Jacques Goldberg (X55) physicien passionné de Talmud et fidèle à l’X
Décédé en janvier 2023, Jacques Goldberg a mené une brillante carrière de physicien et d’informaticien en France puis en Israël. Chercheur émérite, il a aussi participé à la création de plusieurs start-up.
Jacques est né en 1935 à Boulogne-Billancourt de parents juifs émigrés de Pologne : père autodidacte et tanneur, et mère diplômée (malgré le numerus clausus) de philologie romane de l’université de Varsovie. Sous l’occupation, la famille connut une époque d’errance qui, de Paris à Nice, Luchon, Albi, l’a amenée à Batz, un hameau des Landes où Jacques fut séparé de ses parents. Après la libération, la famille fut réunie à Montmorency.
Très bon élève, Jacques eut cependant en classe de troisième de très sérieuses difficultés en mathématiques. Il fut « sauvé » en quelques cours par monsieur Chochani, qui lui enseignait l’hébreu et l’initiait au Talmud. Ce maître qui parlait 27 langues eut sur Jacques une influence majeure, en lui inculquant une méthode de pensée qui a sous-tendu toute sa démarche scientifique.
Réorientation
Après son bac, alors qu’il devait postuler à l’École de tannerie de Lyon pour prendre la succession de son père, sa professeure de mathématiques insista pour qu’il prépare les grandes écoles : hypotaupe au lycée Jacques-Decour à Paris, taupe à Louis-le-Grand, l’X en 1955, sortie dans le corps des Fabrications d’armement. Son service militaire en Algérie dans les Aurès au commandement d’un
peloton de chars fut pour Jacques la source de cauchemars persistants.
Il commença une carrière de chercheur expérimental en physique des particules dans le laboratoire de Louis Leprince-Ringuet (X20N) à l’X dans le groupe de Bernard Grégory (X38). Autour du cyclotron « Saturne » à Saclay, il contribua à plusieurs projets centrés sur la caractérisation de nouvelles particules nucléaires et de leurs interactions à l’aide de chambres à bulles, en étroite collaboration avec André Lagarrigue et Francis Muller, tous deux X44.
En 1967, la guerre des Six Jours conduisit à l’arrêt par la France de ses livraisons d’armes aux pays du Proche-Orient, dont Israël était le principal bénéficiaire. Cette décision que Jacques – toujours membre du corps des Fabrications d’armement – considéra comme une trahison l’amena à émigrer en Israël. Il y fut engagé dès 1968 comme professeur au département de physique du Technion. Il y développa une étroite collaboration avec le Cern, en apportant en particulier d’importantes contributions aux détecteurs de particules installés autour des divers accélérateurs qui s’y sont succédé et aux logiciels d’analyse des images générées par ces détecteurs (voir J&R n° 537). Ses travaux l’ont conduit à être coauteur de 557 publications.
De la recherche à l’industrie
Il a mis ses remarquables compétences d’informaticien au service de divers projets industriels dans le domaine médical, comme le développement de certains des premiers logiciels pour scanners ou de moniteurs en temps réel de composés sanguins. Jacques fut cocréateur de plusieurs start-up (voir J&R n° 728).
Il a toujours fait preuve d’un grand attachement à notre école dont il a contribué au rayonnement, notamment en la faisant apprécier dans les milieux universitaires israéliens. Membre actif du groupe X Israël, il a accompagné le voyage du bicentenaire de l’X en Israël en mai 1994. Il avait même revêtu son Grand U lors de la cérémonie au cimetière Caffarelli à Saint-Jean‑d’Acre.
Généreux de son temps, de ses idées et de son argent, humaniste, sioniste convaincu et ouvert au dialogue avec les Palestiniens, religieux remarquablement érudit mais très tolérant, amoureux de musique classique et de littérature, Jacques s’est éteint en janvier 2023 à Jérusalem après deux années de souffrances physiques et morales. Il laisse derrière lui son épouse, trois enfants, dix petits-enfants et nombre d’amis.
Adieu, mon grand frère qui m’a ouvert la voie de la recherche.