Jean-Charles Samy (82) l’homme des contraires
Dans sa vie Jean-Charles Samy a toujours su marier les contraires, être un grand serviteur du pays tout en restant indifférent à la gloire et aux honneurs, se battre contre son cancer du pancréas qui l’a emporté le 9 avril dernier, tout en acceptant le destin qui l’avait frappé.
Il faudrait pouvoir unir les contraires, l’amour de la vertu
avec l’indifférence pour l’opinion publique, le goût du travail
avec l’indifférence pour la gloire, et le soin de sa santé
avec l’indifférence pour la vie.
Nicolas de Chamfort
Jean Charles, tu étais un des plus jeunes de notre promotion 82. Né à Lyon en 1963, d’une mère issue d’une famille d’instituteurs laïcs et de mathématiciens et d’un père autodidacte brillant, tu as étudié au lycée du Parc où tes capacités en mathématiques ont marqué tes camarades de classe préparatoire. Sur le platâl, tu fus l’un des rares postulant aux grands corps à fréquenter les binets des cancres, cave Kès et Diskal Moderne notamment, tout en travaillant suffisamment pour intégrer le corps des Ponts. Tu as réussi à marier le besoin de camaraderie et de fête, propre à notre âge à cette époque, avec l’envie d’apprendre. Tu es probablement le seul de notre promotion à avoir réussi ce grand écart.
Après les Ponts, c’est la direction générale du Trésor, notamment au comité interministériel de restructuration industrielle. À la suite de cette expérience, tu aurais pu comme beaucoup chercher la gloire, les honneurs et la richesse en rejoignant l’industrie financière mondiale qui était à l’époque avide de polytechniciens et de mathématiciens. Une première expérience de Venture Capitaliste t’ouvrait grandes les portes. Tu as préféré continuer à servir ton pays, dans les grandes entreprises publiques, d’abord Thalès puis Alstom.
Une deuxième famille
En 2010 tu rejoins EDF qui va devenir ta deuxième famille. Tu as commencé avec la production nucléaire, notamment en structurant le programme dit du grand carénage de la direction de la production nucléaire. Un chantier essentiel qui nous assure une énergie bas carbone pour de nouvelles longues années. Une grande contribution à la performance climatique du pays, contribution qui bien sûr ne t’apporta aucune gloire, le nucléaire étant devenu politiquement incorrect à ce moment-là de l’histoire. Certains préféraient le charbon, ce qui t’énervait au plus haut point.
Dans leur discours à la messe d’adieu, tes collègues d’EDF ont insisté sur ta capacité à simplifier, à expliquer, avec tact et humour, les choses les plus complexes qui existent. Tu fais partie des hommes indispensables à la bonne marche de notre économie. Dans la devise de l’école, tu as choisi les deux premiers objectifs, la Patrie et les Sciences. La Gloire, tu la laisses aux autres, à ceux qui ont besoin de l’armée de l’ombre. En prenant l’analogie de la Covid, tu étais à l’hôpital, pas à la télévision.
Au service de tous
De mon côté, je t’ai connu comme camarade, comme ami et pas professionnellement. Et l’impression que tu dégageais toujours, c’était celle d’une intelligence supérieure, une intelligence lumineuse. Tu comprenais tout… mais ne t’en vantais jamais. Ton intelligence, ta compréhension du monde, tu t’en servais pour créer autour de toi une atmosphère de bonté et de bienveillance. Tu nous regardais nous agiter avec un peu de malice, mais surtout avec une immense bonté comme un père le fait avec un jeune enfant qui découvre le monde.
Tu es l’archétype de ce que sait produire l’école : une personne extraordinaire au service de tous, qui accomplit son devoir dans la bienveillance. Tu fais partie de tous ceux qui font bouger le monde sans en revendiquer la gloire. Merci pour cet exemple, qu’il nous inspire tous.