Israël invente les mobilités de demain
On sait qu’Israël est en pointe pour les équipements de la voiture connectée et autonome. On sait moins que, malgré un taux de motorisation assez faible, la congestion croissante du réseau routier est préoccupante, faute de développement de transports collectifs. En attendant l’arrivée de ceux-ci, des systèmes de régulation électronique ont été mis en place.
La congestion croissante du réseau routier est un sujet de préoccupation pour l’opinion publique israélienne, arrivant loin derrière la cherté de la vie, mais du même niveau par exemple que la situation sécuritaire.
Depuis le début des années 2000, Israël a mis au point des réponses très variées à ce défi, tant par des investissements publics que par des initiatives privées, et notamment par l’innovation technologique.
REPÈRES
À la fin du vingtième siècle, l’État d’Israël était bien équipé en routes mais, avec un étalement urbain important et sans aucune infrastructure de transports collectifs, il rencontrait des problèmes de congestion routière grandissants.
Ce phénomène de congestion est un facteur d’inquiétude pour le développement économique, avec un coût estimé aujourd’hui à 2 % du PIB, aggravé par des perspectives de dégradation dans un scénario de développement au fil de l’eau et malgré un taux de motorisation relativement faible (365 véhicules pour 1 000 habitants en 2015 à comparer au chiffre de 578 en France en 2014).
DÉVELOPPER ET OPTIMISER LES INFRASTRUCTURES
La première catégorie de réponses est le développement des infrastructures ferrées, qui étaient quasi inexistantes à la fin des années 90, l’ensemble des déplacements en transports collectifs s’effectuant par autobus ou autocars.
“ Une préoccupation pour l’opinion d’un niveau comparable à la situation sécuritaire ”
Depuis lors, le réseau ferré a été renforcé : une liaison entre Tel-Aviv et Jérusalem doit ouvrir en 2018, une ligne de tramway a été ouverte à Jérusalem en 2011 et deux autres lignes sont en projet ; une ligne de tramway est en construction à Tel-Aviv et plusieurs autres lignes sont à l’étude, ainsi qu’un réseau de métro.
Mais le développement des infrastructures nouvelles nécessite du temps et des investissements conséquents. Aussi, l’idée d’optimiser l’utilisation des infrastructures routières existantes a été développée avec la mise en service en 2011 d’une voie rapide à péage sur les derniers kilomètres du principal accès autoroutier à Tel-Aviv.
WAZE, OU L’INTELLIGENCE DU NOMBRE
Waze, créé par trois Israéliens en 2008 et racheté par Google en 2013, transforme chaque utilisateur de ce service de GPS en fournisseur de données de trafic.
Cela permet, une fois qu’une masse critique est atteinte, d’estimer finement les conditions de trafic, de reconstituer ainsi le temps de parcours en temps réel pour les utilisateurs ou de manière globale sur un plan d’ensemble, sans le moindre dispositif de mesure physique sur les axes concernés.
L’idée est de réserver une voie d’accès sur l’autoroute aux transports collectifs et au covoiturage, et d’utiliser la capacité résiduelle pour le passage de véhicules individuels dont les conducteurs acceptent de s’acquitter d’un péage dont le prix est fixé dynamiquement en temps réel (variant entre 2 et 25 €) afin de réguler la demande, et payé via un portique de détection automatique, ce qui assure un temps de trajet maximal garanti.
Cette infrastructure au coût de réalisation modeste permet, grâce à l’algorithme de fixation du prix, de garantir un temps de parcours à la fois pour ceux qui utilisent les transports collectifs ou covoiturent, et pour les autres, qui contribuent ainsi financièrement aux externalités de congestion qu’ils génèrent.
L’efficacité du dispositif a conduit le gouvernement à décider la mise en place de projets similaires pour deux autres accès majeurs au centre d’agglomération.
L’INTELLIGENCE DU NOMBRE AU SERVICE DES DÉPLACEMENTS
Dans le domaine des transports, les inefficacités du système de déplacements et le lent développement des infrastructures ont été paradoxalement un levier pour les initiatives mettant à contribution l’intelligence du nombre.
“ Israël fait référence dans le domaine des technologies avancées pour les véhicules ”
De même, Moovit, pendant de Waze pour les transports collectifs, a été créé en 2012. La quasi-absence à l’époque d’information voyageurs en Israël, tant pour les itinéraires que les horaires, a été encore un déclencheur d’idées.
L’objectif premier du service est de fournir un calculateur d’itinéraire en transports collectifs à partir des données publiques et aussi de s’appuyer sur ses utilisateurs pour connaître en temps réel l’heure d’arrivée des prochains bus ou leur taux de saturation, sans avoir à intégrer de manière complexe les données des exploitants.
LE RICHE ÉCOSYSTÈME DES TRANSPORTS INTELLIGENTS ET DES TECHNOLOGIES AUTOMOBILES
Moovit, pendant de Waze pour les transports collectifs, a été créé en 2012.
Waze et Moovit sont deux exemples remarquables parmi une constellation de start-up dans le domaine (stationnement, taxis, covoiturage, itinéraires, etc.), fédérées et encouragées par des structures comme « Ecomotion » plate-forme d’échange et de travail collaboratif sur les transports intelligents, joint-venture entre l’Israel Innovation Institute, les grandes entreprises du secteur et le Fuel Choice Initiative, cadre d’initiative gouvernemental créé en 2010 pour développer les transports non carbonés.
Loin de se limiter à la couche applicative, cet écosystème a aussi produit un grand nombre d’initiatives dans des véhicules légers, à deux, trois ou quatre roues, mêlant habilement design et ingénierie, souvent astucieux mais parfois utopiques.
En termes industriels, c’est surtout dans le domaine de la voiture connectée et autonome qu’Israël peut viser de grandes ambitions, en s’appuyant sur ses immenses capacités algorithmiques et sur son expertise de pointe en matière de cybersécurité, qui sont les deux piliers fondamentaux de la voiture de demain.
Si l’aventure Better Place de la voiture électrique, dont les batteries se remplaçaient dans des stations-service disséminées sur le territoire pour éviter le temps de chargement, s’est soldée par un échec, Israël est devenu aujourd’hui une référence dans le domaine des technologies avancées pour les véhicules.
L’annonce en mars 2017 du rachat par Intel de l’israélien Mobileye en est une preuve manifeste. Cette société, créée en 1999, spécialisée dans la sécurité passive des véhicules basée sur du traitement d’image, a été rachetée pour 15 milliards de dollars : la plus importante transaction d’acquisition d’une société israélienne à ce jour.
Le gouvernement soutient ces orientations stratégiques, notamment par l’annonce d’un plan pour promouvoir les transports intelligents, piloté par la Fuel Choice and Smart Mobility Administration, doté d’un budget d’environ 80 millions d’euros sur cinq ans, qui vise à intégrer les savoir-faire dans les domaines du big data, de l’intelligence artificielle, des systèmes de capteurs, etc.
Ainsi, malgré des infrastructures de transport relativement peu développées et en l’absence de constructeurs d’automobiles nationaux, Israël se positionne en avant-garde et vise une ambition mondiale dans le domaine des transports intelligents et des technologies pour les véhicules du futur.