Jimmy facilite l’accès à une chaleur industrielle décarbonée et compétitive

Jimmy facilite l’accès à une chaleur industrielle décarbonée et compétitive

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Antoine GUYOT (X13)

Alors que la cha­leur repré­sente la prin­ci­pale consom­ma­tion éner­gé­tique des indus­triels, Jim­my four­nit une alter­na­tive fiable, sûre et com­pé­ti­tive leur per­met­tant de renon­cer aux éner­gies fos­siles. L’entreprise conçoit et exploite des géné­ra­teurs ther­miques basés sur un micro-réac­teur nucléaire, issu d’une tech­no­lo­gie HTR éprou­vée. Le point avec Antoine Guyot (X13), cofon­da­teur et CEO de Jim­my.

Quels sont les constats qui ont mené à la création de Jimmy Energy en 2020 ? 

Le point de départ est bien évi­dem­ment le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et les enjeux majeurs de tran­si­tion éner­gé­tique, qui néces­sitent de décar­bo­ner nos acti­vi­tés. En décom­po­sant les prin­ci­pales sources d’émissions et en met­tant en rap­port les solu­tions pour y répondre, trois constats nous sont apparus.

En pre­mier lieu, les indus­triels ont besoin de chan­ger leurs sources de cha­leur. La cha­leur fos­sile repré­sente en effet près de 75 % de la consom­ma­tion éner­gé­tique indus­trielle et les indus­triels subissent aujourd’hui le coût vola­tile du gaz, cou­plé à une pres­sion éco­lo­gique de la part du régu­la­teur et du consommateur.

En deuxième lieu, il nous est appa­ru que les alter­na­tives clas­siques sont inadap­tées. En effet, l’électricité et l’hydrogène propre sont 3 à 4 fois plus chers que le gaz, la cap­ture de car­bone n’est pas mature et ne per­met pas de se libé­rer de l’emprise des éner­gies fos­siles et la bio­masse est en quan­ti­té insuf­fi­sante (les der­niers chiffres du SGPE sont ici éloquents). 

Enfin, l’énergie nucléaire est sûre et ses coûts sont très com­pé­ti­tifs. Les coûts sont essen­tiel­le­ment dus au dimen­sion­ne­ment des cen­trales et la fis­sion nucléaire – réac­tion connue, maî­tri­sée et lar­ge­ment éprou­vée – per­met de pro­duire de la cha­leur avant de faire de l’électricité. Il appa­rait donc pos­sible de four­nir de la cha­leur décar­bo­née aux indus­triels, moins chère que le gaz, grâce au nucléaire.

Forts de ces constats, nous avons créé Jim­my en 2020, pour déve­lop­per des géné­ra­teurs ther­miques ados­sés à des micro-réac­teurs nucléaires. 

Nous avons réa­li­sé une pre­mière levée de fonds pri­vés de 20 mil­lions d’euros fin 2021 et avons obte­nu 32 mil­lions d’euros de sub­ven­tions publiques dans le cadre du pro­gramme France 2030, en novembre 2023. Aujourd’hui, nous sommes plus de 80 collaborateurs.

Concrètement, afin de mettre cette chaleur industrielle décarbonée à disposition, vous développez un générateur thermique. Comment fonctionne-t-il ? 

Pour décar­bo­ner la cha­leur, nous nous sommes atta­chés à repar­tir d’une tech­no­lo­gie exis­tante, pour en faire un nou­vel usage. L’innovation ne réside donc pas dans notre tech­no­lo­gie, mais dans l’usage que nous en fai­sons. Cette démarche nous a mené à consi­dé­rer le nucléaire, une tech­no­lo­gie mature, sur laquelle la France a encore une forme de lea­der­ship. Plus par­ti­cu­liè­re­ment, notre choix s’est por­té sur une typo­lo­gie de réac­teur mature, les réac­teurs nucléaires à haute tem­pé­ra­ture (HTR), qui sont dif­fé­rents des réac­teurs qu’on va retrou­ver dans les cen­trales nucléaires en ser­vice en France aujourd’hui. Cette tech­no­lo­gie est connue depuis les années 1960 et a notam­ment été en ser­vice en Alle­magne, l’est tou­jours en Chine, notam­ment et est celle rete­nue par de nom­breux pro­jets amé­ri­cains aujourd’hui. En effet, l’atout majeur de ces réac­teurs nucléaires à haute tem­pé­ra­ture est double : ils sont plus chauds (plus de 500°) et ils sont sûrs de manière intrinsèque. 

Contrai­re­ment aux réac­teurs clas­siques, notre réac­teur ne fonc­tionne pas à l’eau, mais est doté d’un modé­ra­teur en gra­phite, dans lequel nous fai­sons cir­cu­ler de l’hélium pour récu­pé­rer la cha­leur générée.

La tech­no­lo­gie étant sta­bi­li­sée, nous avons cher­ché à adap­ter son fonc­tion­ne­ment aux envi­ron­ne­ments indus­triels, en pre­nant en compte toutes leurs contraintes. Nous avons modu­la­ri­sé la struc­ture de notre géné­ra­teur, de façon à le pré­as­sem­bler sur notre pla­te­forme indus­trielle au Creu­sot, de le livrer « en kit » sur les sites indus­triels de nos clients et d’y fina­li­ser l’assemblage. Cela per­met de limi­ter les durées du chan­tier et les contraintes pour l’industriel.

Peut-on revenir sur les vecteurs de différenciation de votre générateur et, peut-être, ses principaux atouts ?

Tout d’abord, nous appor­tons une solu­tion à une pro­blé­ma­tique qui n’est que par­tiel­le­ment trai­tée aujourd’hui. Nous sommes à la fois une alter­na­tive et un com­plé­ment à la bio­masse, qui néces­site de sécu­ri­ser un appro­vi­sion­ne­ment autour d’un site, là où, avec nos géné­ra­teurs ther­miques, nous sommes en mesure de garan­tir une pro­duc­tion conti­nue de cha­leur pour les industriels. 

Nous déli­vrons une solu­tion « clé en main » aux indus­triels, puisque nous res­tons l’exploitant du géné­ra­teur et four­nis­sons la cha­leur. Son coût est très com­pé­ti­tif (nos concur­rents sont aujourd’hui le gaz et le char­bon) et conve­nu sur 20 ans. 

Au-delà, notre micro-réac­teur est aus­si dif­fé­rent des EPR ou des réac­teurs de 4e géné­ra­tion qui pro­duisent de l’électricité. Notre solu­tion est plus com­pacte, sûre de manière intrin­sèque et fonc­tionne à des niveaux de tem­pé­ra­ture beau­coup plus éle­vés pour pro­duire exclu­si­ve­ment de la chaleur. 

Au cœur de notre démarche, on retrouve la volon­té forte d’apporter sur le mar­ché une solu­tion de décar­bo­na­tion en repar­tant de l’existant. Nous capi­ta­li­sons ain­si sur un éco­sys­tème de sous-trai­tants et de four­nis­seurs dis­po­nibles et expé­ri­men­tés, ce qui per­met un gain de temps et de pro­duc­ti­vi­té considérable. 

Dès le départ, nous avons déris­qué le pro­jet en capi­ta­li­sant sur le retour d’expérience de cette filière, qui a une cer­taine maturité. 

Afin de mettre en service votre démonstrateur à horizon 2027, quelles sont les prochaines étapes ? Quels sont les freins qu’il faut encore lever ? 

Nous avons dépo­sé, en avril 2024, un pre­mier dos­sier de demande d’autorisation de créa­tion auprès des auto­ri­tés, pour un pre­mier géné­ra­teur sur le site d’un pre­mier client. Le dos­sier est en cours d’instruction par l’Autorité de Sûre­té Nucléaire, notam­ment. La durée de cette ins­truc­tion est à la main des auto­ri­tés, les­quelles exa­minent ici un dos­sier de SMR pour la pre­mière fois. A titre de com­pa­rai­son, pour un EPR, 200 à 400 fois plus puis­sant (et com­plexe) que nos ins­tal­la­tions, l’instruction peut durer jusqu’à trois ans.

L’entreprise est en pleine phase d’industrialisation. Nous sommes mobi­li­sés sur le déploie­ment de ce pre­mier géné­ra­teur. Nous ras­sem­blons toutes les condi­tions néces­saires à l’industrialisation de notre géné­ra­teur : construc­tion de notre pla­te­forme indus­trielle au Creu­sot, dis­po­ni­bi­li­té de l’ensemble des pièces et équi­pe­ments, pas­sage des commandes… 

En réunis­sant ces condi­tions, nous fai­sons en sorte d’être prêts, en termes indus­triels, pour une mise en ser­vice de ce pre­mier démons­tra­teur en 2027.

“Chez Jimmy, nous sommes convaincus que la fission nucléaire va au-delà de la production d’électricité. Cette réaction physique absolument fondamentale pour relever les défis du XXIe siècle peut facilement être déployée en toute sécurité dans tous les sites industriels, sur l’ensemble du territoire national.”

Le mar­ché que nous visons avec notre géné­ra­teur ther­mique de 20 MWh repré­sente 200 réac­teurs en France et plus de 1 200 sites en Europe. Dès 2030, notre objec­tif est de pou­voir en pro­duire plu­sieurs dizaines par an. 

Pour accé­lé­rer la crois­sance de Jim­my, nous recru­tons. Nous recher­chons avant tout des ingé­nieurs qui ont un réel esprit d’équipe et qui sont poly­va­lents et curieux. Nous ambi­tion­nons, en effet, de déve­lop­per à grande échelle un géné­ra­teur ther­mique dont le déve­lop­pe­ment néces­site des com­pé­tences plu­rielles, dont la chi­mie, la méca­nique, la ther­mique, la neu­tro­nique, les sciences des matériaux… 

Notre ambi­tion est de créer dès aujourd’hui une nou­velle acti­vi­té dans le domaine du nucléaire, de valo­ri­ser le savoir-faire emblé­ma­tique de la France en la matière et d’ouvrir de nou­velles pers­pec­tives au secteur. 

Enfin, chez Jim­my, nous sommes convain­cus que la fis­sion nucléaire va au-delà de la pro­duc­tion d’électricité. Cette réac­tion phy­sique abso­lu­ment fon­da­men­tale pour rele­ver les défis du XXIe siècle peut faci­le­ment être déployée en toute sécu­ri­té dans tous les sites indus­triels, sur l’ensemble du ter­ri­toire national. 

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