Jean Duquesne (52) Un érudit féru d’histoire et de musique
Décédé le 21 décembre 2020, Jean Duquesne, ingénieur général des télécommunications, fut un des combattants les plus engagés de la « bataille du téléphone ». Il est aussi connu comme rédacteur en chef de notre revue – de 1995 à 2007 – et comme auteur d’un Dictionnaire des gouverneurs de province de 1315 à 1791, ouvrage qui fait autorité.
Né à Rennes le 14 février 1932, Jean Duquesne fait ses études à Rodez pendant la guerre, puis à Paris. Son père était cadre administratif dans une banque et sa mère antiquaire. Élève du lycée Louis-le-Grand, il est éliminé du concours de l’X en 1951 pour avoir oublié l’heure de l’épreuve d’allemand. À sa sortie de l’X, il choisit d’être « ingénieur des PTT » selon la terminologie alors en vigueur et complète sa formation à SupTélécom. Très vite, il demande à travailler au Cnet, dans le département de recherche sur les machines électroniques (RME) où il se spécialise dans l’électronisation des centraux téléphoniques.
Il participe notamment au développement des commutateurs E10 qui marquent en France l’avènement de la commutation temporelle qui a révolutionné l’industrie téléphonique. Il termine sa première carrière comme directeur général de Sotelec, société d’économie mixte filiale de France Télécom et des principaux industriels des télécommunications, où il est responsable, entre autres activités, de la revue Commutation et Transmission.
Une seconde carrière dans la presse
Dans le milieu des années 1990, Gérard Pilé, alors rédacteur en chef de La Jaune et la Rouge, cherche un camarade pour lui succéder et fait appel à Jean Duquesne qui l’avait aidé à couvrir les événements marquant l’année du bicentenaire de l’X. Ce dernier rejoint la rédaction de la revue en juin 1995. Très vite il commence, plus que ses prédécesseurs mais moins que ses successeurs, à affirmer la nécessité de dossiers, tout en laissant la porte ouverte sur l’actualité et en accueillant de nombreux articles sous forme de tribunes libres. Il assure la fonction de rédacteur en chef d’abord seul, puis en compagnie d’Alain Thomazeau (56), jusqu’à la fin de 2007, date à laquelle Jean-Marc Chabanas (58) le remplace. Ces douze années passées à l’AX furent pour lui une seconde carrière qui lui donna de très grandes satisfactions.
Un historien passionné par l’Ancien Régime
Jean avait aussi un violon d’Ingres d’une originalité historique plaisante, assez éloignée en apparence de Polytechnique. Encore que… En effet il a établi et publié en 2002 un Dictionnaire des gouverneurs de province sous l’Ancien Régime (1315−1791). Cette œuvre monumentale, réalisée à partir de sources et de documents très nombreux, constitue aujourd’hui un ouvrage de référence qui nous éclaire sur la charge très importante de gouverneur, véritable représentant du Roi en province. Dans le prolongement de ce premier ouvrage, Jean s’est lancé dans la réalisation d’un Dictionnaire des lieutenants-généraux du Royaume, tâche qu’il n’a pas pu terminer tant la collecte de documents et la recherche de sources se révèlent difficiles. Le choix de ces sujets n’est pas dû au hasard, mais à l’admiration profonde de Jean pour l’Ancien Régime : ce monarchiste ne manquait jamais d’assister le 21 janvier à la messe anniversaire de la mort de Louis XVI.
Un esprit aussi original que cultivé
Ses cocons de casert Gérard Théry et Roger Petit-Jean devinrent ses amis et firent comme lui carrière dans les télécommunications. Ils gardent le souvenir d’un esprit extraordinairement érudit – un puits de science qu’on interrogeait à tout propos ; d’un mélomane averti qui adorait l’opéra – surtout Wagner –, et la musique contemporaine – Messiaen, Boulez, Ligeti, Stockhausen ; et d’un homme trop respectueux des autres et trop modeste pour être carriériste. En somme, une version actuelle de ce qu’au Grand Siècle on appelait un « honnête homme ».