Jean-Sébastien BACH : Variations Goldberg
Les derniers disques de Zhu Xiao-Mei ont été salués par le public et la critique, principalement dans Bach. Elle a notamment enregistré l’un des meilleurs Clavier bien tempéré modernes, quatre heures d’une musique dense mais rendue lisible et expressive par la pianiste chinoise.
On est naturellement ému par l’histoire de cette artiste, obligée en Chine de se cacher pour jouer et étudier le piano pendant près de quinze ans pendant la révolution culturelle et son séjour en camp de travail, jusqu’à partir à trente ans aux États-Unis, histoire qu’elle raconte dans le très beau livre La Rivière et son secret, écrit avec son ami Michel Mollard, absolument conseillé.
Filmée dans l’église Saint-Thomas de Leipzig, où Bach a été le « cantor » pendant vingt-sept ans et où il est enterré, Zhu Xiao- Mei joue les fameuses Variations Goldberg, composées en 1740 dans cette ville. Trente variations sur une sarabande tirée du Petit Livre d’Anna-Magdalena Bach (1725), fascicule regroupé pour les leçons de piano de la seconde épouse du compositeur (et quinze générations d’apprentis pianistes depuis).
Une oeuvre d’une grande complexité technique (fugues, canons, toujours de nombreuses voix entremêlées). Zhu Xiao-Mei a joué des centaines de fois cette oeuvre, mais la jouer à quelques mètres, littéralement, de la tombe de Bach est pour elle l’ultime récompense.
Elle l’avait enregistrée il y a vingt-cinq ans, mais l’image apporte beaucoup à son jeu qui montre recueillement et sérénité, mais aussi vie, liberté et émotions. Les spectateurs du DVD sont naturellement installés bien plus confortablement que le public de l’église Saint-Thomas, en cette soirée des Bachfest 2014.
Le concert est très bien filmé, avec de nombreuses prises de vue issues en fait des répétitions ce qui permet des plans au plus près des mains, du clavier, du visage de l’artiste. Et l’on voit la tombe du compositeur, deux mètres derrière le Steinway.
On ne peut évoquer les Variations Goldberg sans parler de Glenn Gould qui les a popularisées, grâce à sa personnalité, à son sens de la communication, et surtout à ses enregistrements, celui qui l’a rendu célèbre en 1955, son dernier enregistrement en 1981, et l’enregistrement vidéo sidérant, immanquable, de 1981 également (les trois chez Sony).
Le DVD de Zhu Xiao-Mei est justement à l’opposé. Ici rien de mécanique ni d’« impressionnant », tout est en souplesse, en liberté, et dans des conditions techniques, son et images, irréprochables. Un très beau moment d’émotion.
En bonus, le film de notre camarade Michel Mollard sur Zhu Xiao-Mei et sur les Goldberg, Le retour est le mouvement du Tao. On y trouve le parallèle fait par l’artiste entre Bach et Lao-Tseu, dont l’esprit contemplatif est parfaitement rendu.
Le début très lent, commençant dans ce silence très cher à Zhu Xiao-Mei, permet de pénétrer dans cet univers de sérénité bien loin de notre monde trépidant et connecté. « Le Tao est à l’univers ce que les rivières sont à la mer » dit la philosophie taoïste.
Le film termine par les mêmes images de rivières des Alpes qu’au début, comme la simple Aria des Variations Goldberg revient après une heure vingt de variations toutes plus riches les unes que les autres.
Car le retour est le mouvement du Tao.