Jestia : un groupe familial dans l’air du temps
Maxime Jacot (X12), gérant au sein de la holding Jestia, nous explique comment cette entreprise familiale qui se développe dans le médico-social et l’industrie appréhende la question de la décarbonation. Rencontre.
Quelles sont les activités de Jestia ?
Nous avons deux branches d’activités principales. En 1992, le groupe a démarré une activité d’accueil avec des EHPADs et des maisons de retraite médicalisées. Depuis, nous avons complété cette offre avec des résidences services et une activité hôtelière. Nous prévoyons, d’ailleurs, l’ouverture de notre premier hôtel en 2024.
En parallèle, nous avons aussi une activité industrielle qui s’articule autour de deux entreprises. Mobidecor est spécialisée dans la fabrication de mobiliers pour les collectivités (aménagement de salles de classes, de restaurants, d’amphithéâtres, de bibliothèques…). Mobidecor s’est développée au cours de la dernière décennie au travers de la reprise de plusieurs sociétés en difficulté. Plus récemment, la reprise de Clestra, leader mondial dans la fabrication de cloisons de bureaux, nous a permis de développer une activité de construction modulaire pour l’aménagement des bureaux, des open spaces…
Au cœur de votre activité, on retrouve aussi la notion de réorganisation et de reprise d’entreprises. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En effet, notre groupe s’est fortement développé grâce à la reprise et la réorganisation de sociétés en difficulté. Dans le cadre de notre stratégie de reprise, nous avons une posture assez ouverte. Nous pouvons ainsi étudier des dossiers qui peuvent complétement sortir de nos champs de compétences. Toutefois, nous n’avons pas vocation à faire du redressement pour de la cession à court terme. L’ensemble des entités et des activités que nous avons reprises au fil des années sont encore dans le giron de notre groupe.
En tant que groupe 100 % familial, cette stratégie nous permet de nous positionner sur des opérations qui vont nécessiter un apport de capitaux moins important que la création d’une activité ex nihilo, ce qui est particulièrement vrai dans le monde de l’industrie.
En parallèle, nous accordons une attention particulière à la maîtrise de notre immobilier, que nous considérons comme un levier de stabilité et de solidité. Pour nos métiers autour de l’accueil, de l’hôtellerie, du médico-social avec les EPAHDs et les résidences services, c’est un élément stratégique. Mais, c’est aussi le cas pour nos activités industrielles, dans la mesure où cela nous permet d’avoir une certaine stabilité et de nous inscrire dans une vision sur le long terme.
Comment la question de la décarbonation impacte-t-elle vos activités ?
Même si la décarbonation est devenue un enjeu stratégique, sa prise en compte diffère d’un secteur d’activité à l’autre. Par exemple, dans le monde du médico-social, la décarbonation n’est pas au cœur des préoccupations. La qualité de la prise en charge et l’accompagnement des différents publics restent les sujets prioritaires qui mobilisent ce secteur.
À l’inverse, dans le monde de l’industrie, la décarbonation est une priorité. Au-delà de la dimension réglementaire et normative, c’est une conviction forte que nous portons auprès de l’ensemble de nos collaborateurs. Pour Mobidecor qui travaille essentiellement avec des collectivités locales, c’est un critère décisif lors des appels d’offres publics, qui intègrent depuis de nombreuses années des critères environnementaux. C’est aussi un enjeu que nous rencontrons dans le cadre de l’activité de Clestra. Les grands groupes et entreprises, notamment les banques et les assurances, ont également intégré cet enjeu. Ils sont, en effet, conscients que la manière d’aménager leurs espaces de travail impacte leur empreinte environnementale et carbone. Cette question de la décarbonation est donc de plus en plus présente dans la politique d’achats de nos clients, et nous devons, à notre niveau, la prendre en considération plus en amont afin de les accompagner dans cette démarche.
Pour une industrie, l’intégration de la question environnementale dans ses processus peut se révéler exigeante : cela peut impacter les prix, la disponibilité des matières, les process de production…
Parce que nous fabriquons nos produits en France, nous faisons face à des enjeux supplémentaires, notamment en termes de compétitivité et de concurrence, alors que les normes et les réglementations en matière environnementale diffèrent d’un pays à l’autre.
Quels sont les projets ou initiatives que vous avez lancées afin de décarboner vos activités ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Nous nous sommes engagés dans un processus de certification pour l’ensemble de nos activités. Nous avons par exemple obtenu la certification ISO 14 001 qui nous permet de nous inscrire dans une logique d’amélioration continue (mesure des impacts environnementaux, recherche de solutions d’amélioration…). Toutes nos équipes sont pleinement mobilisées pour optimiser nos résultats à ce niveau.
Nos meubles pour collectivités Mobidecor sont certifiés PEFC. Cela garantit que notre approvisionnement en bois provient de forêts gérées de manière durable. Nous privilégions par ailleurs la livraison de mobiliers démontés, que nous assemblons chez nos clients. Cette prestation permet d’augmenter le volume transporté et d’optimiser ainsi les émissions de carbone et de gaz à effets de serre induites par le transport. Dans la chaîne de production de Mobidecor, nous avons également remplacé le vernis traditionnel par de l’époxy bois Blueprotech, qui est reconnu pour ses nombreux avantages environnementaux et écologiques, notamment en termes d’émissions de composés organiques volatils (COV).
Nous travaillons aussi sur la durée de vie et sur la qualité des produits. Au-delà des émissions carbone liées à la production, la durée de vie du produit représente un élément décisif dans le calcul de l’empreinte carbone d’un produit. Nous devons, en effet, proposer à nos clients des produits durables et solides, voire réutilisables. C’est une dimension encore plus marquée dans notre activité de construction modulaire. Nos clients veulent construire et déconstruire leurs cloisons Clestra pour faire évoluer leurs espaces en fonction de leurs besoins, sans avoir à engager des travaux. Dans une logique d’économie circulaire, avec notre offre REUSE, nous récupérons des cloisons chez un client afin de leur donner une seconde vie en les installant chez un autre client.
Enfin, nous travaillons sur l’éco-conception. Dès la phase de conception, nous prenons en compte l’ensemble de la chaîne de valeur et le cycle de vie d’un produit pour être plus efficient d’un point de vue environnemental (émissions de gaz à effets de serre, empreinte carbone…). Nous sommes, d’ailleurs, certifiés Cradle to Cradle, une certification qui vise à garantir que l’ensemble du cycle de vie du produit est le plus bénéfique possible sur l’environnement et sur la santé.
Plus que jamais aujourd’hui, ces notions de décarbonation, de réduction de l’impact environnemental et de circularité doivent être prises en compte dès les phases amont de conception du produit et tout au long de sa chaîne de valeur et de son cycle de vie, tout en restant compétitif.
Quels sont les autres sujets qui vous mobilisent actuellement ?
Nous sommes positionnés sur un marché global et concurrentiel où il y a de grands écarts sur le plan normatif et réglementaire. Dans ce contexte, le maintien d’une fabrication française représente un véritable enjeu. Parce que nous nous inscrivons aussi dans une logique de reprise et de redressement d’entreprises, se pose la question du maintien d’une activité industrielle, voire de la réindustrialisation de notre pays. Au-delà des avantages écologiques (éco-conception, transport, logistique, qualité…), une réflexion poussée est nécessaire sur le plan économique afin de permettre aux acteurs français d’être compétitifs et concurrentiels sur le marché national.
Et pour conclure ?
Malgré une pression économique certaine sur l’ensemble de nos marchés, notre ambition est de continuer à proposer une offre qualitative et différenciante sur le plan environnemental et écologique, mais aussi de contribuer au maintien d’activités économiques et industrielles dans notre pays.