Jimmy facilite l’accès à une chaleur industrielle décarbonée et compétitive
Alors que la chaleur représente la principale consommation énergétique des industriels, Jimmy fournit une alternative fiable, sûre et compétitive leur permettant de renoncer aux énergies fossiles. L’entreprise conçoit et exploite des générateurs thermiques basés sur un micro-réacteur nucléaire, issu d’une technologie HTR éprouvée. Le point avec Antoine Guyot (X13), cofondateur et CEO de Jimmy.
Quels sont les constats qui ont mené à la création de Jimmy Energy en 2020 ?
Le point de départ est bien évidemment le réchauffement climatique et les enjeux majeurs de transition énergétique, qui nécessitent de décarboner nos activités. En décomposant les principales sources d’émissions et en mettant en rapport les solutions pour y répondre, trois constats nous sont apparus.
En premier lieu, les industriels ont besoin de changer leurs sources de chaleur. La chaleur fossile représente en effet près de 75 % de la consommation énergétique industrielle et les industriels subissent aujourd’hui le coût volatile du gaz, couplé à une pression écologique de la part du régulateur et du consommateur.
En deuxième lieu, il nous est apparu que les alternatives classiques sont inadaptées. En effet, l’électricité et l’hydrogène propre sont 3 à 4 fois plus chers que le gaz, la capture de carbone n’est pas mature et ne permet pas de se libérer de l’emprise des énergies fossiles et la biomasse est en quantité insuffisante (les derniers chiffres du SGPE sont ici éloquents).
Enfin, l’énergie nucléaire est sûre et ses coûts sont très compétitifs. Les coûts sont essentiellement dus au dimensionnement des centrales et la fission nucléaire – réaction connue, maîtrisée et largement éprouvée – permet de produire de la chaleur avant de faire de l’électricité. Il apparait donc possible de fournir de la chaleur décarbonée aux industriels, moins chère que le gaz, grâce au nucléaire.
Forts de ces constats, nous avons créé Jimmy en 2020, pour développer des générateurs thermiques adossés à des micro-réacteurs nucléaires.
Nous avons réalisé une première levée de fonds privés de 20 millions d’euros fin 2021 et avons obtenu 32 millions d’euros de subventions publiques dans le cadre du programme France 2030, en novembre 2023. Aujourd’hui, nous sommes plus de 80 collaborateurs.
Concrètement, afin de mettre cette chaleur industrielle décarbonée à disposition, vous développez un générateur thermique. Comment fonctionne-t-il ?
Pour décarboner la chaleur, nous nous sommes attachés à repartir d’une technologie existante, pour en faire un nouvel usage. L’innovation ne réside donc pas dans notre technologie, mais dans l’usage que nous en faisons. Cette démarche nous a mené à considérer le nucléaire, une technologie mature, sur laquelle la France a encore une forme de leadership. Plus particulièrement, notre choix s’est porté sur une typologie de réacteur mature, les réacteurs nucléaires à haute température (HTR), qui sont différents des réacteurs qu’on va retrouver dans les centrales nucléaires en service en France aujourd’hui. Cette technologie est connue depuis les années 1960 et a notamment été en service en Allemagne, l’est toujours en Chine, notamment et est celle retenue par de nombreux projets américains aujourd’hui. En effet, l’atout majeur de ces réacteurs nucléaires à haute température est double : ils sont plus chauds (plus de 500°) et ils sont sûrs de manière intrinsèque.
Contrairement aux réacteurs classiques, notre réacteur ne fonctionne pas à l’eau, mais est doté d’un modérateur en graphite, dans lequel nous faisons circuler de l’hélium pour récupérer la chaleur générée.
La technologie étant stabilisée, nous avons cherché à adapter son fonctionnement aux environnements industriels, en prenant en compte toutes leurs contraintes. Nous avons modularisé la structure de notre générateur, de façon à le préassembler sur notre plateforme industrielle au Creusot, de le livrer « en kit » sur les sites industriels de nos clients et d’y finaliser l’assemblage. Cela permet de limiter les durées du chantier et les contraintes pour l’industriel.
Peut-on revenir sur les vecteurs de différenciation de votre générateur et, peut-être, ses principaux atouts ?
Tout d’abord, nous apportons une solution à une problématique qui n’est que partiellement traitée aujourd’hui. Nous sommes à la fois une alternative et un complément à la biomasse, qui nécessite de sécuriser un approvisionnement autour d’un site, là où, avec nos générateurs thermiques, nous sommes en mesure de garantir une production continue de chaleur pour les industriels.
Nous délivrons une solution « clé en main » aux industriels, puisque nous restons l’exploitant du générateur et fournissons la chaleur. Son coût est très compétitif (nos concurrents sont aujourd’hui le gaz et le charbon) et convenu sur 20 ans.
Au-delà, notre micro-réacteur est aussi différent des EPR ou des réacteurs de 4e génération qui produisent de l’électricité. Notre solution est plus compacte, sûre de manière intrinsèque et fonctionne à des niveaux de température beaucoup plus élevés pour produire exclusivement de la chaleur.
Au cœur de notre démarche, on retrouve la volonté forte d’apporter sur le marché une solution de décarbonation en repartant de l’existant. Nous capitalisons ainsi sur un écosystème de sous-traitants et de fournisseurs disponibles et expérimentés, ce qui permet un gain de temps et de productivité considérable.
Dès le départ, nous avons dérisqué le projet en capitalisant sur le retour d’expérience de cette filière, qui a une certaine maturité.
Afin de mettre en service votre démonstrateur à horizon 2027, quelles sont les prochaines étapes ? Quels sont les freins qu’il faut encore lever ?
Nous avons déposé, en avril 2024, un premier dossier de demande d’autorisation de création auprès des autorités, pour un premier générateur sur le site d’un premier client. Le dossier est en cours d’instruction par l’Autorité de Sûreté Nucléaire, notamment. La durée de cette instruction est à la main des autorités, lesquelles examinent ici un dossier de SMR pour la première fois. A titre de comparaison, pour un EPR, 200 à 400 fois plus puissant (et complexe) que nos installations, l’instruction peut durer jusqu’à trois ans.
L’entreprise est en pleine phase d’industrialisation. Nous sommes mobilisés sur le déploiement de ce premier générateur. Nous rassemblons toutes les conditions nécessaires à l’industrialisation de notre générateur : construction de notre plateforme industrielle au Creusot, disponibilité de l’ensemble des pièces et équipements, passage des commandes…
En réunissant ces conditions, nous faisons en sorte d’être prêts, en termes industriels, pour une mise en service de ce premier démonstrateur en 2027.
“Chez Jimmy, nous sommes convaincus que la fission nucléaire va au-delà de la production d’électricité. Cette réaction physique absolument fondamentale pour relever les défis du XXIe siècle peut facilement être déployée en toute sécurité dans tous les sites industriels, sur l’ensemble du territoire national.”
Le marché que nous visons avec notre générateur thermique de 20 MWh représente 200 réacteurs en France et plus de 1 200 sites en Europe. Dès 2030, notre objectif est de pouvoir en produire plusieurs dizaines par an.
Pour accélérer la croissance de Jimmy, nous recrutons. Nous recherchons avant tout des ingénieurs qui ont un réel esprit d’équipe et qui sont polyvalents et curieux. Nous ambitionnons, en effet, de développer à grande échelle un générateur thermique dont le développement nécessite des compétences plurielles, dont la chimie, la mécanique, la thermique, la neutronique, les sciences des matériaux…
Notre ambition est de créer dès aujourd’hui une nouvelle activité dans le domaine du nucléaire, de valoriser le savoir-faire emblématique de la France en la matière et d’ouvrir de nouvelles perspectives au secteur.
Enfin, chez Jimmy, nous sommes convaincus que la fission nucléaire va au-delà de la production d’électricité. Cette réaction physique absolument fondamentale pour relever les défis du XXIe siècle peut facilement être déployée en toute sécurité dans tous les sites industriels, sur l’ensemble du territoire national.