Jean Gunther (53), un ardent défenseur de la science au service du progrès
Décédé le 29 novembre 2020, Jean Gunther a fait toute sa carrière au service de l’industrie.
Son attachement au rationalisme scientifique l’a amené à des engagements associatifs qui défendaient les idées auxquelles il tenait.
Jean Gunther est né le 14 décembre 1934 à Vienne (Autriche). Peu après l’Anschluss, sa famille vint se réfugier en France pour fuir les persécutions raciales. Beaucoup plus tard, Jean m’a confié que son père avait alors reçu l’aide d’un de ses amis français qui avait pu lui obtenir du travail et un visa. Cet ami était l’oncle d’un de nos camarades de promo, Daniel Tardy (53). Devenu français par naturalisation, il fit de brillantes études secondaires ; en 1951, il fut lauréat du deuxième prix au concours général de physique, le premier prix ayant été décerné au futur major de sortie de notre promotion et professeur au Collège de France, Marcel Froissart. À sa sortie de l’X, il choisit le corps des Mines. En 1957, lors de sa formation aux Mines de Paris, il fit un stage d’un an au CEA qui exerça sur lui une très profonde influence.
Les bienfaits de la science
Dès la première année de notre scolarité commune, je fus frappé par la force de caractère de Jean, par la fermeté de sa croyance en les bienfaits de la science mise au service du progrès humain. J’admirais la finesse de ses analyses, souvent très pertinentes, et sa capacité de décision. Il semblait ne jamais être sujet à des périodes d’hésitation.
Durant toute sa carrière, il resta au sein du corps des Mines, attaché au ministère de l’Industrie (dont la dénomination officielle a plusieurs fois changé), avec des périodes de détachement : aux Charbonnages de France, à l’Institut de recherche en informatique et en automatique (Iria, aujourd’hui Inria), à l’École nationale supérieure de la métallurgie et de l’industrie des mines de Nancy, dont il fut directeur technique, et à l’Institut national polytechnique de Lorraine.
Il fut concerné par le plan calcul, lancé en 1966 par le président Charles de Gaulle, dans le but de doter la France d’une industrie informatique indépendante. Il connut de près les travaux de la Commission ministérielle d’étude pour l’enseignement des mathématiques (1966−1973), présidée par André Lichnerowicz, qui se proposait de moderniser l’enseignement des mathématiques à l’école primaire, au collège et au lycée.
Combattre les croyances irrationnelles
Très attaché au rationalisme scientifique, il était prompt à dénoncer les croyances irrationnelles ou les erreurs logiques, même lorsqu’elles étaient le fait de personnalités très en vue. Son langage peu diplomatique a sans doute nui à sa carrière. Il se sentait très concerné par les questions de sécurité dans l’exploitation minière et, plus généralement, dans toutes les activités industrielles. Pour lui, l’énergie nucléaire était bien moins dangereuse et moins polluante que les barrages hydro-électriques ou l’exploitation des combustibles fossiles. Il considérait comme une grave erreur la fermeture de la centrale de Fessenheim. Faire partager ses convictions à ses concitoyens était pour lui un impérieux devoir.
Jean Gunther était très attentif aux autres, soucieux d’être utile à la collectivité. Dès sa scolarité à l’École des mines de Paris, il consacrait une part non négligeable de son temps à traduire des livres en braille pour une association d’aide aux aveugles. Passionné par l’astronomie , il habita quelque temps en Haute-Provence, en un lieu qu’il avait choisi pour la pureté du ciel. Il s’est beaucoup impliqué dans plusieurs associations, notamment l’Association française pour l’information scientifique (Afis) et l’Association des écologistes pour le nucléaire, que préside notre camarade Bruno Comby (80). Il fut, hélas, victime de la pandémie de Covid-19. Jean Gunther laisse derrière lui cinq enfants, dix petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants.