Jacques Goldberg (X55) physicien passionné de Talmud et fidèle à l’X

Jacques Goldberg (X55) physicien passionné de Talmud et fidèle à l’X

Dossier : TrajectoiresMagazine N°793 Mars 2024Par Michel GOLDBERG (X59)

Décé­dé en jan­vier 2023, Jacques Gold­berg a mené une brillante car­rière de phy­si­cien et d’informaticien en France puis en Israël. Cher­cheur émé­rite, il a aus­si par­ti­ci­pé à la créa­tion de plu­sieurs start-up.

Jacques est né en 1935 à Bou­logne-Billan­court de parents juifs émi­grés de Pologne : père auto­di­dacte et tan­neur, et mère diplô­mée (mal­gré le nume­rus clau­sus) de phi­lo­lo­gie romane de l’université de Var­so­vie. Sous l’occupation, la famille connut une époque d’errance qui, de Paris à Nice, Luchon, Albi, l’a ame­née à Batz, un hameau des Landes où Jacques fut sépa­ré de ses parents. Après la libé­ra­tion, la famille fut réunie à Montmorency.

Très bon élève, Jacques eut cepen­dant en classe de troi­sième de très sérieuses dif­fi­cul­tés en mathé­matiques. Il fut « sau­vé » en quelques cours par mon­sieur Cho­cha­ni, qui lui ensei­gnait l’hébreu et l’initiait au Tal­mud. Ce maître qui par­lait 27 langues eut sur Jacques une influence majeure, en lui incul­quant une méthode de pen­sée qui a sous-ten­du toute sa démarche scientifique.

Réorientation

Après son bac, alors qu’il devait pos­tu­ler à l’École de tan­ne­rie de Lyon pour prendre la suc­ces­sion de son père, sa pro­fes­seure de mathé­ma­tiques insis­ta pour qu’il pré­pare les grandes écoles : hypo­taupe au lycée Jacques-Decour à Paris, taupe à Louis-le-Grand, l’X en 1955, sor­tie dans le corps des Fabri­ca­tions d’armement. Son ser­vice mili­taire en Algé­rie dans les Aurès au com­man­de­ment d’un
pelo­ton de chars fut pour Jacques la source de cau­che­mars persistants.

Il com­men­ça une car­rière de cher­cheur expé­ri­men­tal en phy­sique des par­ti­cules dans le labo­ra­toire de Louis Leprince-Rin­guet (X20N) à l’X dans le groupe de Ber­nard Gré­go­ry (X38). Autour du cyclo­tron « Saturne » à Saclay, il contri­bua à plu­sieurs pro­jets cen­trés sur la carac­té­ri­sa­tion de nou­velles par­ti­cules nucléaires et de leurs inter­ac­tions à l’aide de chambres à bulles, en étroite col­la­bo­ra­tion avec André Lagar­rigue et Fran­cis Mul­ler, tous deux X44.

En 1967, la guerre des Six Jours condui­sit à l’arrêt par la France de ses livrai­sons d’armes aux pays du Proche-Orient, dont Israël était le prin­ci­pal béné­fi­ciaire. Cette déci­sion que Jacques – tou­jours membre du corps des Fabri­ca­tions d’armement – consi­dé­ra comme une tra­hi­son l’amena à émi­grer en Israël. Il y fut enga­gé dès 1968 comme pro­fes­seur au dépar­te­ment de phy­sique du Tech­nion. Il y déve­lop­pa une étroite col­la­bo­ra­tion avec le Cern, en appor­tant en par­ti­cu­lier d’importantes contri­bu­tions aux détec­teurs de par­ti­cules ins­tal­lés autour des divers accé­lé­ra­teurs qui s’y sont suc­cé­dé et aux logi­ciels d’analyse des images géné­rées par ces détec­teurs (voir J&R n° 537). Ses tra­vaux l’ont conduit à être coau­teur de 557 publications.

De la recherche à l’industrie

Il a mis ses remar­quables com­pé­tences d’infor­maticien au ser­vice de divers pro­jets indus­triels dans le domaine médi­cal, comme le dévelop­pement de cer­tains des pre­miers logi­ciels pour scan­ners ou de moni­teurs en temps réel de com­po­sés san­guins. Jacques fut cocréa­teur de plu­sieurs start-up (voir J&R n° 728).

Il a tou­jours fait preuve d’un grand atta­che­ment à notre école dont il a contri­bué au rayon­nement, notam­ment en la fai­sant appré­cier dans les milieux uni­ver­si­taires israé­liens. Membre actif du groupe X Israël, il a accompa­gné le voyage du bicen­te­naire de l’X en Israël en mai 1994. Il avait même revê­tu son Grand U lors de la céré­mo­nie au cime­tière Caf­fa­rel­li à Saint-Jean‑d’Acre.

Géné­reux de son temps, de ses idées et de son argent, huma­niste, sio­niste convain­cu et ouvert au dia­logue avec les Pales­ti­niens, reli­gieux remar­qua­ble­ment éru­dit mais très tolé­rant, amou­reux de musique clas­sique et de lit­té­ra­ture, Jacques s’est éteint en jan­vier 2023 à Jéru­sa­lem après deux années de souf­frances phy­siques et morales. Il laisse der­rière lui son épouse, trois enfants, dix petits-enfants et nombre d’amis.

Adieu, mon grand frère qui m’a ouvert la voie de la recherche.

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