Le Centre aquatique olympique (CAO) est reconnaissable par sa charpente concave en bois, la plus grande au monde. © SOLIDEO – Camille Pinot

JO 2024 : une organisation inédite pour un ambitieux programme d’infrastructures

Dossier : Jeux olympiques et sportMagazine N°796 Juin 2024
Par Nicolas FERRAND (X92)
Par Antoine du SOUICH (X99)
Par Yann KRYSINSKI (X04)

L’organisation des Jeux olym­piques de Paris 2024 repose sur deux struc­tures : le comi­té d’organisation et la socié­té de livrai­son des ouvrages. Pour sché­ma­ti­ser, la Soli­deo construit le théâtre pour Paris 2024 qui y ins­talle ses décors, joue la pièce qu’il sou­haite devant un public qu’il choi­sit. Voi­ci tout d’abord la pré­sen­ta­tion du pro­gramme qu’il fal­lait réa­li­ser, avec ses particularités.

Le Monde du 6 juin 2023 a cité P.-O. Beckers, du Comi­té inter­na­tio­nal olym­pique : « Pour la pre­mière fois dans l’histoire de la pré­pa­ra­tion des Jeux olym­piques, le CIO n’a pas à se pré­oc­cu­per de la livrai­son des infra­struc­tures. Elles sont dans les temps et magni­fi­que­ment réa­li­sées. » Voi­là un com­pli­ment qui va droit au cœur de ceux qui ont été char­gés de ces infrastructures !

Une organisation en deux structures

Les Jeux olym­piques et para­lym­piques (JOP) sont en effet le plus grand évé­ne­ment pla­né­taire par temps de paix. Avec 10 500 ath­lètes olym­piques, 4 400 paralym­piques, concou­rant res­pec­ti­ve­ment dans 32 sports et 329 épreuves et 22 sports et 549 épreuves, soit l’équivalent de 48 cham­pion­nats du monde tenus simul­ta­né­ment, 20 000 jour­na­listes, 13 mil­lions de billets ven­dus… Et plus de 4 mil­liards de télé­spec­ta­teurs… Pour orga­ni­ser les Jeux, et sui­vant ain­si les pré­co­ni­sa­tions du CIO, la France s’est dotée de deux structures.

D’un côté, le Comi­té d’organisation des Jeux, Paris 2024, qui est char­gé de l’événement en lui-même : l’organisation des compéti­tions, la dif­fu­sion des images, l’accueil des spec­ta­teurs, la rela­tion aux spon­sors, la céré­mo­nie d’ouverture, etc. Paris 2024 est une asso­cia­tion, pré­si­dée par Tony Estan­guet et dotée d’un bud­get de 4,397 Md€. De l’autre, la Socié­té de livrai­son des ouvrages olym­piques, Soli­deo, qui a été char­gée de construire ou réno­ver tous les équi­pe­ments pérennes néces­saires pour Paris 2024. C’est un éta­blis­se­ment public natio­nal, pré­si­dé par Anne Hidal­go, maire de Paris. Quelques élé­ments de cadrage sont néces­saires pour bien appré­hen­der la dyna­mique de la construc­tion des ouvrages olympiques.

Un programme économe

La Soli­deo a ain­si un pro­gramme de 70 ouvrages à construire pour un coût total des pro­jets de 4,5 Md€. Par com­pa­rai­son, c’est envi­ron la moi­tié du pro­gramme de construc­tion de Londres 2012 ou le tiers de celui de Tokyo 2020. En effet, la France, dans la can­di­da­ture, a mis en avant l’existence de nom­breux équi­pe­ments qu’il suf­fi­sait de remettre à niveau, garan­tis­sant la sobrié­té maté­rielle et finan­cière de cette XXXIIIe olym­piade. Ain­si, alors que le Japon a construit un nou­veau stade olym­pique pour 1,5 Md€ envi­ron, la France réuti­lise le Stade de France en y appor­tant les moder­ni­sa­tions néces­saires, pour un mon­tant de 50 M€.

Une maîtrise d’ouvrage originale

La grande sin­gu­la­ri­té du dos­sier fran­çais est l’organisation de sa maî­trise d’ouvrage. Là où les Anglais s’appuyaient sur un maître d’ouvrage unique pour l’ensemble de son pro­gramme, l’Olym­pic Deli­ve­ry Autho­ri­ty, la France s’appuie sur 32 maîtres d’ouvrage dif­fé­rents : col­lec­ti­vi­tés comme la Ville de Paris ou le dépar­te­ment de Seine-Saint-Denis, grands ges­tion­naires de réseaux (RTE, DIRIF…), entre­prises para­pu­bliques ou pri­vées (Vipa­ris, pro­mo­teurs, Socié­té d’économie mixte SEM, Plaine Com­mune Dévelop­pement…) et la Soli­deo elle-même naturellement. 

Ce prin­cipe fort repose sur une double volon­té. Le maître d’ouvrage des tra­vaux sera géné­ra­le­ment le ges­tion­naire futur, ce qui limite les risques d’éléphants blancs, sou­vent repro­chés dans les autres olym­piades. Tous les acteurs du ter­ri­toire, étant maîtres d’ouvrage d’un mor­ceau du pro­jet, sont plei­ne­ment par­ti­ci­pants à la pré­pa­ra­tion des Jeux dès leur attri­bu­tion en sep­tembre 2017. Autre­ment dit, aucune col­lec­ti­vi­té n’est que simple spec­ta­trice d’une dyna­mique qui irrigue son territoire.

Dans ce dis­po­si­tif, et outre la coor­di­na­tion géné­rale des dif­fé­rents maîtres d’ouvrage, la Soli­deo devait, quoi qu’il advînt, garan­tir la bonne livrai­son de l’intégralité du pro­gramme, c’est-à-dire avec des ouvrages conformes aux besoins de Paris 2024, dans les délais fixés par lui et dans les enve­loppes bud­gé­taires allouées. La Soli­deo a donc été ame­née à inven­ter un dis­po­si­tif inédit de pilo­tage en nappe hori­zon­tale de 32 maîtres d’ouvrage publics et pri­vés, maîtres d’ouvrage de plein exer­cice (et non par délé­ga­tion de la Soli­deo) et dans le res­pect de leur auto­no­mie (voir infra).

Le Village des athlètes accueillera 6 000 nouveaux habitants et 6 000 salariés après les Jeux.
Le Vil­lage des ath­lètes accueille­ra 6 000 nou­veaux habi­tants et 6 000 sala­riés après les Jeux. © SOLIDEO – SENNSE – Cyril Badet

L’impératif calendaire

Le calen­drier est un impé­ra­tif abso­lu. Paris 2024 devait prendre pos­ses­sion des ouvrages à par­tir du 1er mars 2024, réserves levées, afin de pou­voir meu­bler les bâti­ments (livrés murs nus), tes­ter tous les équi­pe­ments, déco­rer aux cou­leurs olym­piques les ouvrages, les espaces exté­rieurs… Et Paris 2024 est bien entré dans les murs le 1er mars 2024 confor­mé­ment au calen­drier fixé six ans aupa­ra­vant ! Quand la France est dési­gnée en sep­tembre 2017, la Soli­deo n’existe pas et le fon­cier néces­saire aux construc­tions n’est pas maî­tri­sé (il y a par exemple une zone d’activité de 30 entre­prises et 2 500 emplois à la place du futur Vil­lage des athlètes…).

“Paris 2024 est bien entré dans les murs le 1er mars 2024 conformément au calendrier fixé six ans auparavant !”

Il a donc fal­lu réa­li­ser en 75 mois ce qui habi­tuel­le­ment prend plus de 20 ans, et ce dans le res­pect abso­lu de l’ensemble des lois en vigueur : codes de l’environnement, de l’urbanisme, de la construc­tion, du tra­vail, de la com­mande publique… Deux, et deux seule­ment, adap­ta­tions du droit ont été inté­grées : d’une part les recours sont trai­tés direc­te­ment à la cour admi­nis­tra­tive d’appel de Paris, sans pas­ser par le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif, et d’autre part les per­mis de construire (dits « à double état ») auto­risent non seule­ment les usages olym­piques, mais éga­le­ment les usages futurs sans avoir besoin d’un nou­vel acte.

Une ambition urbanistique

La France a une longue tra­di­tion d’excellence dans tous les domaines liés à la ville et au déve­lop­pe­ment urbain. Elle pos­sède des lea­ders mon­diaux dans la construc­tion, la ges­tion urbaine, la météo­ro­lo­gie urbaine, des archi­tectes renom­més dans le monde entier dont trois ont reçu le prix Pritz­ker… Ain­si, les ouvrages olym­piques, et singulière­ment le Vil­lage des ath­lètes, le Centre aqua­tique olym­pique et l’Adidas Are­na, se devaient d’être des vitrines du savoir-faire fran­çais, d’une cer­taine approche euro­péenne de pen­ser la ville, dif­fé­ren­ciante des approches déployées dans les der­niers méga­événements urbains : les Jeux de Tokyo et de Pékin, l’Exposition uni­ver­selle de Dubaï, et ce alors même que le pro­gramme de construc­tion est net­te­ment plus réduit. Devant un évé­ne­ment mon­dial, la ten­ta­tion existe de construire des pro­to­types extra­or­di­naires mais non reproductibles.

Il a fallu réaliser en 75 mois ce qui habituellement prend plus de 20 ans.
Il a fal­lu réa­li­ser en 75 mois ce qui habi­tuel­le­ment prend plus de 20 ans. © SOLIDEO – SENNSE – Cyril Badet

La Soli­deo a joué dif­fé­rem­ment. Nous avons refu­sé toute approche holis­tique de l’avenir de la ville et nous avons pré­fé­ré appor­ter, à tra­vers les ouvrages, des réponses urbaines cohé­rentes et sys­té­miques, pré­fi­gu­ra­trices des vingt pro­chaines années, au regard de quelques grands enjeux trans­verses bien choi­sis. Nous avons éga­le­ment reven­di­qué une logique de valo­ri­sa­tion de l’expertise fran­çaise, d’innovation avec un objec­tif de pas­sage à l’échelle d’innovations matures (TRL 7 à 8) et de dif­fu­sion des retours d’expérience. Quatre axes ont ain­si été rete­nus : la qua­li­té urbaine et archi­tec­tu­rale comme garant d’une expé­rience indi­vi­duelle de la ville, les réponses sys­té­miques à quatre ques­tions environ­nementales clés (car­bone, rési­lience cli­ma­tique, bio­diversité, éco­no­mie cir­cu­laire), l’accessibilité vrai­ment uni­ver­selle et l’exemplarité sociale des chantiers.

Les 70 ouvrages à livrer sont de nature et de com­plexi­té très variées. Quelques exemples seule­ment pour tenir dans les dimen­sions de cet article.

Le Village olympique et paralympique

Situé sur 52 hec­tares à Saint-Denis, à Saint-Ouen-sur-Seine et sur L’Île-Saint-Denis, il accueille­ra 15 000 ath­lètes et accom­pa­gnants pen­dant les Jeux olym­piques et 9 000 pen­dant les Jeux para­lym­piques. Pour faire fonc­tion­ner ce site, 6 000 per­sonnes sont néces­saires, c’est donc une petite ville de 21 000 habi­tants qui a été édi­fiée autour de la Cité du ciné­ma. Sa concep­tion a été confiée aux agences Domi­nique Per­rault pour l’urbanisme et TER pour les espaces publics. L’approche a été de par­tir à rebours, c’est-à-dire des besoins du ter­ri­toire en héri­tage, après les Jeux.

Ce quar­tier s’inscrit inté­gra­le­ment dans la pla­ni­fi­ca­tion urbaine des trois com­munes et applique en tota­li­té leurs règle­ments. Il accueille­ra ain­si 6 000 nou­veaux habi­tants et 6 000 sala­riés après les Jeux. Cette pro­gram­ma­tion conduit à un pro­jet de 330 000 m² de sur­faces de plan­cher avec, en sus des bâti­ments de loge­ments et de bureaux, 13 000 m² de com­merces et d’hôtellerie et un pro­gramme d’équipements publics consé­quents : deux écoles, 7 hec­tares d’espaces verts, deux crèches…

Village des athlètes JO 2024
© SOLIDEO – SENNSE – Cyril Badet

Des conditions d’hébergement exemplaires

Sur ce fon­de­ment, Paris 2024 a expri­mé ses besoins pour les Jeux : tous les ath­lètes doivent être logés dans des condi­tions équi­va­lentes (pour garan­tir l’équité des com­pé­ti­tions), c’est-à-dire à deux dans des chambres de 12 m² mini­mums avec un mobi­lier type (les fameux lits en car­ton) dans des appar­te­ments type coli­ving. Ces loge­ments ne doivent pas avoir de cui­sine car, pour ren­for­cer l’amitié entre les ath­lètes, tous prennent leurs repas dans un res­tau­rant olym­pique unique logé dans la grande nef de la Cité du ciné­ma et capable de ser­vir plus de 45 000 repas par jour, H24.

Les ath­lètes seront soi­gnés sur place dans une poly­cli­nique ins­tal­lée exprès. Ils par­ti­ront vers leurs sites d’entraînement grâce à un sys­tème pri­vé de bus, depuis une gare rou­tière de 51 quais bus (un départ de bus toutes les 20 secondes) et pro­fi­te­ront d’un réseau de voies réser­vées en Île-de-France pour garan­tir leur sécu­ri­té et leur ponc­tua­li­té. Les ath­lètes sont logés par pays et cer­tains comi­tés natio­naux olym­piques pour­ront uti­li­ser les (futurs) rez-de-chaus­sée com­mer­ciaux pour créer des lieux de convi­via­li­té à l’image de leurs pays, lieux ouverts pour leurs propres ath­lètes et tous les rési­dents du Village…

Un modèle économique solide

Le pro­jet pen­sé par Domi­nique Per­rault, Hen­ri Bava (TER), ain­si que Bri­gitte Phi­lip­pon et Jean Kalt (L’Île-Saint-Denis), ouvre le ter­ri­toire vers la Seine avec de grandes pièces urbaines qui visent à recoudre les tis­sus de fau­bourgs avoi­si­nants avec les immenses nefs indus­trielles de la Cité du ciné­ma et avec les deux rives du fleuve grâce à un nou­veau pont construit pour l’occasion. La mor­pho­lo­gie urbaine s’articule autour de 82 bâti­ments (93 cages d’escalier) confiés à quatre grou­pe­ments de pro­mo­teurs (Vin­ci Immo­bi­lier, Icade, Nexi­ty-Eif­fage Immo­bi­lier et Pichet-Legendre) et à 41 archi­tectes dif­fé­rents, coor­don­nés entre eux et à l’échelle de l’opération. Ce pro­jet a été réa­li­sé avec deux ZAC (outil éprou­vé dont la juris­pru­dence pro­fonde rend maî­tri­sable les aléas juri­diques) dont Soli­deo est l’aménageur sur le conti­nent et la SEM Plaine Com­mune Déve­lop­pe­ment sur L’Île-Saint-Denis.

Le modèle éco­no­mique des pro­mo­teurs repose sur des achats de ter­rain auprès de l’aménageur, le finan­ce­ment ban­caire des tra­vaux, la « loca­tion » des bâti­ments auprès de Paris 2024 pen­dant la période olym­pique et para­lym­pique, puis après des tra­vaux de réver­si­bi­li­té (mise en place des cui­sines par exemple) la vente à des inves­tis­seurs et des par­ti­cu­liers confor­mé­ment aux orien­ta­tions du pro­gramme local de l’habitat. Paris 2024 finance natu­rel­le­ment les tra­vaux de réver­si­bi­li­té et les éven­tuelles remises en état, comme tout loca­taire clas­sique. Si les ath­lètes seront les pre­miers uti­li­sa­teurs du Vil­lage, les pre­miers habi­tants pérennes et les pre­miers sala­riés sont atten­dus dès l’été 2025.

Le Centre aquatique olympique (CAO) est reconnaissable par sa charpente concave en bois, la plus grande au monde.
Le Centre aqua­tique olym­pique (CAO) est recon­nais­sable par sa char­pente concave en bois, la plus grande au monde. © SOLIDEO – Camille Pinot

Le Centre aquatique olympique

Le Centre aqua­tique olym­pique (CAO) accueille en phase olym­pique les com­pé­ti­tions de plon­geon, de water-polo et de nata­tion artis­tique devant un public de 5 000 spec­ta­teurs. Construit pour la métro­pole du Grand Paris (maître d’ouvrage) par Bouygues, Mathis pour la char­pente avec Ate­liers 2/3/4/ et Verhoe­ven comme archi­tectes, ce bâti­ment situé devant le Stade de France est immé­dia­te­ment recon­nais­sable par sa char­pente concave en bois, la plus grande au monde, qui per­met de réduire de 30 % le volume inté­rieur et les charges affé­rentes. Avec trois bas­sins et un fran­chis­se­ment pié­ton reliant le quar­tier Plaine Saul­nier au Stade de France, le CAO consti­tue­ra l’un des héri­tages olym­piques majeurs.

L’Arena, implantée porte de la Chapelle (18e arrondissement), accueillera plusieurs épreuves olympiques et paralympiques dans une enceinte de 9 000 spectateurs.
L’Arena, implan­tée porte de la Cha­pelle (18e arron­dis­se­ment), accueille­ra plu­sieurs épreuves olym­piques et para­lym­piques. © Ville de Paris

L’Adidas Arena

L’Arena, implan­tée porte de la Cha­pelle (18e arrondis­sement), accueille­ra plu­sieurs épreuves olym­piques (bad­min­ton et gym­nas­tique ryth­mique) et para­lym­piques (para­bad­min­ton et para­hal­té­ro­phi­lie) des Jeux de Paris 2024 dans une enceinte de 9 000 spec­ta­teurs. Deux gym­nases pour les rive­rains sont éga­le­ment construits. Une prouesse archi­tec­tu­rale et tech­nique pour cet ouvrage remar­quable sous maî­trise d’ouvrage directe de la Ville de Paris, conçu par les agences d’architecture SCAU et NP2F et réa­li­sé par Bouygues.

L’Arena, implantée porte de la Chapelle (18e arrondissement), accueillera plusieurs épreuves olympiques et paralympiques dans une enceinte de 9 000 spectateurs.
L’Arena, implan­tée porte de la Cha­pelle (18e arron­dis­se­ment), peut accueillir 9 000 spec­ta­teurs. © Ville de Paris

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