Jean-Laurent Granier (85) : « Les assureurs sont la ceinture de sécurité de l’économie réelle »
Alors que la crise de la Covid-19 a bouleversé le paysage économique, social et sanitaire mondial, Jean-Laurent Granier (85), PDG de Generali France qui est aussi Président du groupe Europ Assistance et Vice-Président de la Fédération Française de l’Assurance revient sur le rôle fondamental d’un métier dont la vocation est de protéger autant que d’investir à long terme, participant ainsi à la relance et à la transformation de l’économie.
Comment la crise de la Covid-19 a‑t-elle impacté le secteur de l’assurance ?
Personne n’était préparé à affronter une situation aussi grave que la pandémie de la Covid-19, aussi globale et systémique. La période de confinement a mis l’économie à l’arrêt quasi total pendant plus de 2 mois. Nous avons dû reconfigurer nos méthodes de travail, placer nos collaborateurs en travail à distance, fermer nos agences tout en continuant à assurer la continuité de services à nos clients. Beaucoup de métiers ont été mobilisés pour répondre à l’urgence sanitaire ou pour assumer les fonctions vitales du pays. Nous avons voulu soutenir les personnels soignants par diverses mesures, notamment en faisant un don de 3 millions d’euros à la Fédération hospitalière de France pour participer aux besoins d’urgence des 38 établissements publics en première ligne pour lutter contre la Covid-19, pour acheter des matériels de soins ou de protection des équipes soignantes. Beaucoup d’entreprises et de professionnels ont dû cesser leur activité. Sur tous les pans de l’économie, l’assurance a été impactée : sur tous nos cœurs de métiers (multirisques professionnelles et d’entreprises, complémentaires santé, prévoyance — décès, invalidité, arrêt de travail —, épargne, multirisques de particuliers, assurances auto…) comme au plan financier en tant qu’investisseur. Malgré cela, nous avons été le seul secteur professionnel privé aux côtés des régions à participer au fonds de solidarité gouvernemental et en mobilisant près de 3,5 milliards d’euros dans diverses mesures de soutien ou d’investissement. Et pourtant, notre rôle sociétal n’est pas reconnu à sa juste valeur : celui de ceinture de sécurité et d’investisseur à long terme de l’économie réelle. Nous sommes les garants de l’épargne et par là même l’instrument clé de protection de l’économie nationale ; les seuls à pouvoir prendre des positions qui ne sont pas arbitragistes à court terme et à apporter des fonds propres durablement à disposition de l’économie. Mais ne nous y trompons pas : les conséquences de la crise sanitaire ne sont pas derrière, mais devant nous : problèmes d’emploi, de faillites d’entreprises, de déficit budgétaire… Pour garantir la relance, l’économie aura besoin des assureurs pour jouer leurs rôles de protecteurs et d’investisseurs.
Jean-Laurent Granier (85) : « Nous avons voulu soutenir les personnels soignants par diverses mesures, notamment en faisant un don de 3 millions d’euros à la Fédération hospitalière de France »
Quels sont les défis auxquels votre secteur va être confronté à l’avenir ?
Cette crise de la Covid-19 s’inscrit en résonnance avec les dérèglements climatiques et environnementaux et exacerbe nos enjeux de société. C’est toute une architecture de risques qui fait aujourd’hui système. Les risques auxquels la société est exposée, et que nous devons désormais couvrir, ont changé d’échelle. C’est pourquoi la relance de la machine économique doit être fondée sur des bases différentes, plus respectueuses de l’environnement et plus économiquement soutenables autour de trois grands défis :
— la transition démographique avec l’allongement de l’espérance de vie.
Particulièrement touchés par la crise sanitaire, 92 % des victimes de la Covid ont 65 ans et plus. Tout un ensemble de nouveaux services est à développer en matière de e‑santé, de téléconsultation, de prévention, de services d’assistance permettant notamment le maintien à domicile et une longévité sereine et active. S’ajoutent les enjeux de dépendance, la « 5e branche » de la Sécurité sociale, avec cette réforme tant attendue à laquelle notre profession participe ;
— la transition climatique.
Le dérèglement du climat est certainement le plus grand risque de ce siècle ! Les phénomènes brutaux comme les ouragans, les pluies torrentielles ou les crues éclairs nous endeuillent à présent régulièrement. Nous devons faire évoluer nos méthodes pour optimiser la modélisation prospective et développer les actions de sensibilisation, de pédagogie et de prévention. Aux côtés de ces outils métier, les enjeux de transition climatique sont au cœur de nos choix d’investissements ISR (investissements socialement responsables) pour une relance verte et inclusive ;
— la transition sanitaire et sécuritaire.
Nous serons en mesure de modéliser les impacts des risques pandémiques comme nous avons modélisé ceux liés aux accidents climatiques. Nous devons aujourd’hui définir un régime qui puisse parer aux grandes catastrophes extérieures : fermeture administrative suite à pandémie, à émeutes ou encore pour prévenir les effets d’une catastrophe environnementale, dans un véritable partenariat public-privé compte tenu des impacts et des sommes en jeu. Les assureurs sont en ordre de marche pour remettre leurs premières conclusions d’ici à cet été.
“En tant qu’investisseurs, nous avons un rôle majeur de financement de l’économie et devons flécher l’argent que nous confient nos clients vers les secteurs d’avenir, qui vont participer à la nécessaire transformation de notre économie.”
Quel rôle entend tenir un groupe comme Generali face à ces enjeux ?
En tant que Groupe, nous devons jouer un rôle moteur à l’échelle internationale comme à l’échelle de chaque pays où nous opérons. En France, Generali est sur cette voie, en ayant fondé des unités d’excellence dont le Generali Climate Lab qui désormais modélise les risques climatiques à l’échelle de nos territoires en ayant recours au big data et à l’open data, à l’intelligence artificielle et en travaillant en architecture ouverte avec des unités de recherche et des universités. Nous nous appuyons sur les nouvelles technologies de l’intelligence artificielle (IA), de Robot Process Automation (RPA) et d’optimisation de la data avec nos autres unités d’excellence : les équipes de la Generali Cognitive Factory (IA – RPA) et du Data Lab (Big et open data). Enfin une équipe d’actuaires et de data scientists basée à Nantes, dénommée Risk Modeling Factory, est en charge d’optimiser la modélisation des risques. Nous devons placer les enjeux de responsabilité sociale et environnementale en colonne vertébrale de notre stratégie pour contribuer à l’émergence de comportements qui participent aux 3 transitions que j’ai décrites. En tant qu’investisseurs, nous avons un rôle majeur de financement de l’économie et devons flécher l’argent que nous confient nos clients vers les secteurs d’avenir, qui vont permettre la nécessaire transformation de notre économie. 81 % de nos actifs financiers (détenus en direct et gérés par Generali Investments) répondent ainsi à des critères ESG internes, c’est-à-dire respectueux des équilibres environnementaux, sociaux et ayant une éthique de gouvernance. Plus de 62 % des surfaces locatives de bureaux gérées par Generali Real Estate sont certifiées ou labellisées avec des normes de durabilité. L’offre ISR (investissements socialement responsables) en unités de compte se déploie avec le référencement de 48 sociétés de gestion et de 168 supports orientés explicitement vers un développement durable.
En tant qu’acteurs engagés de notre secteur, nous sommes les vigies des grandes transitions démographiques et climatiques. Nous participons à des réflexions et à des think-tanks comme le Club Landoy sur la révolution démographique et nous développons de nouveaux services qui doivent permettre une longévité autonome et sereine. Nous devons aussi nous mettre au travail avec la sphère publique pour bâtir des partenariats publics-privés (PPP) et des systèmes de protection afin que les risques à venir ne puissent pas paralyser les économies. Nous soutenons notamment l’idée d’une coordination européenne avec une approche PPP dans laquelle les assureurs peuvent apporter leur rôle d’expert en prévention et résilience. L’ambition de Generali est d’être le partenaire de nos clients et de les accompagner dans leur vie et leurs projets et aussi d’être l’un des gardiens des grands équilibres de notre civilisation. Nous, assureurs, nous devons affirmer avec force et conviction notre rôle économique et sociétal pour garantir le développement économique à moyen et long terme !
Pour en savoir plus
Site Internet de Generali France
« Les nouvelles technologies sont au coeur de notre réflexion », La Jaune et la Rouge n° 743, mars 2019