J.-S. BACH : CONCERTOS BWV 1055, 1056, 1058
Voici un DVD particulièrement instructif. Il est en fait en deux parties. Tout d’abord un film de Bruno Monsaingeon décortique l’enregistrement pour le disque compact des concertos de Bach, avec préparation, répétition et prise de son. La seconde partie montre l’interprétation intégrale des trois concertos qui a suivi l’enregistrement audio. On dispose donc à la fois d’une interprétation filmée de trois des plus beaux concertos de Bach, mais aussi d’un film passionnant d’un grand spécialiste sur la création d’un enregistrement moderne, qui nous apprend beaucoup sur le travail de répétition, de mise en place orchestrale, de coordination interprétative et stylistique entre le pianiste et son orchestre.
David Fray est un pianiste français de vingt-huit ans, extrêmement doué et attachant. Il dirige ici du piano, malgré la barrière de la langue, la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême, petit orchestre de vingt cordes habitué des interprétations à l’ancienne. Le jeu de David Fray est magnifique à entendre (le CD a été un des tubes de l’année 2008, commenté ici par notre camarade Jean Salmona), mais aussi passionnant à voir comme au concert. Le moins qu’on puisse dire est que son apparence et son jeu ne laissent pas indifférent : visage torturé, position du corps déconseillée par tout professeur, on croit voir souvent Glenn Gould. L’image de Glenn Gould est omniprésente dans ce DVD, par la position du pianiste souvent recroquevillée sur le clavier, ses mimiques représentant une concentration extrême et une communion intense avec la musique. Le jeu de David Fray aussi a beaucoup de points communs avec celui de Glenn Gould, par ce mélange de notes déliées et détachées comme au clavecin avec des phrasés inventifs et des nuances seulement possibles au piano.
Le travail de répétition est passionnant. Nous entrons là dans un monde habituellement caché : les choix d’interprétation émergent peu à peu, soit d’un travail personnel et solitaire du pianiste avant les séances de répétition, soit de la confrontation avec son orchestre (il faut voir le regard horrifié de la violoncelliste lorsque David Fray demande exceptionnellement de jouer avec un peu de vibrato, style désormais banni pour les oeuvres antérieures à Beethoven). Les moments de grande tension alternent avec les instants de détente (avec humour et coca light).
Après les répétitions, assister à l’interprétation intégrale est particulièrement enrichissant, car tout ce que le pianiste a demandé et dit qu’il ferait est bien là. On en apprécie d’autant plus ces magnifiques concertos. De plus, voir les musiciens non pas en tenue de concert mais en tenue d’enregistrement (donc en « civil ») donne l’impression qu’ils jouent pour eux-mêmes, après des périodes de répétition intense, et qu’ils profitent d’être ensemble pour se faire plaisir, sans être interrompus par les différentes prises. Et nous, nous assistons à cela, aux premières loges. Exceptionnel.