Jean-François Saglio (X55) grand défenseur de l’environnement

Jean-François Saglio (X55), grand défenseur de l’environnement

Dossier : TrajectoiresMagazine N°799 Novembre 2024
Par Hubert LÉVY-LAMBERT (53)

Décé­dé le 7 juin 2024, Jean-Fran­çois Saglio a fait l’essentiel de sa car­rière dans l’administration qui lui confia des postes qui l’amenèrent à deve­nir un ardent défen­seur de l’environnement, et en par­ti­cu­lier à pré­dire dès 1977 le réchauf­fe­ment climatique. 

Né à Tou­lon en 1936 de Georges Saglio, offi­cier de marine, et de Suzanne Pita­vy, Jean-Fran­çois fait ses études secon­daires à Jan­son et sa pré­pa à Saint-Louis. Il entre à l’X en 1955 et en sort dans le corps des Mines qui l’envoie un an à Alger en 1960 dans le cadre du plan de Constan­tine, avant de l’affecter en Lor­raine où il pas­se­ra 7 ans au ser­vice des mines avant d’être nom­mé direc­teur de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, créée par la loi de 1964 à laquelle j’ai eu l’honneur de contri­buer aux côtés d’Ivan Ché­ret, auquel il suc­cède en 1969 à la tête du Secré­ta­riat per­ma­nent pour l’étude des pro­blèmes de l’eau tout en étant char­gé de mis­sion à l’Élysée auprès de Pom­pi­dou pour les ques­tions d’éducation nationale.

Veiller à la qualité de vie

Il est nom­mé en 1973 direc­teur de la pré­ven­tion des pol­lu­tions et des nui­sances, ce qui en fait le Mon­sieur Séche­resse en 1976, puis, en 1978, délé­gué à la qua­li­té de la vie au minis­tère de l’Environnement. C’est alors qu’il découvre les dan­gers de « l’accroissement du taux de gaz car­bo­nique dans l’atmosphère » qui, confie-t-il au Point en 1977, pour­rait abou­tir à « la créa­tion d’un effet de serre » et à « l’augmentation de la tem­pé­ra­ture moyenne du globe ».

En 1979, on le retrouve à la tête de l’agence fon­cière et tech­nique de la région pari­sienne et en 1981 direc­teur de l’innovation puis DGA d’Elf Aqui­taine. Il est quelques mois direc­teur géné­ral de l’industrie en 1988, puis secré­taire géné­ral de Rous­sel Uclaf en 1989, direc­teur géné­ral de CEA Indus­trie en 1992, avant de reve­nir à ses pre­mières amours pour pré­si­der l’agence de l’eau Rhin-Meuse jusqu’en 1997. Il est ensuite ingé­nieur-conseil et pré­side de nom­breuses orga­ni­sa­tions dont l’Institut fran­çais de l’environnement, Air­pa­rif, BNFL, Dex­ter et Car­lo Tas­sa­ra, aux côtés de Romain Zales­ki (X53) .

« Vous nous dites que nous sommes le sel de la terre. Alors ne nous laissez pas moisir sous le boisseau… ».

Membre du conseil d’administration de l’Institut Georges Pom­pi­dou, Jean-Fran­çois a publié en 1982 avec Claude Pom­pi­dou Pour réta­blir une véri­té, « mémoires » de Georges Pom­pi­dou. Il avait aus­si son franc-par­ler. Je me sou­viens d’un col­loque orga­ni­sé à Royau­mont vers 1960 par le corps des Mines pour réflé­chir à son ave­nir. Il y avait pris la parole au nom des jeunes géné­ra­tions de corp­sards, qui se deman­daient s’ils allaient long­temps moi­sir en ser­vice ordi­naire, et avait conclu en para­phra­sant saint Mat­thieu : « Vous nous dites que nous sommes le sel de la terre. Alors ne nous lais­sez pas moi­sir sous le boisseau… ».

Mais sa brillante car­rière montre qu’il n’a pas vrai­ment moi­si, comme le montre son inter­view dans Le Point du 5 juillet 2020 lorsqu’il nous met­tait en garde : la nature ne pour­ra pas tout répa­rer, la tech­nique ne pour­ra pas tout com­pen­ser, remettre le monde en état de nature, ce ne sera pas pos­sible ; tout cela doit nous invi­ter à beau­coup de prudence.

Le goût de l’art et de la culture classique

Marié en 1968 à Odile Ber­trand, pro­fes­seure de méde­cine et ana­to­mo­pa­tho­lo­giste, dont il a eu trois enfants (par­mi les­quels Marc-Antoine, X89) et sept petits-enfants, Jean-Fran­çois était doté d’une très grande culture clas­sique, acquise dès l’enfance, lui per­met­tant de vous faire visi­ter le Louvre ou la val­lée du Nil sans guide, de réci­ter d’innombrables pas­sages de pièces clas­siques, des vers et des vers de poé­sie fran­çaise, d’écrire en grec… Peut-être un ata­visme issu d’un aïeul, Edmond Saglio, coau­teur avec Charles Darem­berg du fameux Dic­tion­naire des anti­qui­tés grecques et romaines, ouvrage monu­men­tal en 10 volumes du XIXe siècle, qu’il connais­sait bien. Aqua­rel­liste ama­teur mais avec du talent, offrant sou­vent ses aqua­relles en cadeau ou en remer­cie­ment à ses amis, et elles étaient tou­jours appréciées. 

Poster un commentaire