Jean-Claude Parriaud (46), un passionné de recherche
Né à Alès, capitale des Cévennes, le 14 septembre 1926, il tient sans doute de ses origines cette ténacité qui le conduisait à ne jamais s’avouer vaincu. Et il finissait toujours par ne pas l’être. Michelet disait que « les Cévennes offrent le roc, rien que le roc, les schistes tranchants… Vous sentez la lutte de l’homme, son travail opiniâtre, prodigieux, contre la nature. » Jean-Claude en fut une belle incarnation.
Mais c’est en Algérie qu’il passa sa jeunesse. Ses parents sont tous deux professeurs de lycée. Sa mère, Émilienne Garnier, d’origine cévenole, enseigne la physique. Son père, Claude Marius, originaire du Mâconnais, est professeur de mathématiques et il verra passer dans sa classe, outre son brillant fils, d’autres camarades qui, à l’instar de Jean Chapon, lui devront cette admirable formation qui les conduira, devenus adultes, aux plus hautes responsabilités. Ce fut une période bénie pour ceux qui s’en souviennent et me l’ont rapportée.
Après le lycée d’Alger, c’est Louis-le-Grand à Paris, Polytechnique et les Ponts et Chaussées.
Entre-temps, Jean-Claude va mûrir sa foi et sa pratique de protestant convaincu, héritées de sa mère, issue d’une vieille famille d’Alès. Il appliquera dans son comportement les vertus du triptyque foi, espérance et amour. Et il épouse, il y a cinquante-cinq ans, Violette d’Auriol qui lui donnera six enfants et de nombreux petits enfants. Ce fut le début d’une très longue histoire d’amour qu’il va vivre au début à Libreville au Gabon où il occupe son premier poste.
L’Afrique, il faut bien le dire, est sa seconde histoire d’amour. Il va occuper des postes multiples et montrer que la présence française, en cette période troublée, pouvait aussi être civilisatrice. Il en sera récompensé par des distinctions étrangères parmi les plus prestigieuses (Commandeur de l’ordre national de la Côte-d’Ivoire notamment) qui seront complétées au cours de sa carrière dans l’Administration française (Commandeur de la Légion d’honneur, de l’ordre national du Mérite, des Palmes académiques) dont sa discrétion lui interdisait de faire état.
Il revient en France en 1960, au ministère de la Coopération évidemment ! Après ce retour à Paris, sa carrière suit alors un cours plus classique, en dépit d’un nouveau et bref séjour de deux ans en Afrique, à Abidjan.
C’est grâce à Jean-Claude Parriaud que le Laboratoire central des ponts et chaussées jouit d’une reconnaissance bien établie en France et à l’étranger
Directeur départemental de l’Équipement de la Moselle de 1969 à 1973, puis directeur des Équipements et des constructions au ministère de l’Éducation nationale de 1973 à la fin de 1979. Nommé au Conseil général des ponts et chaussées le 28 décembre 1979, il en sera détaché le 30 septembre 1980 pour diriger le Laboratoire central des ponts et chaussées de 1980 à 1987.
Arrêtons-nous sur cette période. Il a fait en sorte que cet établissement jouisse d’une reconnaissance bien établie, en France et à l’étranger, notamment dans le monde anglo-saxon, dans le domaine du génie civil (et la mécanique des sols), le domaine de la ville, de l’exploitation-sécurité des infrastructures, de l’environnement et de la prévention des risques. À cet effet il a organisé le Laboratoire en thèmes de recherche, créé les directions scientifiques, et validé, avec son adjoint Alain Bonnet, la notion de Conseil scientifique pour orienter les recherches. Il a installé en 1984 le premier président de ce Conseil, M. Pierre Piganiol, physicien de renommée mondiale. Son successeur Jean-François Coste m’a dit qu’au cours de sa première mission aux US, ès qualités de directeur du Laboratoire, ses collègues américains l’ont accueilli par : « Ah bon, vous êtes le directeur du LCPC, un grand laboratoire. Nous connaissions bien votre prédécesseur ! »
Des essais sur modèle réduit
Il a enfin fait en sorte que le Laboratoire et notamment son établissement de Nantes ait les moyens de progresser, entre autres dans les essais sur modèle réduit grâce à l’installation d’une centrifugeuse (pour les spécialistes, il s’agit de respecter les équations aux dimensions en adaptant l’accélération de la pesanteur !).
Puis il rejoint à nouveau, le 1er mai 1987, le Conseil général des ponts et chaussées en qualité naturellement, de président de la section des affaires scientifiques et techniques. Il collectionne les titres de président. Nous ne mentionnerons que celui de président de la Commission de génie civil du Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France où encore une fois il va se dévouer pour les autres, aussi bien dans la recherche scientifique et la technique que dans ses relations avec les autres professions, les architectes notamment.
Un homme de sa qualité ne cesse pas de travailler
Il prend formellement sa retraite le 14 septembre 1992. Mais elle est vite oubliée. Un homme de sa qualité ne cesse pas de travailler.
Et c’est ainsi qu’il va, avec René Mayer, développer l’Association Akropolis créée en 1990, réunissant des ingénieurs et des architectes qui ont accédé, dans le secteur public ou dans le secteur privé, à de hautes responsabilités et qui ont décidé de poursuivre leur activité en tant que consultants et experts.
Il anime d’autre part, entre autres, l’Association des Enfants du Gard, retour aux sources ? où je l’ai plus particulièrement connu notamment lors des dîners dans sa bastide de Saint-Privat-de-Champclos. Il s’y retirait avec Violette une bonne partie de l’année et il pouvait dire à l’instar de Balzac parlant de Saché : À Champclos, je suis libre et heureux comme un moine dans son monastère… Le ciel est si pur, les chênes si beaux, le calme si vaste !