Joaquin RODRIGO : Concierto de Aranjuez et Sergueï RACHMANINOV : Symphonie n°2
Tous les 1er Mai, l’Orchestre philharmonique de Berlin célèbre l’anniversaire de sa fondation dans une grande ville d’Europe. Ces Europa Konzert sont régulièrement filmés et publiés en DVD par Euroarts, et nous conseillons grandement, ces dernières années, ceux d’Athènes (Brahms par Rattle et Barenboïm) et Istanbul (Berlioz et Mozart dirigés par Mariss Jansons). À Madrid, l’année dernière, l’orchestre a joué, sous la direction de son chef permanent Sir Simon Rattle, un grand concert faisant le lien entre l’Espagne (España de Chabrier, le Concierto de Aranjuez) et la musique du reste de l’Europe avec la Symphonie n° 2 de Rachmaninov. Dans la grande salle du Teatro Real, rénovée il y a quinze ans et reconnaissable à sa grandiose loge royale, le concert débute par un apéritif brillamment enlevé (superbes cuivres !), l’España d’Emmanuel Chabrier de 1883, pièce légère mais devenue une des plus célèbres du compositeur français.
Le Concierto de Aranjuez date de 1939. Il est évidemment l’œuvre la plus célèbre de Rodrigo (il a écrit quatre autres concertos pour guitare), un compositeur de très grand talent, qui comme son contemporain Turina est trop méconnu en France. Ce concerto pour guitare est ici interprété par la star du flamenco qu’est Juan Manuel Cañizares. Positionné sur le devant de l’orchestre, il est très bien filmé et enregistré : nous voyons tout de la qualité de son jeu, mais aussi de la classe de ce personnage expressif et impressionnant. Les Berliner donnent la réplique comme s’il s’agissait d’une œuvre de Brahms ou de Beethoven, mais avec une grande finesse de timbre adaptée à cette orchestration typée. Le célèbre second mouvement, dont la mélodie est devenue un standard, introduit au cor anglais, et fait se succéder une suite de dialogues entre les bois et la guitare.
La seconde symphonie de Rachmaninov est la plus connue du compositeur russe, et son premier véritable succès qui ne soit pas dû au piano, en 1908. Après une introduction lente de plus de cinq minutes, le premier mouvement s’anime, sur les mêmes thèmes. Rattle se permet d’exacerber et de faire ressortir le côté hyper-romantique de cette musique, avec des rallentandi à se damner, des cordes languissantes et un tissu orchestral d’une grande épaisseur. Mais il fait aussi ressortir les facettes progressistes de cette musique, qui ne sautent pas aux oreilles lors d’interprétations plus fades. Rattle, qui dirige sans partition, est toujours aussi impressionnant à voir diriger, alliant dynamisme et une grande expressivité.
Pour la Symphonie n° 2, il faut voir également le témoignage d’Eugène Ormandy, qui a répété cette symphonie avec Serge Rachmaninov lui-même : à la tête de « son » orchestre de Philadelphie, qu’il dirigea quarante-quatre ans, il a laissé un film (Euroarts également) remarquable, mais dans des conditions techniques naturellement bien inférieures. Le concert de 2011 est superbement filmé, et l’image en Blu-Ray est même exceptionnelle