Jacques FRIEDEL (42), figure emblématique de la science française
Grande famille que celle des Friedel, en lien fort avec l’École polytechnique. En se cantonnant à une pure verticalité, nous rencontrons successivement Georges (1885) le génial découvreur des cristaux liquides, Edmond (1914) grand minéralogiste, directeur de l’École des mines de 1944 à 1963, Jacques (42), Paul (76) et nul ne sait comment Charles (la célèbre réaction de « Friedel et Crafts »), père de Georges, a pu échapper, dans les années 1850, à cette force du destin.
Une carrière de physicien
Jacques, ingénieur du corps des Mines, décidera à la sortie de l’École de se lancer, grâce au « décret Suquet », dans une carrière de physicien.
C’est en Angleterre qu’il se rend, à Bristol, dans le laboratoire de Nevill Mott, futur Prix Nobel de physique, pour entamer de brillante façon sa carrière scientifique.
Il y établit, entre autres, la présence dans les métaux d’oscillations de la densité des électrons autour d’un atome « étranger ». Ce seront les « oscillations de Friedel », enseignées depuis lors dans tous les cours de physique des solides de par le monde. Ainsi explique-t-on la formation de minuscules paquets d’atomes de cuivre dans les alliages Al-Cu (les « duralumins »), et donc la rigidité de cet alliage en regard de celle de l’aluminium pur.
Le « style Friedel »
Ce simple exemple illustre le remarquable exploit de Jacques Friedel : celui d’avoir illustré simultanément, comme très peu ont su le faire, ces deux grands domaines de la physique des solides : celui de leurs propriétés électroniques et celui de leur comportement moléculaire.
Exploit qui devait faire de lui l’un des refondateurs de la physique française d’après-guerre, à laquelle il allait conférer ce « style Friedel » si personnel, où une théorie subtile se construit sur des modèles analytiques simples captant l’essentiel.
Une autorité incontestée
Ayant rejoint l’Université, qu’il ne cesserait de défendre et d’illustrer, professeur à l’université Paris-XI, fondateur avec André Guinier et Raymond Castaing du célèbre Laboratoire de physique des solides d’Orsay, conseiller au CEA, à l’IRSID et en d’innombrables instituts de recherche fondamentale aussi bien qu’industrielle, Jacques Friedel allait jouer un rôle considérable dans l’épanouissement de la science française des soixante dernières années.
Médaille d’or du CNRS (1970), membre (1977) puis président (1992−1994) de l’Académie des sciences, membre de nombreuses académies étrangères, il exerçait une influence allant bien au-delà du périmètre de sa discipline.
Proche de l’École
RECONNAISSANCE
Lorsque Pierre-Gilles de Gennes, qui avait été son élève, apprit que le prix Nobel de physique venait de lui être décerné, sa première réaction fut de déplorer que Jacques Friedel ne l’ait pas reçu avant lui.
Coauteur d’un rapport sur l’enseignement à l’X, il y prône précocement la formation par la recherche et le développement des stages de fin d’études.
Membre du Comité de recrutement des professeurs de physique, il veille sans cesse au souhaitable équilibre entre théoriciens et expérimentateurs.
Membre de son Conseil scientifique au moment du déménagement de l’X à Palaiseau, il œuvre inlassablement pour un renforcement de la recherche à l’École.