Jean Gandois (49) une personnalité forte et contrastée
Né le 7 mai 1930 à Nieul (Haute-Vienne), Jean Gandois entre à l’X en 1949 et en sort dans le corps des Ponts et Chaussées. De 1954 à 1960, il est embauché par les Travaux publics de Guinée, puis au Brésil et au Pérou en tant qu’expert pour les programmes routiers. En 1961, il rentre dans le groupe Wendel où il devient en 1972 directeur général de Sacilor, puis président-directeur général de Sollac.
Sur la voie royale de l’industrie
C’est le début d’une voie royale qui va l’amener à occuper des postes-clés dans l’industrie. En 1976, il entre chez Rhône-Poulenc, à la demande du président Renaud Gillet, pour en devenir le directeur général, puis président-directeur général. Il quitte le groupe en 1982 et exerce jusqu’en 1986 l’activité de consultant international. En 1986, il devient président-directeur général de Pechiney, qu’il quitte en 1994 pour prendre la présidence du Conseil national du patronat français (aujourd’hui le Medef).
Lors de l’alternance de 1997, il s’oppose violemment à l’adoption de la loi sur les 35 heures portée par son ancienne collaboratrice Martine Aubry, qu’il avait connue à Pechiney. Affirmant avoir été berné par le Premier ministre, qui lui aurait assuré qu’il n’y aurait pas de loi obligatoire sur le sujet, il quitte sur-le-champ le sommet social et démissionne avec fracas de la présidence du CNPF, où Ernest-Antoine Seillière lui succédera. Il déclarait à cette occasion : « Je suis plutôt un négociateur qu’un tueur. Je ne pense pas avoir le profil nécessaire pour défendre les entreprises. »
Un homme aux multiples visages
Président de Cockerill-Sambre depuis 1987, il exerça de multiples autres fonctions : président d’honneur du Medef, il a aussi été administrateur de plusieurs sociétés dont BSN, Compagnie financière de Paris, Lyonnaise des eaux, Vallourec, Cie française Philips, Hewlett-Packard France. Il fut également membre du conseil de surveillance de Peugeot S.A. Il fut également censeur d’Eurafrance et administrateur de l’Institut Curie. De nombreux polytechniciens ont eu l’occasion de travailler à ses côtés. C’est le cas de Richard Armand (57), qui fut membre du comité exécutif de Pechiney qu’a présidé Jean Gandois, de son arrivée en 1986 à son départ en 1994, et qui nous donne son témoignage :
« Jean Gandois est de ces personnalités fortes et contrastées que l’on ne peut décrire qu’en les effleurant. Dans un monde qui n’était pas toujours favorable à l’industrie, il a relevé des défis ambitieux au point d’excéder parfois les forces du groupe qu’il dirigeait. Il avait gardé de son Limousin natal une authenticité terrienne, voire bourrue, dont il craignait peut-être qu’elle le desservît dans les sphères codifiées du pouvoir. Son dehors fier et nerveux cachait une profonde simplicité. Le président, qui dans la journée avait incarné la statue du commandeur, n’hésitait pas à chanter le soir avec ses collaborateurs. Quand il quittait l’habit de son rôle, il redevenait lui-même.
Après avoir peut-être claqué la porte d’un ministre, il savait s’excuser auprès d’une secrétaire d’avoir un peu haussé le ton. Il aimait les feux de la rampe et le commerce des grands qui attestaient son rang, sa réussite et sa réputation, mais il affectionnait les repas de chasse. Personnage aux yeux des uns, compagnon au cœur des autres, il aura suscité, selon les hommes et les circonstances, la réserve ou l’élan, l’abandon ou la loyauté, la révérence ou l’amitié. »
Jean Gandois est décédé à l’âge de 90 ans le 7 août dernier à Cerdon-du-Loiret, en Sologne.
Au long de sa carrière, il eut à affronter plusieurs tempêtes : celle qui secoua la sidérurgie française dans les années 1970, puis celle qui ballotta le secteur du textile et de l’aluminium. Quelquefois présenté comme autoritaire, voire rude, mais aussi adepte sincère du dialogue social, il est souvent considéré comme un des derniers « grands capitaines d’industrie de l’histoire économique européenne ». Il aura incontestablement marqué l’histoire économique et industrielle récente de notre pays.