JOSEPH LIOUVILLE (1809−1882, X 1825).
Ce Bulletin de la Sabix, consacré au mathématicien Joseph Liouville, est sorti (presque) à temps à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, en tout cas pour le colloque que Norbert Verdier et moi-même lui avons consacré à l’X à Palaiseau le 29 janvier dernier. Il célèbre – aussi ! – le don à la Bibliothèque, via la Sabix, d’un certain nombre de manuscrits de Liouville, offerts par un de ses descendants, Michel Drouineau.
Les travaux mathématiques de Liouville sont bien évidemment rappelés dans ce Bulletin. Citons la mise en évidence du premier nombre transcendant (1844) – non-solution d’une équation algébrique – qui ouvrira la voie à la démonstration de la transcendance de pi (1882) et condamnera à l’inaction une armée de quadrateurs du cercle… Citons aussi le problème de Sturm- Liouville (1836), prolongation ô combien fructueuse du travail de Joseph Fourier sur l’équation de la chaleur, qui conduit à des méthodes de résolution des équations aux dérivées partielles particulièrement innovantes – jusqu’à l’équation de Schrödinger en physique quantique : on verra dans le Bulletin que Claude Cohen-Tannoudji parle le « liouvillien » couramment dans ses cours au Collège de France en 1975.
Mais Liouville (répétiteur puis professeur d’analyse à Polytechnique de 1832 à 1851) était aussi un remarquable organisateur, au centre d’un réseau de mathématiciens européens puisqu’il crée en 1836 le Journal de mathématiques pures et appliquées. La deuxième partie du Bulletin vous fait revivre, grâce à trois historiens des sciences, l’édition mathématique au XIXe siècle en France. Gageons que ce qui s’appellera rapidement le Journal de Liouville (et sera édité par Camille Jordan, X1865, de 1885 à 1922) devait correspondre à un besoin et que le projet a été bien mené par son instigateur, puisque cette revue existe toujours et constitue une marque de rayonnement de l’école mathématique française – Pierre-Louis Lions, médaille Fields, en est le responsable, digne successeur de Liouville.
Ce dernier, ingénieur des ponts, mathématicien exceptionnel, reste curieusement méconnu dans la mémoire polytechnicienne et bien sûr celle du grand public : entre Cauchy (X1805) et Poincaré (X1873), elles ont oublié Liouville et Jordan. Ce numéro vous permettra de le redécouvrir.