Jean PANHARD (33), la force de ne jamais renoncer
Toujours courtois, souriant, Jean était un camarade délicieux et parfois facétieux. Ainsi, reçu à l’X en 1933, il décide de se présenter à la Kès. Pour faire sa réclame, il va suspendre d’énormes calicots sur les immeubles situés en face de l’École.
Le général commandant l’École n’apprécie pas et envoie Jean et son binôme (Aitoff) en prison. Conséquence : sa brillante élection comme kessier. Merci, mon Général !
De 1935 à 1937, il fait l’école d’application d’artillerie à Fontainebleau, où il constate que les canons sont encore tirés par des chevaux. A‑t-il eu à ce moment-là l’intuition que l’automobile avait devant elle un grand avenir ?
“ La plus ancienne entreprise automobile du monde ”
Ayant achevé sa formation, il entre chez Panhard, entreprise fondée en 1891 par son grand-oncle René qui, associé à Émile Levassor, avait alors produit une série de 30 voitures, constituant ainsi la plus ancienne entreprise automobile du monde.
Une production haut de gamme
Cette société, très prospère grâce à son catalogue de véhicules haut de gamme, ne s’était malheureusement pas convertie à la production en grande série. Or en 1945, à l’issue de la guerre, Paul-Marie Pons (24), haut fonctionnaire, avait conçu un plan qui prévoyait que seuls Citroën, Renault, Peugeot et Simca pourraient bénéficier des approvisionnements en matières premières nécessaires à la production.
Jean Panhard et son père, ne s’avouant pas vaincus, se rapprochent alors de Jean-Albert Grégoire (18), fondateur de l’aluminium français, et obtiennent de Pons que Panhard fasse partie du plan à condition de produire un véhicule en aluminium.
Ainsi fut produite la Dyna, de conception avant-gardiste, suivie de la Junior, la PL 17, la 24.
Malheureusement handicapée par un passage trop tardif à la grande série, l’entreprise n’était pas viable, ce qui amena Jean Panhard à conclure des accords avec Citroën qui ne maintint pas la marque pour les véhicules de tourisme, conservant la seule activité militaire (voir encadré).
De nombreuses responsabilités
En plus de ses activités d’industriel, Jean Panhard a assumé de nombreuses responsabilités durant de nombreuses années : président de la Chambre syndicale des Constructeurs d’automobiles, président du Salon de l’auto, président de l’assemblée permanente des Chambres de commerce et d’industrie en France et en Europe, président de l’Automobile Club de France, membre du Comité exécutif du CNPF (Medef aujourd’hui), etc.
“ Seule l’entreprise crée des richesses ”
Ces nombreuses activités lui permettaient de côtoyer nombre de personnalités dont les Présidents de la République, de Charles de Gaulle à Jacques Chirac à qui il ne manquait pas de rappeler que « seule l’entreprise crée des richesses ».
Toute sa vie, Jean est resté très attaché à l’X. Il fut de longues années membre du Conseil de perfectionnement de l’École présidé par Louis Armand (24).
Jean citait souvent Winston Churchill : « Ne jamais renoncer, toujours tenter quelle que soit l’adversité. »
Claude Bébéar (55)
DES VÉHICULES MILITAIRES
Le récent décès de Jean Panhard a été salué par un vibrant hommage à l’action énergique qu’il a inlassablement menée en faveur de l’expansion et du rayonnement de l’industrie automobile française.
Il a également porté un intérêt passionné à l’étude et la fabrication de ces grands frères de l’automobile que sont les véhicules blindés de combat.
Selon une tradition très ancienne, un département de la Société des automobiles Panhard leur était consacré, devenu célèbre pour sa compétence et la hardiesse de ses réalisations, mais dont l’avenir, en 1965, paraissait bien compromis, l’Armée française, seul client, ayant fait connaître que ses besoins étaient désormais pourvus.
Il fut donc décidé, lors de la fusion Citroën-Panhard, de l’ériger en société – probablement éphémère – la SCMPL présidée par Jean Panhard, que je rejoignis à cette époque comme directeur général, et avec lequel s’établit rapidement une collaboration fondée sur une respectueuse amitié.
Nous nous sommes vite aperçus que la seule solution pour sauver la société était de lui trouver des clients étrangers, c’est-à-dire de conquérir une place sur un marché international hautement compétitif, ce qui exigeait une réorganisation complète et l’apprentissage de nouveaux métiers. Grâce à la ferme volonté de la direction et aux efforts du personnel, le résultat a été atteint et, vingt ans plus tard, la SCMPL avait fourni des véhicules modernes et efficaces à de nombreuses armées amies de notre pays.
Durant cette période, Jean Panhard et moi-même avons rencontré d’énormes difficultés et vécu des moments pénibles, mais aussi connu des occasions de satisfaction et de fierté.
La dernière, avant la retraite de Jean Panhard, a été le privilège d’assister, en invités officiels, depuis le balcon présidentiel, le jour de la fête nationale du Mexique, à un magnifique défilé où figuraient en bonne place vingt de nos véhicules blindés.
Quelques années après, la récession atteignait la SCMPL et surtout PSA obligé de se recentrer sur ses activités automobiles. Il la vendit donc, ce qui entraîna sa dissolution.
François Bedaux (41), ingénieur en chef de l’Armement