Jean Bergougnoux (X59) le « Pavarotti de l’énergie »
Décédé le 3 septembre 2023, Jean Bergougnoux a marqué de son empreinte l’histoire d’EDF. Il a su théoriser et mettre en œuvre des méthodes de management qui ont fait de lui un directeur général unanimement admiré et respecté.
Né le 15 octobre 1939 à Caudéran et reçu à l’X en 1959, Jean Bergougnoux commence en 1964 sa carrière comme administrateur de l’Insee et la poursuit au ministère de l’Industrie. En 1970, il rejoint l’EDF à la direction de la recherche, dans le service des études de réseaux dont il devient rapidement le directeur. Il y a acquis une sérieuse expérience de la modélisation du secteur de l’électricité qui sera sa marque de dirigeant.
En 1980, Jean sera projeté en pleine lumière comme chef du Service des études économiques générales, puis directeur de la Direction générale en charge des études économiques et de la tarification. Il s’inscrit alors dans la lignée des Maurice Allais (X1930), Pierre Massé (X1916) et Marcel Boiteux. Sa maîtrise du monde de l’énergie lui vaudra quelques années plus tard d’être reconnu par le président d’EDF, Pierre Delaporte (X1949), comme le « Pavarotti de l’énergie », exploitant avec facétie sa ressemblance avec le célébrissime ténor.
Management stratégique intégré
Jean avait, sur les questions les plus complexes, cette capacité extraordinaire d’apporter des réponses simples, claires et opératoires. Dans les négociations tarifaires, son souci de la cohérence le conduisait à être ferme sur le fond, mais souple dans la recherche des nécessaires compromis.
En 1987, Jean Bergougnoux est nommé directeur général d’EDF. Il forme, avec le président Pierre Delaporte, un tandem à la complémentarité et la complicité remarquables. Il peut y montrer un vrai talent de manageur de la grande entreprise.
Jean Bergougnoux a d’abord théorisé la méthode de management qu’il entendait voir décliner à tous les niveaux de l’entreprise, de la direction générale jusqu’aux unités. Son « management stratégique intégré » s’est révélé une redoutable méthode pour articuler les différents horizons du temps et ainsi garantir la performance dans la durée. Pour chaque décision, il procédait à un tour de table, laissant à chacun le soin d’exprimer sa position. La synthèse qu’il en faisait démontrait qu’il avait été à l’écoute de tous et sa décision claire appelait nécessairement le consensus et la cohésion.
Jean était aussi un communicant hors pair. Il fallait le voir, lorsqu’il allait sur le terrain, quitter la veste, retrousser les manches, au propre comme au figuré, et, le micro en main, arpenter la scène pendant une heure et demie, sans que personne ne voie le temps passer. Tout était fluide et lumineux. Tous repartaient gonflés à bloc et empreints d’une confiance communicative.
Assurer l’avenir d’EDF
Parallèlement, Jean Bergougnoux a inlassablement travaillé à la construction d’un marché de l’électricité européen, voulu pour des raisons plutôt dogmatiques par Bruxelles. Il a en permanence cherché à préserver les fondamentaux du marché de l’électricité. Son implication a été à la hauteur de la crainte de Pierre Delaporte de voir, selon sa formule, « le massacre d’EDF à la tronçonneuse ».
Cette implication s’est concrétisée en 1992 par la présidence d’Eurelectric, association des électriciens européens. Et puis vint en 1994 la proposition faite à Jean de servir la France autrement, à la présidence de la SNCF. Il a accepté non par ambition personnelle, mais tout simplement parce que, disait-il, « ça ne se refuse pas ». Il y avait tant à faire ! Malheureusement, les grandes grèves de fin 1995 contre le plan Juppé l’amènent à démissionner et à poursuivre sa carrière comme consultant international sur les questions d’énergie.
Jean laisse à tous l’empreinte d’un homme à l’humanisme profond et à l’éthique exigeante. EDF a perdu un grand dirigeant et la France un grand serviteur.