John Adams : Nixon in China
C’était il y a trente ans. La création d’un opéra politique de trois jeunes rebelles, qui allait devenir l’opéra américain le plus important des trente dernières années, qui allait lancer la carrière, et le style, de John Adams et de Peter Sellars, être repris dans le monde entier, chose exceptionnelle pour un opéra contemporain, et terminer en apothéose au temple de l’opéra, au Metropolitan Opera de New York, sous la direction du compositeur, en diffusion simultanée dans les cinémas du monde entier.
On se souvient de l’événement à l’origine du livret de la poétesse Alice Goodman, un des événements qui ont fait l’histoire des cinquante dernières années au même titre que la chute du mur de Berlin ou le 11 septembre 2001 : conseillé par Henry Kissinger, Richard Nixon décide en 1972 de déséquilibrer le triangle USA-URSS-Chine en réchauffant les relations USA-Chine, et en rendant visite à Mao.
Le Timonier est déjà malade et assagi. Le livret en vers joue à loisir sur le choc des cultures et l’ambivalence des intérêts divergents de dirigeants (Mao et Nixon), de leurs conseillers (Kissinger et Chou En-lai) et de leurs épouses (l’élégante Pat Nixon et l’hystérique Mme Mao).
John Adams a une culture classique. Pour son premier opéra, il crée un style nouveau et contemporain (qui en fait n’évoluera plus beaucoup), mais reprend une forme classique. Ainsi on retrouve les stéréotypes de l’opéra : des chœurs et des airs, Mme Mao en soprano colorature, comme la reine de la nuit, pour faire ressortir son hystérie, les personnages profonds et sérieux en baryton, et même un ballet aux deux tiers de l’œuvre, comme dans le grand opéra français (Faust, les opéras de Meyerbeer, etc.).
L’appel à la paix de Nixon est quasi du bel canto. Le groupe des trois traductrices est une référence aux trois dames de La Flûte enchantée ou aux trois conseillers de Turandot.
La musique, répétitive, est accessible et superbe. Mais bien sûr il ne faut pas en attendre le même plaisir « immédiat » que dans Puccini ou le bel canto. Là il s’agit d’un spectacle total, où musique, livret et mise en scène (la même qu’à la création) sont indissociables.
En bonus, on retrouve les interviews faites par le Met durant les entractes pour la télédiffusion mondiale. Entre autres, entretien passionnant avec Peter Sellars, au look toujours incroyable, avec le baryton James Maddalena, le même Nixon qu’à la création !
Si l’expérience vous a tenté, et vous a plu, on vous conseille l’autre opéra événement de la même équipe Adams-Sellars-Goodman, La Mort de Klinghoffer.
Klinghoffer est l’otage juif assassiné lors de la prise d’otage de l’Achille Lauro. Même approche, même style, même effet. Il est disponible en vidéo dans un excellent film fait en 2003 pour la BBC (DECCA) toujours avec John Adams à la direction