifs a été rem­pla­cé par des archi­tec­tures client/serveur mais le prin­cipe géné­ral est res­té le même : un ser­veur cen­tral qui com­porte les bases de don­nées gère des mil­liers d’utilisateurs. Le ter­mi­nal client a sou­vent été rem­pla­cé par un micro-ordi­na­teur pour aug­men­ter la sou­plesse d’utilisation et la qua­li­té de l’interface. Le poste de tra­vail client peut ain­si se connec­ter à plu­sieurs ser­veurs mais les appli­ca­tions res­tent sépa­rées. Inter­net a démon­tré que ce modèle est main­te­nant révo­lu. Chaque par­tie du docu­ment pré­sen­té sur le poste de tra­vail peut pro­ve­nir de n’importe lequel des mil­lions d’ordinateurs de la pla­nète de manière trans­pa­rente et rapide. Ce modèle est encore plus effi­cace sur un Intra­net où l’entreprise a la maî­trise du débit du réseau et de la qua­li­té de ser­vice. Les appli­ca­tions doivent main­te­nant être conçues avec le poste de tra­vail client comme pièce cen­trale accé­dant à des mil­liers de serveurs.

Ce ren­ver­se­ment de para­digme, sou­vent dif­fi­cile à faire admettre aux équipes infor­ma­tiques, est cepen­dant une des prin­ci­pales condi­tions du suc­cès des archi­tec­tures Intra­net dans les entreprises.

Et les applications existantes ?

L’Intranet n’est pas la potion magique pour résoudre tous les pro­blèmes de déve­lop­pe­ment d’applications. Rien, pour l’instant, ne peut ins­tan­ta­né­ment rem­pla­cer les appli­ca­tions com­plexes qui ont été déve­lop­pées et amé­lio­rées pen­dant des années. En revanche, il est pos­sible de don­ner tout de suite accès à tous au tra­vers d’une inter­face unique à l’ensemble des appli­ca­tions exis­tantes. La solu­tion de tran­si­tion consiste à conser­ver ces appli­ca­tions en l’état et à les inté­grer dans le nou­veau monde de l’Intranet en les encap­su­lant pour simu­ler le fonc­tion­ne­ment d’un ser­veur Intra­net. Cette encap­su­la­tion peut inté­grer ou non un rha­billage pour ajou­ter des élé­ments mul­ti­mé­dia (images, sons, vidéos…) si néces­saire. Cette tech­nique per­met aus­si d’éviter le “ big bang ” : une par­tie des uti­li­sa­teurs conti­nue à uti­li­ser les anciennes appli­ca­tions en atten­dant d’être reliés à l’Intranet avec un nou­vel équipement.

Un Intranet : pour quels services ?

L’introduction de l’Intranet dans l’entreprise per­met à la fois d’installer très rapi­de­ment de nou­velles appli­ca­tions et de démul­ti­plier les pos­si­bi­li­tés des appli­ca­tions exis­tantes en les fai­sant com­mu­ni­quer. Les nou­velles pos­si­bi­li­tés offertes par l’Intranet dans l’entreprise sont mul­tiples. L’amélioration de la com­mu­ni­ca­tion, la mise en com­mun de res­sources dis­per­sées géo­gra­phi­que­ment pour réa­li­ser une tâche, la pos­si­bi­li­té de com­bi­ner à la fois une pré­sence locale en pro­fi­tant de l’accès à l’expertise glo­bale de l’entreprise, la créa­tion d’équipes vir­tuelles sans aug­men­ter les charges de struc­ture, la pos­si­bi­li­té d’offrir un ser­vice vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un nou­veau jour débu­tant chaque heure dans le monde.

Les pre­miers ser­vices à mettre en place sur un Intra­net sont natu­rel­le­ment ceux qui ont fait le suc­cès de l’Internet public et en tout pre­mier le cour­rier élec­tro­nique. Une récente enquête du Gart­ner Group auprès de 500 entre­prises four­nis­sait le top 5 des appli­ca­tions Intranet :

1. le cour­rier électronique,
2. l’accès à l’Internet public,
3. l’accès aux don­nées de l’entreprise,
4. la dis­tri­bu­tion et la publi­ca­tion d’informations,
5. la ges­tion des documents.

L’installation d’un cour­rier élec­tro­nique ou la connexion du cour­rier élec­tro­nique local avec le reste du monde par Inter­net est l’opération prio­ri­taire. Les éco­no­mies sont immé­diates. Un mes­sage élec­tro­nique est de trois à dix fois moins cher qu’une télé­co­pie selon la dis­tance. Par sa nature asyn­chrone, le cour­rier élec­tro­nique s’adapte aux déca­lages horaires. Les pièces jointes de toutes natures réduisent les pho­to­co­pies et per­mettent la modi­fi­ca­tion et la réuti­li­sa­tion des docu­ments. Une seule contrainte : il faut s’en ser­vir per­son­nel­le­ment. En France, nombre de mana­gers hésitent encore à fran­chir le Rubi­con de la pro­duc­ti­vi­té individuelle.

La mise en place d’un Intra­net avec le cour­rier élec­tro­nique est indis­so­ciable de la consti­tu­tion et de la mise à dis­po­si­tion de tous d’un Annuaire d’entreprise qui gère l’information concer­nant les employés, les ser­vices ou appli­ca­tions dis­po­nibles et les contrôles d’accès. Ces ser­vices d’annuaires sont dis­po­nibles sur le réseau. Les uti­li­sa­teurs y trouvent les infor­ma­tions concer­nant par exemple les numé­ros de télé­phone et les adresses de cour­rier électronique.

Les admi­nis­tra­teurs gèrent l’accès aux ser­vices, les appli­ca­tions aus­si peuvent accé­der direc­te­ment à ces infor­ma­tions. Ces annuaires, quand ils exis­taient, étaient pro­prié­taires et fer­més. Une norme récente (LDAP) va per­mettre à ces annuaires de com­mu­ni­quer entre eux et d’échanger des cartes de visite électroniques.

L’accès à l’Internet public est la deuxième fonc­tion qui séduit les entre­prises, que ce soit pour dif­fu­ser de l’information, échan­ger avec clients et four­nis­seurs ou vendre.

La pré­sence sur le média Inter­net est qua­si gra­tuite. Même les par­ti­cu­liers n’hésitent pas à publier leur “ page mai­son ”. Le PC qui est sur mon bureau contient un petit ser­veur Web (http://jfiger.service. capgemini.fr) acces­sible du monde entier. Inter­net four­nit donc à toute les entre­prises, quelle que soit leur taille, la même visi­bi­li­té sur le mar­ché mon­dial des mil­lions d’utilisateurs Inter­net. La concur­rence achar­née entre le nain Nets­cape et le géant Micro­soft pour domi­ner le mar­ché des “ brow­sers ” Inter­net n’aurait pas été pos­sible sans l’existence d’Internet comme moyen d’information et comme canal de dis­tri­bu­tion. La ges­tion du conte­nu édi­to­rial de ces ser­veurs est cepen­dant une dif­fi­cul­té à ne pas sous-esti­mer. Je ne détaille­rai pas les aspects du com­merce élec­tro­nique qui sont trai­tés dans un autre article de ce numé­ro Internet.

L’accès aux don­nées de l’entreprise est la troi­sième fonc­tion d’un Intra­net. Depuis trente ans, les entre­prises ont accu­mu­lé des don­nées vitales pour leur fonc­tion­ne­ment. Mais chaque sys­tème et chaque tech­no­lo­gie ont géné­ré des îlots com­mu­ni­quant peu entre eux. L’accessibilité à ces infor­ma­tions est câblée et toute modi­fi­ca­tion com­plexe. Les tech­no­lo­gies Intra­net apportent l’interconnexion glo­bale. Tous les uti­li­sa­teurs peuvent avoir accès à toutes les appli­ca­tions s’ils y sont auto­ri­sés bien sûr. Les contraintes tech­niques dis­pa­raissent. Cette inter­con­nexion per­met la créa­tion de groupes de tra­vail vir­tuels (“group­ware ”) qui évo­luent et dis­pa­raissent natu­rel­le­ment en fonc­tion de la vie de l’entreprise. Les don­nées peuvent enfin cir­cu­ler et leur che­mi­ne­ment dyna­mique, orches­tré par les tech­no­lo­gies de “ work­flow ”, qui s’adaptent en temps réel aux modi­fi­ca­tions des struc­tures et des pro­cé­dures de l’entreprise.

La dis­tri­bu­tion et la publi­ca­tion d’information, la ges­tion des docu­ments sont des fonc­tions four­nies à peu de frais par les Intra­net. Dans ces domaines, les éco­no­mies réa­li­sées sont sou­vent dif­fi­ciles à chif­frer en face de coûts cer­tains. Beau­coup d’entreprises (dont nous fai­sions par­tie) avaient tou­jours hési­té à mettre en place ce type de ser­vices. Avec les tech­no­lo­gies Intra­net, ces infor­ma­tions qui la plu­part du temps existent déjà sous forme élec­tro­nique peuvent être mises faci­le­ment à la dis­po­si­tion de la col­lec­ti­vi­té par les pro­duc­teurs eux-mêmes. Les coûts de dif­fu­sion dis­pa­raissent. Si l’information n’est pas encore sous forme élec­tro­nique, les opé­ra­tions de conver­sion peuvent cepen­dant consti­tuer encore un obs­tacle majeur.

Et la sécurité ?

La séquence est un grand clas­sique d’Hollywood. Pen­ché sur un ter­mi­nal, le jeune sur­doué découvre, en quelques ten­ta­tives, le “ code ” qui lui per­met de prendre le contrôle d’un sys­tème infor­ma­tique très secret, de pré­fé­rence mili­taire… L’imaginaire, ampli­fié par des infor­ma­tions à carac­tère sen­sa­tion­nel publiées dans la presse, serait-il deve­nu réa­li­té ? Il est exact qu’Internet n’offre pas de sécu­ri­té. Le réseau se borne à com­mu­ter des paquets d’information. Le réseau ne garan­tit rien, même pas la trans­mis­sion de bout en bout des paquets d’information.

C’est d’ailleurs pour cette rai­son que ce réseau est très simple à déployer avec de bonnes per­for­mances. Toutes les fonc­tions doivent être four­nies par les appli­ca­tions en fonc­tion du niveau de ser­vice requis. Sur Inter­net, il existe de nom­breuses solu­tions simples pour garan­tir un niveau de sécu­ri­té meilleur que celui de la plu­part des sys­tèmes en ser­vice. Le “ fire­wall ”, la bar­rière unique à l’entrée entre le réseau de l’entreprise et l’Internet est pré­sen­tée sou­vent comme une solu­tion miracle pour l’entreprise. En réa­li­té, les risques les plus fré­quents viennent de l’intérieur de l’entreprise. Le niveau de sécu­ri­té néces­saire, variable selon le type d’information, est obte­nu avec une com­bi­nai­son de moyens comme la sécu­ri­té phy­sique d’accès, la sur­veillance, des règles d’utilisation publiées et des dis­po­si­tifs d’authentification des uti­li­sa­teurs et la pro­tec­tion des accès aux ser­veurs. La tech­no­lo­gie Inter­net est celle qui offre la plus grande varié­té de solutions.

Intranet : la révolution

Inter­net dans les entre­prises Si d’un point de vue tech­nique, Inter­net est un réseau mon­dial qui relie des réseaux d’ordinateurs entre eux, Inter­net peut aus­si être décrit comme une com­mu­nau­té de com­mu­nau­tés qui a géné­ré ses propres règles : “ la neti­quette ”. Dans la culture Inter­net, l’information est vue comme une res­source libre et gra­tuite qui ne doit pas sup­por­ter de contraintes. Cha­cun doit pou­voir dire ce qu’il veut en res­pec­tant une auto­cen­sure plu­tôt que des règles fixées par des auto­ri­tés. En quelque sorte une démo­cra­tie élec­tro­nique où cha­cun est libre et responsable.

Ce rêve d’enfants de Mai 68 doit être adap­té aux besoins réels des entre­prises. La mise en place d’un Intra­net doit donc s’accompagner d’une charte d’utilisation qui fixe les droits et les devoirs de cha­cun. Les effets les plus notables concernent les orga­ni­sa­tions répar­ties géo­gra­phi­que­ment où la notion d’isolement dis­pa­raît. Tout le monde garde le contact avec toutes les par­ties de l’organisation. Des com­mu­nau­tés vir­tuelles se créent par centre d’intérêt plu­tôt que par proxi­mi­té géo­gra­phique, la com­mu­ni­ca­tion est diri­gée par l’intérêt non par la hié­rar­chie. De nou­velles formes de tra­vail voient le jour : avec l’introduction des forums, l’échange d’information et la réuti­li­sa­tion pro­gressent. Il n’en reste pas moins vrai que la dif­fu­sion de cette culture est très inégale selon les indi­vi­dus et les situa­tions. En France, les ingé­nieurs sont for­més pour résoudre eux-mêmes des pro­blèmes nou­veaux. Le mot réuti­li­sa­tion est d’abord com­pris comme : “ je déve­loppe pour que mon tra­vail soit réuti­li­sé par d’autres ”. Avant de résoudre un nou­veau pro­blème, le réflexe d’aller voir si tout ou par­tie de la solu­tion n’existe pas quelque part dans l’entreprise ou sur Inter­net sera long à acquérir.

Le mode d’accès à l’information change. L’information n’est plus sys­té­ma­ti­que­ment dis­tri­buée, il faut aller la cher­cher. L’initiative change de camp. Chaque uti­li­sa­teur devient le “ maître de sa propre des­ti­née ”. Les puis­sants outils de recherche, les forums, les robots ou les assis­tants intel­li­gents qui par­courent l’Internet pour vous infor­mer deviennent des auxi­liaires indis­pen­sables. La maî­trise de ce secré­ta­riat élec­tro­nique peut pro­fon­dé­ment trans­for­mer l’efficacité du tra­vail dans les entreprises.

Intranet@CapGemini :
GALAXY

Un groupe inter­na­tio­nal de ser­vices en infor­ma­tique de 25 000 per­sonnes, que je connais bien, a réa­li­sé en 1996 un chiffre d’affaires de 14,8 mil­liards de francs. Le cour­rier élec­tro­nique, ins­tal­lé à par­tir de 1986, était pro­gres­si­ve­ment deve­nu le moyen pri­vi­lé­gié de com­mu­ni­ca­tion et d’échange d’information. 25 000 per­sonnes accu­mulent 120 hommes années d’expérience par jour.

Mais de quelle expé­rience s’agit-il, où se trouve-t-elle et com­ment l’utiliser ? Avec les méthodes tra­di­tion­nelles, il fal­lait comp­ter plu­sieurs mois pour faire remon­ter cette expé­rience, la rendre visible sous forme de réfé­rences, de nou­velles offres de ser­vice ou de manuels tech­niques puis de nom­breux mois sup­plé­men­taires pour pro­duire et dis­tri­buer ces docu­ments dans le monde. Or la vitesse de réac­tion est un élé­ment clé dans la qua­li­té de ser­vice et la com­pé­ti­ti­vi­té d’une entre­prise. Depuis long­temps, nous sou­hai­tions mettre en place un réseau mon­dial de par­tage des connais­sances. Il était cepen­dant impos­sible de chif­frer les gains que nous en retirerions.

Un coût de déploie­ment réduit et la sim­pli­ci­té d’usage étaient déter­mi­nants pour garan­tir un retour sur inves­tis­se­ment rapide. Nous étions reliés à Inter­net depuis 1985 pour avoir par­ti­ci­pé aux pro­grammes de recherche euro­péens Esprit. Pour fonc­tion­ner conve­na­ble­ment, le pro­to­cole Inter­net (TCP/IP) néces­si­tait alors une puis­sance de cal­cul dis­po­nible seule­ment sur des sta­tions de tra­vail haut de gamme réser­vées aux cher­cheurs. À par­tir de l’Intel 486, la puis­sance du micro-ordi­na­teur est deve­nue suf­fi­sante. L’interconnexion mon­diale, l’intégration du mul­ti­mé­dia et la sim­pli­ci­té d’utilisation de l’interface World Wide Web avec les concepts hyper­texte ont per­mis à cette tech­no­lo­gie de se dif­fu­ser en dehors des groupes de cher­cheurs. Dès les pre­miers essais de la tech­no­lo­gie du World Wide Web début 1994, nous avons com­pris que nous tenions enfin la solu­tion. Il a donc été mis en place un réseau Intra­net pour four­nir à 25 000 col­la­bo­ra­teurs à tra­vers le monde l’avantage d’un accès direct peu coû­teux à l’information interne ou externe à l’entreprise et au par­tage des connais­sances. Aujourd’hui, plus de 20 ser­veurs prin­ci­paux, les pla­nètes, des cen­taines de ser­veurs locaux, petits asté­roïdes, forment cette Galaxy du savoir. Envi­ron 80 forums per­mettent aux consul­tants et aux ingé­nieurs d’échanger leurs connais­sances sur des sujets de leur choix.

Résultats et statistiques

En moins d’un an, la qua­si-tota­li­té de l’information, le patri­moine de l’entreprise, a été mise “ en ligne”. C’est la per­sonne qui pro­duit ou pos­sède l’information qui est char­gée de la publier. Cette opé­ra­tion est réa­li­sée aus­si sim­ple­ment qu’un dépla­ce­ment de fichier dans un réper­toire. Tous les docu­ments sont sto­ckés dans leur for­mat d’origine et tous les mots du conte­nu sont auto­ma­ti­que­ment indexés pour en faci­li­ter la recherche par les moteurs de recherches.

Des sta­tis­tiques sont four­nies par le sys­tème et sont consul­tables par tous les uti­li­sa­teurs. Le same­di et le dimanche, l’usage de la Galaxy est de 15 % celui d’un jour de semaine. Le sys­tème est uti­li­sé encore à plus de 10 % de son acti­vi­té moyenne en dehors des heures nor­males de tra­vail des Amé­ri­cains et des Européens.

L’impact de l’Intranet

La mise en ser­vice de l’Intranet a pro­cu­ré des avan­tages immé­diats et mesu­rables dans les domaines de la com­mu­ni­ca­tion, de la pro­duc­ti­vi­té indi­vi­duelle, de la ges­tion des connais­sances, du tra­vail en équipe et de la satis­fac­tion des collaborateurs.

L’amélioration de la communication

Le tra­fic de la mes­sa­ge­rie a été mul­ti­plié par 10 pour atteindre aujourd’hui 500 000 mes­sages échan­gés par semaine auquel s’ajoutent plu­sieurs mil­liards de carac­tères de pièces jointes. Cet accrois­se­ment a été réa­li­sé à coûts constants essen­tiel­le­ment grâce aux baisses des coûts de télé­com­mu­ni­ca­tions. Des éco­no­mies impor­tantes et des gains de temps ont été réa­li­sés dans les coûts de dif­fu­sion des docu­ments comme les infor­ma­tions internes, les pré­sen­ta­tions com­mer­ciales, les réfé­rences, les outils et les méthodes de pro­duc­tion de nos services.

L’amélioration de la productivité individuelle

Les points d’amélioration cités en pre­mier par les uti­li­sa­teurs concernent une meilleure com­pré­hen­sion des ini­tia­tives du groupe, la pré­ci­sion des infor­ma­tions reçues, la sim­pli­ci­té d’utilisation, la vitesse de dif­fu­sion des infor­ma­tions qui per­met de prendre à temps de meilleures décisions.

L’accroissement du capital de connaissances

L’entreprise dépense beau­coup chaque année pour for­mer ses col­la­bo­ra­teurs. L’accès direct aux outils de vente et aux infor­ma­tions tech­niques à jour per­met une for­ma­tion conti­nue en ligne qui génère des éco­no­mies. Une esti­ma­tion sans doute pes­si­miste est de l’ordre de plu­sieurs cen­taines de francs par per­sonne et par mois.

Un renforcement du travail en équipe au-delà des frontières géographiques ou organisationnelles

La tech­no­lo­gie Intra­net a per­mis à des équipes géo­gra­phi­que­ment dis­per­sées de tra­vailler ensemble sur le même pro­jet. Les chefs de pro­jets constatent que ces tech­niques per­mettent de réduire les coûts, d’améliorer la ges­tion du pro­jet et de four­nir direc­te­ment l’état du pro­jet à l’ensemble des membres des équipes et à leur management.

Une meilleure satisfaction des collaborateurs

Les enquêtes réa­li­sées régu­liè­re­ment ont mon­tré une amé­lio­ra­tion glo­bale de la satis­fac­tion des col­la­bo­ra­teurs par la dis­po­ni­bi­li­té en ligne de l’information à jour sur l’entreprise et ses concur­rents. Les cor­don­niers ne sont plus les plus mal chaus­sés ! Plus de la moi­tié des col­la­bo­ra­teurs consi­dère que l’accès direct et rapide à une infor­ma­tion pré­cise per­met de mieux exer­cer ses res­pon­sa­bi­li­tés en amé­lio­rant la prise de décision.

Vers l’entreprise du XXIe siècle ?

Les entre­prises sont confron­tées pour la plu­part à la glo­ba­li­sa­tion de l’économie, à la ges­tion du chan­ge­ment. Les déci­sions doivent être prises plus rapi­de­ment, les pro­duits de meilleure qua­li­té tout en res­tant concur­ren­tiels sur les prix. L’accélération de la mise de nou­veaux pro­duits sur le mar­ché est deve­nu une impé­rieuse néces­si­té. L’accès immé­diat à l’information est un fac­teur clé de suc­cès. Ces contraintes poussent les entre­prises à des réor­ga­ni­sa­tions internes pour amé­lio­rer la pro­duc­ti­vi­té de leurs employés, ren­for­cer les com­mu­ni­ca­tions entre les équipes dis­per­sées tout en inci­tant les dif­fé­rentes uni­tés à pro­duire plus en dépen­sant moins.

Les entre­prises qui réus­sissent sont celles qui sont capables d’assurer un haut niveau de satis­fac­tion à leurs clients, leurs action­naires et leurs employés. L’introduction d’un Intra­net, par ses impli­ca­tions humaines, orga­ni­sa­tion­nelles et tech­no­lo­giques est une oppor­tu­ni­té de repen­ser les pro­ces­sus cri­tiques qui contri­buent direc­te­ment à la satis­fac­tion des clients, des action­naires et des employés.

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