Israël et les accords économiques avec l’Union européenne et les États-Unis
Les cinquante ans d’Israël fournissent une excellente occasion de mieux faire connaître un pays qui ne laisse personne indifférent, mais où les passions prennent souvent le pas sur ce qui reste au cœur de toute approche polytechnicienne : l’observation des faits.
Sachons donc gré à La Jaune et La Rouge de lui consacrer ce dossier.
La vallée du Jourdain © AMBASSADE d’ISRAËL
Chacun d’entre nous connaît les démêlés de B. Nétanyahou et Y. Arafat, mais chacun d’entre nous sait-il qu’Israël est le seul pays au monde qui ait un accord de libre-échange à la fois avec l’Europe et les États-Unis ? Cette spécificité est tellement essentielle que j’ai choisi d’en présenter les principaux aspects en introduction générale aux autres articles.
L’accord Israël-Europe
Une première étape : l’accord de libre-échange du 11 mai 1975
Tout à fait exceptionnel à cette époque, l’accord faisait déjà presque entrer Israël dans le Marché commun en organisant un calendrier de désarmement tarifaire douanier intégral sur quinze ans pour les produits industriels et en accordant des avantages particuliers à l’agriculture israélienne. L’élargissement du Marché commun à l’Espagne et au Portugal a pratiquement étendu à Israël les avantages consentis à ces deux pays membres.
Une seconde étape :l’accord d’association du 20 novembre 1995
Vingt ans plus tard, Israël devient un véritable associé des quinze pays membres. Non seulement ses produits industriels entrent en Europe en totale franchise de douane mais il acquiert un statut d’associé pour :
- les échanges de services,
- l’accès aux programmes de recherche européens,
- l’accès aux marchés publics,
- la certification des normes.
Bien entendu, le processus de paix d’Oslo n’a pas été étranger à un tel renforcement des liens. Symétriquement, la mise en veilleuse actuelle de ce processus n’est pas étrangère à certaines difficultés actuelles. Par exemple, l’Union européenne chicane Israël sur le champ territorial de cet accord : les produits fabriqués dans les territoires occupés sont-ils « israéliens » ? Autre exemple, la France n’a toujours pas ratifié l’accord alors que le Premier ministre, Lionel Jospin, s’était engagé publiquement fin 1997 à le faire ratifier au 1er trimestre 1998.
L’accord Israël-États-Unis
Signé le 22 avril 1985, c’est le premier accord de libre-échange jamais conclu par les USA.
Plus général encore que l’accord de 1975 avec l’Europe, il a permis, à l’issue d’un calendrier de dix ans, de supprimer les droits de douane et les quotas sur tous les produits industriels, agricoles et services.
Bien entendu, il y a réciprocité au bénéfice des produits américains en Israël, mais Israël peut protéger ses nouveaux produits pendant quatre ans.
Le jeu combiné des deux accords
Ce qui est important, c’est de faire fonctionner en parallèle ces deux accords en ayant à l’esprit les trois paramètres suivants :
1• Un accord quasi mondial pour Israël :
le marché européen, avec 34 % des exportations israéliennes et le marché américain, avec 27 % des exportations israéliennes représentent à eux deux l’essentiel du marché mondial d’Israël. C’est dire qu’Israël jouit pratiquement d’un libre-échange total pour son économie.
2• Les règles d’origine :
par-delà les escarmouches politiques évoquées ci-dessus, les règles d’origine des deux accords sont très favorables à Israël :
- du côté européen, est réputé israélien un produit, directement expédié d’Israël et qui soit, ou bien fabriqué en Israël, ou bien y ait subi une « transformation substantielle ». Cela exclut le simple montage ou le simple emballage mais cela inclut tout apport de composants de pays tiers pourvu qu’un pourcentage minimum de la valeur ajoutée soit fabriqué en Israël. Ce seuil est plus ou moins élevé selon les produits mais, en moyenne, il est très faible et permet donc des coproductions avec des pays tiers, surtout avec les pays de l’Union européenne ;
- du côté américain, est réputé israélien un produit directement expédié d’Israël, fabriqué en Israël ou y ayant, comme ci-dessus, subi une » transformation substantielle » fixée à 35 % de la valeur ajoutée. Ce seuil est ramené à 20 % si l’écart de 15 % vient de fournitures américaines.
3• Le pont Europe-USA via Israël : il résulte du jeu combiné de ces deux accords qu’une entreprise textile française, par exemple, pourra échapper aux quotas et droits de douane américains en faisant produire 35 % de valeur ajoutée en Israël. L’exemple n’est peut-être pas très bien choisi car la main-d’œuvre textile est chère en Israël (plus qu’au Maroc ou en Pologne), mais on voit par contre que l’attaque du marché américain via Israël sera optimum pour une entreprise française :
- qui opère en haute technologie (produits ou services),
- qui trouvera en Israël un partenariat compétent et une main-d’œuvre scientifique la moins chère du monde, en rapport qualité-prix (Israël est n° 1 mondial de la recherche par habitant),
- qui fabriquera des produits dont le coût de transport est faible par rapport à la valeur marchande,
- qui aura accès à toutes les aides de la filière recherche-développement-industrialisation dans le cadre des programmes européens de recherche à Israël.
Voici pourquoi on assiste actuellement à un tel essor des start-up technologiques dans les pépinières et incubateurs israéliens : plus de 1 000 start-up, c’est-à-dire plus que Silicon Valley et MIT réunis. L’introduction au Nouveau Marché à Paris, en décembre 1997, du premier fonds de capital-risque israélien, ASTRA, témoigne de la même évolution.
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Dans la course technologique vers l’an 2000, et en particulier dans la compétition entre l’Europe et les États-Unis, toute entreprise française doit savoir que l’économie n’est plus euclidienne et que le plus court chemin de la France aux États-Unis n’est plus la ligne droite, mais passe par Israël.