Jean-François Saglio (X55), grand défenseur de l’environnement
Décédé le 7 juin 2024, Jean-François Saglio a fait l’essentiel de sa carrière dans l’administration qui lui confia des postes qui l’amenèrent à devenir un ardent défenseur de l’environnement, et en particulier à prédire dès 1977 le réchauffement climatique.
Né à Toulon en 1936 de Georges Saglio, officier de marine, et de Suzanne Pitavy, Jean-François fait ses études secondaires à Janson et sa prépa à Saint-Louis. Il entre à l’X en 1955 et en sort dans le corps des Mines qui l’envoie un an à Alger en 1960 dans le cadre du plan de Constantine, avant de l’affecter en Lorraine où il passera 7 ans au service des mines avant d’être nommé directeur de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, créée par la loi de 1964 à laquelle j’ai eu l’honneur de contribuer aux côtés d’Ivan Chéret, auquel il succède en 1969 à la tête du Secrétariat permanent pour l’étude des problèmes de l’eau tout en étant chargé de mission à l’Élysée auprès de Pompidou pour les questions d’éducation nationale.
Veiller à la qualité de vie
Il est nommé en 1973 directeur de la prévention des pollutions et des nuisances, ce qui en fait le Monsieur Sécheresse en 1976, puis, en 1978, délégué à la qualité de la vie au ministère de l’Environnement. C’est alors qu’il découvre les dangers de « l’accroissement du taux de gaz carbonique dans l’atmosphère » qui, confie-t-il au Point en 1977, pourrait aboutir à « la création d’un effet de serre » et à « l’augmentation de la température moyenne du globe ».
En 1979, on le retrouve à la tête de l’agence foncière et technique de la région parisienne et en 1981 directeur de l’innovation puis DGA d’Elf Aquitaine. Il est quelques mois directeur général de l’industrie en 1988, puis secrétaire général de Roussel Uclaf en 1989, directeur général de CEA Industrie en 1992, avant de revenir à ses premières amours pour présider l’agence de l’eau Rhin-Meuse jusqu’en 1997. Il est ensuite ingénieur-conseil et préside de nombreuses organisations dont l’Institut français de l’environnement, Airparif, BNFL, Dexter et Carlo Tassara, aux côtés de Romain Zaleski (X53) .
« Vous nous dites que nous sommes le sel de la terre. Alors ne nous laissez pas moisir sous le boisseau… ».
Membre du conseil d’administration de l’Institut Georges Pompidou, Jean-François a publié en 1982 avec Claude Pompidou Pour rétablir une vérité, « mémoires » de Georges Pompidou. Il avait aussi son franc-parler. Je me souviens d’un colloque organisé à Royaumont vers 1960 par le corps des Mines pour réfléchir à son avenir. Il y avait pris la parole au nom des jeunes générations de corpsards, qui se demandaient s’ils allaient longtemps moisir en service ordinaire, et avait conclu en paraphrasant saint Matthieu : « Vous nous dites que nous sommes le sel de la terre. Alors ne nous laissez pas moisir sous le boisseau… ».
Mais sa brillante carrière montre qu’il n’a pas vraiment moisi, comme le montre son interview dans Le Point du 5 juillet 2020 lorsqu’il nous mettait en garde : la nature ne pourra pas tout réparer, la technique ne pourra pas tout compenser, remettre le monde en état de nature, ce ne sera pas possible ; tout cela doit nous inviter à beaucoup de prudence.
Le goût de l’art et de la culture classique
Marié en 1968 à Odile Bertrand, professeure de médecine et anatomopathologiste, dont il a eu trois enfants (parmi lesquels Marc-Antoine, X89) et sept petits-enfants, Jean-François était doté d’une très grande culture classique, acquise dès l’enfance, lui permettant de vous faire visiter le Louvre ou la vallée du Nil sans guide, de réciter d’innombrables passages de pièces classiques, des vers et des vers de poésie française, d’écrire en grec… Peut-être un atavisme issu d’un aïeul, Edmond Saglio, coauteur avec Charles Daremberg du fameux Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, ouvrage monumental en 10 volumes du XIXe siècle, qu’il connaissait bien. Aquarelliste amateur mais avec du talent, offrant souvent ses aquarelles en cadeau ou en remerciement à ses amis, et elles étaient toujours appréciées.